Après seulement cinq mois en poste, Émilise Lessard-Therrien a abandonné le rôle de co-porte-parole féminine de Québec solidaire la semaine dernière. L’ex-députée de Rouyn-Noranda–Témiscamingue avait pourtant travaillé d’arrache-pied pour obtenir l’appui des membres et devenir ainsi la première co-porte-parole de Québec solidaire à représenter fièrement la ruralité. Et remplacer la grande Manon Massé, disons-le, n’était pas non plus une mince affaire.

Dans la foulée, la Commission nationale des femmes de Québec solidaire a dénoncé mardi le muselage des femmes et « l’influence croissante de personnes non élues démocratiquement » au sein du parti.

Malheureusement, il semble en effet y avoir une « petite équipe tissée serrée » autour du co-porte-parole masculin, Gabriel Nadeau-Dubois. Pour un parti qui se dit féministe, cette tendance semble donc bien étrange.

Comme c’est le cas dans la majorité des partis politiques, une mentalité du « mâle alpha » semble exister — ou s’être installée depuis peu — au sein de Québec solidaire. Dans toute société, formation sportive ou politique, le mâle alpha est un homme dominant, trônant au sommet d’un groupe, qui se distingue nettement par son ascendant sur les autres membres, ce qui lui procure de nombreux avantages, entre autres un accès privilégié aux ressources (humaines, espace médiatique, pouvoir décisionnel et le reste).

Il est clair que Gabriel Nadeau-Dubois est un redoutable politicien et un formidable orateur. Mais une question se pose sérieusement : y a-t-il véritablement de l’espace pour une co-porte-parole féminine au sein du parti orange ?

L’espace qu’occupe le co-porte-parole masculin, Gabriel Nadeau-Dubois, se fait-il, dans les faits, au détriment de la place prévue à la co-porte-parole féminine ? Plus important encore, cette femme, cette co-porte-parole féminine de Québec solidaire, accède-t-elle réellement au poste et partage-t-elle véritablement le pouvoir avec l’homme de la situation en question ? Ou est-ce que tout cela n’est pas, depuis quelques années, qu’une simple illusion, une façade de communication ?

Selon Émilise Lessard-Therrien elle-même — qui apparaît comme une femme tenace, disons-le —, elle a eu « du mal à trouver [s]on espace » au sein de l’équipe. Or, n’est-ce pas justement le rôle de l’équipe de direction de Québec solidaire de l’assister, de lui donner toute la place qui lui revient, et non le contraire ? Comment se fait-il qu’une femme élue en bonne et due forme par les membres d’un parti politique soi-disant féministe doive se battre autant et s’épuiser aussi rapidement pour être entendue et avoir accès à la place qui lui revient dûment ?

En 2019, qui plus est, Québec solidaire s’est opposé à l’adoption de la loi 21 portant sur la nécessaire laïcité de l’État, « notamment en raison de l’inclusion de la disposition de dérogation, qui permettait de la soustraire à la Charte canadienne des droits et libertés, comme à la Charte québécoise des droits et libertés de la personne ».

Et en juillet 2022, Gabriel Nadeau-Dubois en rajoutait une couche, au multiculturalisme trudeauiste sexiste, en ne déclarant rien de moins « qu’un gouvernement solidaire allait “permettre le port de signes religieux pour que tout le monde puisse travailler au Québec, peu importent ses croyances”, mais la plateforme [de Québec solidaire] esquivait encore une fois la question. Il ne fallait pas faire exprès d’indisposer la majorité francophone, largement favorable à la loi ».

Alors que des femmes partout dans le monde voient leurs droits les plus fondamentaux bafoués, étant obligées de porter le voile ou la burqa en Iran ou en Afghanistan, par exemple, sous peine de torture et d’arrestations, ici, au Québec, nous avons choisi, comme société, la laïcité. La nécessaire laïcité pour vivre dans une société égalitaire, où la religion est clairement séparée de l’État.

Mais Québec solidaire a plutôt choisi d’ignorer cette forte majorité francophone largement favorable à la Loi sur la laïcité de l’État. À l’instar du Parti libéral du Québec, Québec solidaire préfère encore célébrer la « diversité » et le multiculturalisme à tout prix, en occultant le simple fait que le voile islamique est sexiste. Et soyons clairs ici : toutes les religions sont fondamentalement sexistes.

Québec solidaire se dit un parti politique féministe et indépendantiste. Et malheureusement, on y a longtemps cru. Or, nous savons aujourd’hui que ces deux étiquettes sont essentiellement décoratives. Et après avoir caressé l’espoir de représenter enfin les régions et la ruralité, Québec solidaire pourrait très bien redevenir ce qu’il a toujours, au fond, été depuis le début, soit le parti de la ligne orange.

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QOSHE - Féministe, Québec solidaire? - Sylvie Marchand
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Féministe, Québec solidaire?

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08.05.2024

Après seulement cinq mois en poste, Émilise Lessard-Therrien a abandonné le rôle de co-porte-parole féminine de Québec solidaire la semaine dernière. L’ex-députée de Rouyn-Noranda–Témiscamingue avait pourtant travaillé d’arrache-pied pour obtenir l’appui des membres et devenir ainsi la première co-porte-parole de Québec solidaire à représenter fièrement la ruralité. Et remplacer la grande Manon Massé, disons-le, n’était pas non plus une mince affaire.

Dans la foulée, la Commission nationale des femmes de Québec solidaire a dénoncé mardi le muselage des femmes et « l’influence croissante de personnes non élues démocratiquement » au sein du parti.

Malheureusement, il semble en effet y avoir une « petite équipe tissée serrée » autour du co-porte-parole masculin, Gabriel Nadeau-Dubois. Pour un parti qui se dit féministe, cette tendance semble donc bien étrange.

Comme c’est le cas dans la majorité des partis politiques, une mentalité du « mâle alpha » semble exister — ou s’être installée depuis peu — au sein de Québec solidaire. Dans toute société, formation sportive ou politique, le mâle alpha est un homme dominant, trônant au sommet d’un groupe, qui se distingue nettement par son ascendant sur les autres........

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