Il est divertissant de voir les porte-parole caquistes s’indigner des critiques dont les méthodes de financement de leur parti font l’objet. À les entendre, l’éthique ferait partie du bagage génétique de la Coalition avenir Québec.

« La CAQ a été fondée sur le rejet des façons de faire des vieux partis et sur la volonté de faire mieux en matière de transparence et d’intégrité », a expliqué sa directrice générale, Brigitte Legault, dans une lettre ouverte. Le respect des normes d’intégrité les plus élevées est « dans notre ADN », dit-elle.

Elle souligne que la CAQ n’a jamais été blâmée par Élections Québec pour avoir pratiqué le « financement sectoriel » auquel s’adonnaient les « vieux partis » jusqu’à ce que la commission Charbonneau provoque une réforme de la loi sur le financement des partis politiques.

Ouvrière de la première heure, Mme Legault doit pourtant se souvenir de la grande générosité manifestée par les avocats de la firme BCF à la naissance de la CAQ. Le patron de son bureau montréalais, Me Mario Charpentier, avait convaincu 45 de ses collègues de contribuer pour un total de 20 000 $ à la caisse caquiste entre le 14 novembre 2011 (la date de la fondation du parti) et le 31 décembre suivant.

Dans une entrevue donnée à La Presse en janvier 2012, Me Charpentier était aux anges. « C’est le fun de voir qu’il y a autant d’enthousiasme dans mon cabinet pour la Coalition avenir Québec », avait-il déclaré. Le plus beau de l’affaire était que le passage de la CAQ du statut d’OBNL à celui de parti politique avait permis à certains d’y contribuer deux fois dans la même année, ce qui contrevenait au minimum à l’esprit de la loi.

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Bernard Drainville, alors député péquiste de Marie-Victorin, avait trouvé suspecte une telle concentration de contributeurs. « Je trouve que ça a l’air organisé. Je me demande si François Legault n’est pas en train de s’attacher à ce cabinet », avait-il déclaré.

Cela n’avait rien d’illégal, mais on pouvait comprendre l’inquiétude de M. Drainville. Tout comme il est permis de s’interroger sur les raisons pour lesquelles la moitié des 1138 maires et préfets du Québec ont donné près de 100 000 $ à la caisse de la CAQ entre 2021 et 2023.

La répétition des « maladresses » dans la formulation des invitations aux cocktails de financement de la CAQ devient pour le moins troublante. D’ailleurs, on peut à la fois être maladroit et manquer d’éthique.

Les députés caquistes qui font miroiter une rencontre avec un ministre à un maire ou à un entrepreneur ne débarquent quand même pas de la planète Mars. Personne ne croit sérieusement qu’on peut s’attirer les faveurs d’un ministre pour 100 $, mais ils devraient comprendre que le souvenir de la commission Charbonneau est encore trop récent pour qu’ils puissent se permettre de faire abstraction des apparences.

Un peu partout, les partis politiques ont du mal à mobiliser, mais c’est à se demander si la CAQ n’est pas devenue impopulaire au point où ses ministres doivent tenir salon pour attirer les contributeurs.

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Si l’éthique n’a rien d’une propriété génétique de la CAQ, il faut reconnaître qu’aucun membre du gouvernement Legault n’a été accusé de quelque malversation que ce soit depuis 2018. Soit, Pierre Fitzgibbon a décidé d’appliquer ses propres règles en matière de conflit d’intérêts, mais personne ne lui a jamais reproché de tourner les coins ronds pour en tirer un avantage personnel.

Ce n’est pas un hasard si une pratique qui n’est nouvelle ni pour la CAQ ni pour les partis qui ont formé un gouvernement avant elle soulève soudainement l’indignation.

La politique est une maîtresse infidèle. Quand le premier ministre Legault donnait l’impression de marcher sur les eaux, on aurait dit que l’opposition lui cherchait des poux avec ces histoires de cocktails. Maintenant qu’il est tombé de son piédestal, on va lui découvrir tous les défauts.

Le Québec est déjà un modèle de rigueur en matière de financement des partis politiques, mais tout est perfectible. Le directeur général des élections voit lui-même un risque à la participation d’un ministre aux activités de financement, ne serait-ce que pour l’impression de concussion qui peut en résulter.

De là à priver les partis du peu de financement privé qui leur reste, le ministre responsable des Institutions démocratiques, Jean-François Roberge, devrait y réfléchir à deux fois. Sans la générosité de ses contributeurs, la CAQ n’aurait jamais pu supplanter les « vieux partis », car ces derniers auraient monopolisé les subventions de l’État, calculées en fonction des résultats des élections précédentes.

Cela ne saute peut-être pas aux yeux de la CAQ, mais les militants sont l’âme d’un parti politique, et soutenir financièrement celui-ci constitue encore la meilleure façon de se l’approprier.

Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

QOSHE - L’ADN de la CAQ - Michel David
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L’ADN de la CAQ

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01.02.2024

Il est divertissant de voir les porte-parole caquistes s’indigner des critiques dont les méthodes de financement de leur parti font l’objet. À les entendre, l’éthique ferait partie du bagage génétique de la Coalition avenir Québec.

« La CAQ a été fondée sur le rejet des façons de faire des vieux partis et sur la volonté de faire mieux en matière de transparence et d’intégrité », a expliqué sa directrice générale, Brigitte Legault, dans une lettre ouverte. Le respect des normes d’intégrité les plus élevées est « dans notre ADN », dit-elle.

Elle souligne que la CAQ n’a jamais été blâmée par Élections Québec pour avoir pratiqué le « financement sectoriel » auquel s’adonnaient les « vieux partis » jusqu’à ce que la commission Charbonneau provoque une réforme de la loi sur le financement des partis politiques.

Ouvrière de la première heure, Mme Legault doit pourtant se souvenir de la grande générosité manifestée par les avocats de la firme BCF à la naissance de la CAQ. Le patron de son bureau montréalais, Me Mario Charpentier, avait convaincu 45 de ses collègues de contribuer pour un total de 20 000 $ à la caisse caquiste entre le 14 novembre 2011 (la date de la fondation du parti) et le 31 décembre suivant.

Dans une entrevue donnée à........

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