«Les acteurs judiciaires, du greffier au juge, ont à cœur la mission de rendre justice, même si tout n’est pas parfait.» (Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. Beaucoup de personnes et d’entrepreneurs craignent le processus judiciaire. Sa complexité, ses coûts, ses délais et l’angoisse d’une potentielle issue défavorable expliquent bien cette crainte. Cependant, plus un entrepreneur brasse des affaires, plus il risque un jour ou l’autre de se retrouver devant l’appareil judiciaire, entre autres pour recouvrer des sommes dues ou se défendre face à une réclamation.

Je vous propose donc de faire connaissance avec le processus judiciaire civil du Québec dans lequel certains entrepreneurs doivent naviguer par nécessité, en vous clarifiant certaines confusions que j’ai pu noter au fil du temps.

À noter que les explications qui suivent excluent l’arbitrage ainsi que les processus administratif et criminel.

Contrairement aux affaires criminelles où l’État (la poursuite, le procureur) se porte à la poursuite d’un accusé, les affaires civiles relèvent principalement des conflits privés entre particuliers et/ou entre entreprises. Les termes «demandeur» et «défendeur» sont plutôt utilisés.

Dans un dossier civil, la personne qui institue les procédures est le «demandeur» et la partie adverse, le «défendeur».

En ce qui concerne la vie d’un entrepreneur ou d’une entreprise, plusieurs cas communs peuvent se retrouver devant un tribunal civil, notamment:

Le processus judiciaire civil au Québec est encadré principalement par le Code de procédure civile du Québec et le Code civil du Québec, qui ont leurs règles propres. Malheureusement, ces règles sont si complexes que même parmi les juristes elles ne sont pas toutes bien connues. Imaginez la difficulté pour ceux dont ce n’est pas le métier!

Les principaux intervenants dans le système judiciaire civil sont les suivants:

En matière d’indemnisation, la justice civile a pour rôle de réparer le préjudice subi et pas d’enrichir la personne qui a gain de cause. Les grandes causes aux millions de dollars que l’on peut voir aux États-Unis, pour des choses qui sont parfois anodines, n’existent pas vraiment au Québec. De plus, sauf lorsque prévus dans un contrat, celui qui a gain de cause ne peut généralement pas réclamer ses frais d’avocats à l’autre partie.

On ne peut pas poursuivre pour des montants extraordinairement supérieurs au préjudice subi.

Les frais d’avocats sont rarement remboursés par la partie perdante.

Plusieurs oublient qu’il faut obtenir un jugement pour forcer une personne ou une entreprise à faire quelque chose qu’il se refusait alors de faire. Une mise en demeure, de quelque excellent avocat qu’elle provienne, n’a pas cette force.

Une mise en demeure n’a pas le pouvoir de forcer l’autre à faire quelque chose, mais constitue un dernier avertissement avant de judiciariser l’affaire.

Le système judiciaire est donc une barrière à se faire justice soi-même. Les grandes étapes jusqu’à l’obtention d’un jugement peuvent se lister, en gros, ainsi:

Évidemment, les étapes les plus importantes sont le procès, le jugement et son exécution. Cependant, la plus grande partie du travail se situe en amont, dans la rédaction des actes de procédures et le travail d’enquête.

La majorité du travail de l’avocat n’est pas de faire le procès, mais tout ce qui le prépare, soit la rédaction, l’analyse, l’enquête, etc.

En droit civil, les pièces (documents, etc.) doivent être toutes communiquées entre les parties avant le début du procès, de même que l’identité des témoins. Heureusement, parce que cette forme de transparence permet aux parties d’évaluer leur dossier et de régler à l’amiable la plupart du temps.

Les témoins et les pièces qui sortent par surprises pendant le procès ne sont donc pas de mise dans un procès civil.

Lors d’un procès civil, la notion de preuve «hors de tout doute raisonnable», bien connue du grand public dans les affaires criminelles, ne trouve pas d’application.

En effet, le fardeau de la preuve en droit civil consiste à la prépondérance des probabilités. «La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante» comme l’indique le Code civil du Québec. C’est donc la règle du 50% plus 1.

Cela allège donc le fardeau de la preuve autant en demande qu’en défense, mais ne dispense pas de préparer adéquatement le dossier pour autant.

Il n’est pas nécessaire de faire une preuve « hors de tout doute » dans un procès civil. C’est la règle de la prépondérance qui prévaut.

Il est aussi à noter que la jurisprudence au Québec en droit civil n’est pas traitée comme en droit criminel ou comme dans les juridictions de common law que l’on rencontre par exemple aux États-Unis, dans les autres provinces canadiennes et au Royaume-Uni. En effet, la jurisprudence, soit les jugements sur des cas similaires, n’a pas le même poids. C’est plutôt le Code civil et les lois applicables qui sont les sources principales de droit. Ainsi, un dossier bien préparé, des faits biens présentés et une plaidoirie bien appuyée sur le Code civil peuvent être suffisants.

La jurisprudence joue un rôle moindre en droit civil qu’en droit criminel ou que dans les autres juridictions de common law.

Finalement, après avoir réussi à naviguer à travers toutes les épreuves jusqu’à la fin du procès, c’est le délibéré, soit l’attente du jugement.

Lorsque le jugement est rendu et que le défendeur est condamné à payer, les huissiers peuvent être chargés de procéder aux mesures d’exécutions, soit la saisie des comptes, des biens, etc.

Tout ce processus, si le litige ne se règle pas à l’amiable, peut parfois prendre quelques années selon la complexité de chaque cas.

Voici donc les grandes lignes d’un processus dans lequel tout entrepreneur ne veut pas se retrouver (avec raison), mais qu’il devra probablement affronter dans son parcours. Mieux comprendre le processus, c’est déjà éliminer un peu d’inconnu et un peu de peur.

Pour tous ceux qui doivent faire face au processus judiciaire, je vous souhaite de garder courage. Les acteurs judiciaires, du greffier au juge, ont à cœur la mission de rendre justice, même si tout n’est pas parfait.

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QOSHE - 8 précisions pour apprivoiser le processus judiciaire - Manuel St-Aubin
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8 précisions pour apprivoiser le processus judiciaire

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08.05.2024

«Les acteurs judiciaires, du greffier au juge, ont à cœur la mission de rendre justice, même si tout n’est pas parfait.» (Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. Beaucoup de personnes et d’entrepreneurs craignent le processus judiciaire. Sa complexité, ses coûts, ses délais et l’angoisse d’une potentielle issue défavorable expliquent bien cette crainte. Cependant, plus un entrepreneur brasse des affaires, plus il risque un jour ou l’autre de se retrouver devant l’appareil judiciaire, entre autres pour recouvrer des sommes dues ou se défendre face à une réclamation.

Je vous propose donc de faire connaissance avec le processus judiciaire civil du Québec dans lequel certains entrepreneurs doivent naviguer par nécessité, en vous clarifiant certaines confusions que j’ai pu noter au fil du temps.

À noter que les explications qui suivent excluent l’arbitrage ainsi que les processus administratif et criminel.

Contrairement aux affaires criminelles où l’État (la poursuite, le procureur) se porte à la poursuite d’un accusé, les affaires civiles relèvent principalement des conflits privés entre particuliers et/ou entre entreprises. Les termes «demandeur» et «défendeur» sont plutôt utilisés.

Dans un dossier civil, la personne qui institue les procédures est le «demandeur» et la partie adverse, le «défendeur».

En ce qui concerne la vie d’un entrepreneur ou d’une entreprise, plusieurs cas communs peuvent se retrouver devant un tribunal civil, notamment:

Le processus judiciaire civil au Québec est encadré principalement par le Code de procédure civile du Québec et le Code civil du Québec, qui ont leurs........

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