Enfin ! Dans son avis récent sur la situation des finances publiques, la Cour des comptes nous dit que « si plusieurs mesures de baisses et de hausses figurent dans la loi de finances pour 2024, celle-ci marque globalement l’arrêt des baisses d’impôt ».

Pour qui souhaite limiter le déficit budgétaire et maîtriser la dette, la fin du poujadisme fiscal de ce gouvernement…

Enfin ! Dans son avis récent sur la situation des finances publiques, la Cour des comptes nous dit que « si plusieurs mesures de baisses et de hausses figurent dans la loi de finances pour 2024, celle-ci marque globalement l’arrêt des baisses d’impôt ».

Pour qui souhaite limiter le déficit budgétaire et maîtriser la dette, la fin du poujadisme fiscal de ce gouvernement, qui nous a fait perdre 60 à 70 milliards de recettes depuis 2017, est une bonne nouvelle. Pour autant, cela sera nettement insuffisant pour atteindre les 3 % de déficit public et une dette à 108 % du PIB à horizon 2027 que le gouvernement s’est fixés comme objectifs.

La Cour des comptes indique que, pour les tenir, « ce sont près de 50 Md€ d’économies qu’il faudrait réaliser d’ici 2027 » avant de préciser – dans son langage diplomatique – qu’« à ce stade, les moyens permettant de respecter cette trajectoire de dépenses ne sont documentés qu’à la marge ». Bref, qu’il y a peu de chances que Bercy puisse tenir cette trajectoire.

Les experts de la Cour se livrent alors à des petits calculs : si la croissance est plus faible que celle prévue par le gouvernement sur la période 2020-2027 et que les dépenses publiques continuent à suivre leur évolution tendancielle, la dette sera plutôt à 117 % du PIB en 2027.

Une nécessaire hausse de la fiscalité

C’est loin d’être dramatique, mais la dynamique n’est pas bonne. D’autant plus que ce petit calcul n’intègre pas les nécessaires futures dépenses publiques. Au cours des années qui viennent, la France a besoin de dépenser plus pour la transition énergétique, la transition numérique, la dépendance, la sécurité économique, les hôpitaux, l’école, la recherche, etc. Sauf à s’appauvrir définitivement, il va nous falloir plus de dépenses publiques, et pour de longues années.

On peut en financer une partie par la dette, mais les arbres ne montent pas jusqu’au ciel. On sera obligé d’en passer par une hausse de la fiscalité. Comme l’a déclaré récemment Pierre Moscovici, le premier président de la Cour des comptes, face au discours du gouvernement, « le "circulez il n’y a rien à voir" sur la fiscalité me paraît trop rapide ». Et il a entièrement raison.

La question est alors posée de savoir quels impôts pourraient être augmentés. Réponse logique : sur les activités économiques et les contribuables qui sont aujourd’hui relativement peu taxés. Trois pistes se dégagent.

Il existe aujourd’hui un consensus chez les économistes pour dire que, face au poids croissant de l’héritage, sa taxation doit être augmentée. Plusieurs propositions sont sur la table – celles du Conseil d’analyse économique (CAE) ou de l’expert de ces sujets André Masson –, et chacun y puisera la solution qui lui paraît la plus adéquate. On parle là d’un potentiel d’une dizaine de milliards d’euros par an, selon le CAE.

On peut également imaginer que la France cesse de bloquer les efforts européens en faveur d’une taxation des transactions financières, qui pourrait rapporter 57 milliards au niveau européen et donc quelques milliards pour la France.

Equilibre budgétaire et équité sociale

Mais la mesure la plus adéquate consisterait à prendre la balle au bond des débats croissants sur la nécessaire taxation des très grandes fortunes. Ça pourrait rapporter combien ? Effectuons à notre tour un petit calcul.

En France, le patrimoine total équivaut à environ 7 fois le PIB. Les 1 % les plus riches en détiennent un quart à eux seuls. Une taxe progressive de 2 %, à un taux marginal, sur ce patrimoine, tout en comptant 10 à 15 % de fraude et d’évasion fiscales, rapporterait de l’ordre de 55 à 60 milliards d’euros. Là, on est dans les ordres de grandeur qu’appellent nos défis budgétaires, actuels et futurs.

L’un des arguments des libéraux face à ce genre de mesure est de dire que les comportements des très riches vont s’adapter : ils mettront tout en œuvre pour échapper à cette taxation, réduisant, à terme, son rendement (par exemple Stéphane Carcillo, ici à 15 min 50 s). Certes, c’est ce qui s’est passé après la mise en œuvre de l’impôt sur le revenu en 1914. Mais 110 ans après, il rapporte toujours !

Et les temps ont changé. Il y a aujourd’hui des ONG de milliardaires pour réclamer d’être plus taxés… Et ceux qui veulent dissimuler une partie de leur patrimoine à l’étranger font désormais face à l’échange automatique d’informations : le fisc français en sera automatiquement informé. Quitter la France ? Quand il y avait l’ISF, certains le faisaient, mais il s’agissait d’une fraction extrêmement marginale des contribuables concernés.

Taxer les ultra-riches est certes une question d’équité sociale. Mais, compte tenu de la montée incontournable des dépenses publiques nécessaires pour éviter l’appauvrissement de la France, c’est aussi une question d’équilibre budgétaire et de maîtrise de la dette publique.

QOSHE - L’arrêt des baisses d’impôt ne suffira pas à maîtriser la dette - Christian Chavagneux
menu_open
Columnists Actual . Favourites . Archive
We use cookies to provide some features and experiences in QOSHE

More information  .  Close
Aa Aa Aa
- A +

L’arrêt des baisses d’impôt ne suffira pas à maîtriser la dette

6 1
21.03.2024

Enfin ! Dans son avis récent sur la situation des finances publiques, la Cour des comptes nous dit que « si plusieurs mesures de baisses et de hausses figurent dans la loi de finances pour 2024, celle-ci marque globalement l’arrêt des baisses d’impôt ».

Pour qui souhaite limiter le déficit budgétaire et maîtriser la dette, la fin du poujadisme fiscal de ce gouvernement…

Enfin ! Dans son avis récent sur la situation des finances publiques, la Cour des comptes nous dit que « si plusieurs mesures de baisses et de hausses figurent dans la loi de finances pour 2024, celle-ci marque globalement l’arrêt des baisses d’impôt ».

Pour qui souhaite limiter le déficit budgétaire et maîtriser la dette, la fin du poujadisme fiscal de ce gouvernement, qui nous a fait perdre 60 à 70 milliards de recettes depuis 2017, est une bonne nouvelle. Pour autant, cela sera nettement insuffisant pour atteindre les 3 % de déficit public et une dette à 108 % du PIB à horizon 2027 que le gouvernement s’est fixés comme objectifs.

La Cour des comptes indique que, pour les tenir, « ce sont près de 50 Md€ d’économies qu’il faudrait réaliser d’ici 2027 » avant de préciser – dans son langage diplomatique – qu’« à ce stade, les moyens permettant de respecter cette trajectoire de dépenses ne sont........

© Alternatives Économiques


Get it on Google Play