Selon les données compilées par l’agence d’ingénierie boursière et financière Vernimmen les entreprises du CAC 40 ont versé 97,1 milliards d’euros aux actionnaires en 2023, dont 67,1 milliards sous la forme de dividendes en numéraire et 30,1 milliards sous la forme de rachats d’actions[1] Le constat est sans appel : les grands groupes français n’ont jamais autant redistribué de profits aux actionnaires. C’est 17 milliards d’euros de plus que l’an dernier qui était déjà le niveau le plus haut jamais enregistré depuis 2003. Les rachats d’actions, que le gouvernement désirait réduire, ont bondi de 30 % d’une année sur l’autre. Au total, le taux de distribution des entreprises du CAC 40 , c’est-à-dire la part de profits distribué par rapport au profit total, grimpe à 72% contre 55 % en 2022. C’est un nouveau record

Faut-il gaver un peu plus les actionnaires pour favoriser le financement de l’économie française ? C’est ce que semble penser le Ministre de l’économie et des finances annonçant sa décision de lancer une nouvelle loi pour attirer les investisseurs étrangers sur la place parisienne Et pour cela il n’hésite pas à valoriser sa propre action : « Nous sommes devenus la nation la plus attractive pour les investissements en Europe. Nous avons su tirer le plein parti du Brexit, et attirer à Paris, les plus grands établissements financiers de la planète ». Bruno Le Maire fait semblant d’ignore le besoin de desserrer la contrainte de rentabilité qui pèse sur les choix des gestion des entreprises, livrant ainsi le pays sans défense aux exigences des marchés financiers et des fonds prédateurs comme Black-Rock, Vanguard, Fidelity, JP morgan, Goldman Sachs… tous sous influence américaine.

Recherche, formation, emplois, investissements de long terme sont délaissés par les marchés financiers. Les entreprises n’ont eu de cesse que de privilégier les actionnaires. En 10 ans, la part des dividendes dans la valeur ajoutée des sociétés non financières a presque doublé passant de 5% de la valeur ajoutée des firmes à plus de 9%. Les dividendes et autres revenus distribués des sociétés françaises sont parmi les plus élevées d’Europe. S’il y a des coûts à réduire ce sont prioritairement les coûts financiers des entreprises qu’il faut faire reculer.

Il faut d’urgence desserrer l’étau de la finance, refonder la fiscalité de l’entreprise afin de lutter contre tous ls gâchis de capital et de favoriser l’investissement, le développement de l’emploi et des capacités humaines. Il faut dans le même mouvement créer un pôle public financier digne de ce nom.

Jean-Christophe Le Duigou

[1] Lettre numéro 214 de Janvier 2024

QOSHE - Le gavage des actionnaires - Jean-Christophe Le Duigou
menu_open
Columnists Actual . Favourites . Archive
We use cookies to provide some features and experiences in QOSHE

More information  .  Close
Aa Aa Aa
- A +

Le gavage des actionnaires

5 0
14.01.2024

Selon les données compilées par l’agence d’ingénierie boursière et financière Vernimmen les entreprises du CAC 40 ont versé 97,1 milliards d’euros aux actionnaires en 2023, dont 67,1 milliards sous la forme de dividendes en numéraire et 30,1 milliards sous la forme de rachats d’actions[1] Le constat est sans appel : les grands groupes français n’ont jamais autant redistribué de profits aux actionnaires. C’est 17 milliards d’euros de plus que l’an dernier qui était déjà le niveau le plus haut jamais enregistré depuis 2003. Les rachats d’actions, que le gouvernement désirait réduire, ont bondi de 30 % d’une année sur l’autre. Au total, le taux de........

© Alternatives Économiques (Blog)


Get it on Google Play