Visez la perfection. Celle-ci n’existant pas, vous atteindrez ainsi l’excellence. » Je passe aux aveux : j’ai longtemps eu un faible pour cette phrase ornant délicatement le coin de mon babillard de bureau. Mais en lisant le nouvel ouvrage de Jean-Sébastien Marsan, Se libérer par la déconsommation (les Éditions du Journal), je ne suis plus certaine d’avoir envie de la conserver. Cette philosophie, en valorisant la performance et la quête du succès, ne serait pas sans influencer notre rapport à la consommation.

Quand on y pense bien, l’importance accordée à notre vie professionnelle est liée à la place de plus en plus grande que prennent la quête matérielle et la recherche du confort dans nos vies.

La déconsommation se définit comme la tendance à diminuer la consommation de masse. Elle implique plusieurs choix différents de ceux qui sont devenus la norme dans les dernières décennies, cela autant en matière d’alimentation, de transports, de travail, de logement qu’en matière de loisirs. À eux seuls, la société de consommation dans laquelle nous vivons et les enjeux écologiques constituent des considérations assez fortes pour que nous songions à y adhérer.

La déconsommation peut aussi s’appliquer à vos finances personnelles. Jean-Sébastien Marsan nous oblige à remettre en question une forme d’ambition professionnelle ou financière qui serait délétère.

Pour reprendre la suite logique d’une chanson popularisée par Vulgaires Machins, on peut dire qu’en travaillant plus, on se permet de consommer plus, et que plus la consommation s’accentue, plus le désir de gagner plus d’argent pour en dépenser plus s’installe aussi.

Voici quelques conseils inspirés par la lecture de cet ouvrage.

En terminer avec la dette de consommation. Oublions la délicatesse et allons droit au but : seuls les pauvres s’endettent en achetant des biens de luxe. Les familles bien nanties et les entrepreneurs s’endettent pour investir, et lorsque leur situation financière est plus favorable, ils en profitent pour augmenter leur niveau de confort. Je sais qu’il est choquant d’opposer les riches et les pauvres ainsi, mais si parler de déconsommation peut faire oeuvre utile, c’est bien en incitant le public à limiter l’endettement.

L’accès au crédit favorise des choix de consommation inappropriés à sa situation financière réelle et fait oublier le coût de renonciation de chaque décision d’achat. L’exemple classique est le café ou le déjeuner ramassé quotidiennement le matin au service à l’auto.

Cette mauvaise habitude entretenue pendant 40 ans, pour un total hypothétique de 30 $ par semaine, signifie un renoncement à presque 200 000 $, advenant que cette somme eût par exemple été investie dans un REER générant un rendement de 5 % par année.

Audacieux, M. Marsan nous suggère de retrouver la relation de honte qu’entretenaient nos ancêtres avec le crédit. Si vous êtes parent, une de vos missions financières minimales devrait quant à moi être d’éduquer vos enfants sur les répercussions financières du paiement que du solde minimal d’une carte de crédit chaque mois.

Oubliez le « Je le mérite tant ». Parce que nous travaillons fort pour gagner notre argent, plusieurs dépensent énormément afin de se récompenser : plus de biens matériels, plus de voyages hors de prix, plus de vacances en famille pour faire comme tout le monde, plus de restaurants, plus de biens de luxe. Une des clés serait de repenser sa relation au temps et au travail. Évidemment, un emploi qui nous permet de nous épanouir diminue peut-être la tentation de recourir à cette excuse pour justifier différentes dépenses émotives.

Cette lecture rappelle aussi un fait qui prête à réflexion : si, à une époque pas si lointaine, il était encore possible de vivre une vie heureuse sans même envisager l’achat d’un bien de luxe, aujourd’hui, ces mêmes biens sont si facilement accessibles avec le crédit que nous oublions de réfléchir avant de nous les procurer.

A-t-on vraiment besoin d’une voiture de luxe, d’une batterie de cuisine digne d’un restaurant, d’une maison tendance, de la grosse piscine ? Ce sont là des automatismes qui appauvrissent de nombreux ménages vivant au-dessus de leurs moyens.

Remettre en question les modèles traditionnels. Choisir un métier payant, s’endetter pour étudier, devenir propriétaire d’une maison, acheter une voiture, fonder une famille, voyager, acheter un chalet. Chaque vie est unique, mais à bien y réfléchir, plusieurs choix se font par simple répétition ou imitation.

Le hic, c’est que ce modèle n’est pas financièrement soutenable pour plusieurs. Ni pour l’environnement, d’ailleurs. Il convient de prendre le temps de calculer le vrai taux horaire que rapporte son emploi, de faire une analyse plus rationnelle du choix entre louer ou acheter, de faire une croix sur la voiture, ce symbole social de réussite.

Pourquoi procéder à des questionnements aussi douloureux ? Parce qu’ils ouvrent aussi la porte à la liberté et à l’autonomie financière. Lorsque nous allégeons notre consommation, l’esprit s’allège, le portefeuille se remplit et des investissements se concrétisent. La déconsommation s’adresse ainsi à tout le monde, peu importe le revenu.

Et si la satiété financière était la clé de l’atteinte d’objectifs financiers personnels plus modestes, mais nous permettant de réduire notre empreinte sur la planète et d’éviter de nombreuses sources de stress tout en augmentant la qualité de nos relations ? Jean-Sébastien Marsan offre une lecture incontournable pour tous ceux qui trouvent que la frugalité semble impossible et qui se cherchent un plan pour réduire leurs dépenses sans perdre complètement leur qualité de vie.

Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

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La surprenante stratégie de la déconsommation

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27.04.2024

Visez la perfection. Celle-ci n’existant pas, vous atteindrez ainsi l’excellence. » Je passe aux aveux : j’ai longtemps eu un faible pour cette phrase ornant délicatement le coin de mon babillard de bureau. Mais en lisant le nouvel ouvrage de Jean-Sébastien Marsan, Se libérer par la déconsommation (les Éditions du Journal), je ne suis plus certaine d’avoir envie de la conserver. Cette philosophie, en valorisant la performance et la quête du succès, ne serait pas sans influencer notre rapport à la consommation.

Quand on y pense bien, l’importance accordée à notre vie professionnelle est liée à la place de plus en plus grande que prennent la quête matérielle et la recherche du confort dans nos vies.

La déconsommation se définit comme la tendance à diminuer la consommation de masse. Elle implique plusieurs choix différents de ceux qui sont devenus la norme dans les dernières décennies, cela autant en matière d’alimentation, de transports, de travail, de logement qu’en matière de loisirs. À eux seuls, la société de consommation dans laquelle nous vivons et les enjeux écologiques constituent des considérations assez fortes pour que nous songions à y adhérer.

La déconsommation peut aussi s’appliquer à vos finances personnelles. Jean-Sébastien Marsan nous oblige à remettre en question une forme d’ambition professionnelle ou financière qui serait délétère.

Pour reprendre la suite logique d’une chanson popularisée par Vulgaires Machins, on peut dire qu’en........

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