En apprenant que Denis Coderre songeait à se lancer dans la course à la chefferie du Parti libéral du Québec, plus d’un sympathisant a dû se demander s’il fallait en rire ou en pleurer. Depuis sa défaite de 2018, on avait l’impression que le PLQ s’enfonçait dans la marginalité et l’insignifiance, mais il ne faudrait pas exclure le burlesque.

En réalité, la candidature de l’ancien maire de Montréal ne devrait pas constituer une grande surprise. Elle est la parfaite illustration de l’aphorisme cher à l’ancien premier ministre albertain Ralph Klein : « En politique, non veut dire peut-être, et peut-être veut dire oui. »

Après sa première défaite contre Valérie Plante, M. Coderre avait écarté d’une façon qui semblait catégorique toute possibilité d’un match revanche. Après la démission de Dominique Anglade, il disait avoir tourné définitivement la page sur la politique. « Tu ne peux pas te présenter (sic) à tous les râteliers », disait-il. « Plein de monde m’ont appelé. La réponse est non, j’irai pas. »

En novembre 2022, une deuxième défaite à la mairie ne l’empêchait cependant pas d’être manifestement le favori des électeurs libéraux pour succéder à Mme Anglade. Un sondage Léger le créditait d’un appui de 17 %, loin devant Marwah Rizqy (3 %), François-Philippe Champagne (1 % ) ou Joël Lightbound (0 %). À l’époque, on n’avait même pas pensé à inclure parmi les candidats potentiels le nom du seul membre du caucus qui envisage sérieusement de se lancer dans la course, Frédéric Beauchemin (Marguerite-Bourgeoys).

La politique a horreur du vide, et il y en a un énorme à combler au PLQ. Si la direction du parti, appuyée par les délégués au conseil général, a décidé de reporter le choix du prochain chef à 2025, c’est que la perspective de voir M. Beauchemin élu par acclamation lui apparaissait catastrophique.

La possibilité que M. Coderre devienne chef semblera tout aussi inquiétante aux yeux de plusieurs, mais sa candidature assurerait au moins au PLQ une attention médiatique qui lui manque cruellement, ne serait-ce qu’en provoquant la création d’un mouvement ABC — anybody but Coderre, n’importe qui sauf Coderre.

Entre ses deux défaites à la mairie, il prétendait avoir changé, mais on a bien vu qu’il n’en était rien. Passer de la scène municipale à la scène nationale ne le transformera pas davantage. Tout le monde connaît ses qualités, et surtout ses défauts. Ses cachotteries dans le dossier de la Formule E avaient plombé sa campagne en 2017. Durant celle de 2021, ce fut son entêtement à refuser de dévoiler ses revenus et l’identité de ses employeurs durant la période où il avait pris congé de la politique.

Il ne manque assurément pas de dynamisme, mais son style de leadership, marqué par un autoritarisme d’une autre époque, est aux antipodes de cette politique faite autrement qui explique le succès de Paul St-Pierre Plamondon.

Durant la campagne québécoise de 2022, particulièrement lors des débats télévisés, le premier ministre Legault semblait un peu dépassé face à ses jeunes adversaires du PQ et de Québec solidaire. La comparaison ne servira pas mieux M. Coderre.

Il y a aussi une question de fond. Le PLQ tente de se rapprocher de l’électorat francophone, qui l’a rejeté massivement en octobre 2022, mais les positions pour le moins ambiguës de M. Coderre sur la langue lui avaient considérablement nui dans sa tentative de reconquérir l’Hôtel de Ville.

Au lendemain de la défaite de 2021, Hadrien Parizeau, qui avait la responsabilité du dossier linguistique dans son équipe, avait vivement critiqué la position « alambiquée » de son chef visant à séduire les électeurs anglophones, dans laquelle il avait vu un irritant pour la majorité francophone. M. Parizeau avait tourné le dos au parti de la mairesse Plante en croyant que M. Coderre serait un meilleur défenseur du français, mais il avait déchanté. « Des souverainistes et des nationalistes m’ont demandé comment je pouvais soutenir un homme comme ça », a-t-il dit.

Lors d’une entrevue avec l’équipe éditoriale du Devoir durant la campagne, on avait demandé à M. Coderre ce qu’il comptait faire en faveur du français, mais il avait plutôt vanté la « plus-value » que la diversité et la « réalité anglaise » nord-américaine apportaient à Montréal. Il déplorait la « vision réductrice » de certaines dispositions du projet de loi 96 et mettait en garde contre le « syndrome du provincialisme ».

Cette façon de voir les choses est sans doute de nature à plaire à la clientèle anglophone du PLQ, mais on voit mal comment elle pourrait contribuer à la reconnexion souhaitée avec la majorité francophone.

Dans une vie antérieure, M. Coderre a vécu à Ottawa les belles années du tandem Chrétien-Dion, quand la lutte contre le séparatisme semblait accaparer toutes les énergies. Si la résurrection du PQ fait croire aux libéraux qu’ils ont besoin d’un nouveau « Capitaine Canada », il pourrait bien être leur homme.

Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

QOSHE - À tous les râteliers - Michel David
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À tous les râteliers

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11.01.2024

En apprenant que Denis Coderre songeait à se lancer dans la course à la chefferie du Parti libéral du Québec, plus d’un sympathisant a dû se demander s’il fallait en rire ou en pleurer. Depuis sa défaite de 2018, on avait l’impression que le PLQ s’enfonçait dans la marginalité et l’insignifiance, mais il ne faudrait pas exclure le burlesque.

En réalité, la candidature de l’ancien maire de Montréal ne devrait pas constituer une grande surprise. Elle est la parfaite illustration de l’aphorisme cher à l’ancien premier ministre albertain Ralph Klein : « En politique, non veut dire peut-être, et peut-être veut dire oui. »

Après sa première défaite contre Valérie Plante, M. Coderre avait écarté d’une façon qui semblait catégorique toute possibilité d’un match revanche. Après la démission de Dominique Anglade, il disait avoir tourné définitivement la page sur la politique. « Tu ne peux pas te présenter (sic) à tous les râteliers », disait-il. « Plein de monde m’ont appelé. La réponse est non, j’irai pas. »

En novembre 2022, une deuxième défaite à la mairie ne l’empêchait cependant pas d’être manifestement le favori des électeurs libéraux pour succéder à Mme Anglade. Un sondage Léger le créditait d’un appui de 17 %, loin devant Marwah Rizqy........

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