Dans L’autre moitié du monde, le socialiste belge Paul Magnette livre toute une série de pistes pour transformer le rapport au travail, gage selon lui d’une réappropriation par la gauche des oubliés de la mondialisation.

Pour Paul Magnette, professeur de théorie politique à l’université libre de Bruxelles et président du Parti socialiste belge, la gauche s’est fait voler la valeur travail par la droite et les libéraux, il est temps pour elle de la reprendre. Attention, il ne s’agit pas à ses yeux de renier l’importance que revêt le travail pour la grande majorité des gens : « Il ne s’agit donc pas de nous libérer du travail, qui demeure indispensable, mais de libérer le travail des rapports de domination qui le structurent. »

Petit retour historique. Jusqu’au XVIIIe siècle, alors que le travail...

Pour Paul Magnette, professeur de théorie politique à l’université libre de Bruxelles et président du Parti socialiste belge, la gauche s’est fait voler la valeur travail par la droite et les libéraux, il est temps pour elle de la reprendre. Attention, il ne s’agit pas à ses yeux de renier l’importance que revêt le travail pour la grande majorité des gens : « Il ne s’agit donc pas de nous libérer du travail, qui demeure indispensable, mais de libérer le travail des rapports de domination qui le structurent. »

Petit retour historique. Jusqu’au XVIIIe siècle, alors que le travail était essentiellement considéré jusque-là comme une source de peine, on a commencé à y voir aussi la possibilité de réalisations personnelles et d’un épanouissement. Mais, au même moment, la révolution industrielle en fait une marchandise comme une autre, mesurée en heures, faiblement payée et subordonnée au pouvoir du patron.

La gauche va alors grandir en dénonçant l’asservissement de l’homme à la machine, les conditions pénibles de travail pour les hommes, femmes et enfants, en réclamant de meilleures conditions et un sens au travail pour tous.

Les utopistes (Charles Fourier, Joseph Proudhon…) rêveront d’un monde du travail attrayant. Pour Karl Marx, le travail, opprimé, en se développant avec le progrès technique, amènera à la crise et à sa propre libération. Son gendre, Paul Lafargue, inquiet de voir les salariés finalement tentés de courir après le travail pour accumuler, proposera un droit à la paresse.

Plus tard, Jean Jaurès demandera la baisse du temps de travail, de meilleurs salaires et moins de pénibilité, mais il reste, nous dit Magnette, dans la célébration de l’effort productif. Quant à Lénine, il glorifiera le taylorisme comme un outil de la course à l’abondance à laquelle se livrent l’Est et l’Ouest.

Changer le rapport dans et au travail

Il faudra Mai 1968 pour que vienne la dénonciation du « travail en miettes », les rêves d’auto­gestion, la volonté des « établis » – ces jeunes intellos allant travailler dans les usines – de changer les conditions de travail par la révolution.

Cependant, la montée du chômage conduit à privilégier le maintien des emplois plutôt que l’amélioration des conditions de travail, et la flexibilisation libérale à défendre les acquis, tandis qu’on ne réclame pas moins de pénibilité mais que celle-ci soit compensée financièrement. Alors le new management, la droite et les libéraux vont investir le champ du sens au travail, mettant en avant le mérite individuel, l’investissement personnel, la capacité d’adaptation, la flexibilité et la dénonciation des assistés.

Que doit proposer la gauche ? Magnette reprend l’idée de la garantie d’emploi public, il veut un socle de droits sociaux communs pour tous, un salaire maximum, une indexation automatique des salaires sur l’inflation, une réduction du temps de travail, etc., pour se libérer dans le travail et redonner du temps de vie. Que l’on partage ou pas son propos, Paul Magnette pointe un sujet clé : pour séduire, la gauche doit pouvoir proposer un autre rapport au travail et dans le travail.

L’autre moitié du monde. Essai sur le sens et la valeur du travail, par Paul Magnette. La Découverte, 2024 (sortie le 11 janvier), 172 p., 16 euros.

QOSHE - La gauche doit reconquérir la valeur travail - Christian Chavagneux
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La gauche doit reconquérir la valeur travail

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06.01.2024

Dans L’autre moitié du monde, le socialiste belge Paul Magnette livre toute une série de pistes pour transformer le rapport au travail, gage selon lui d’une réappropriation par la gauche des oubliés de la mondialisation.

Pour Paul Magnette, professeur de théorie politique à l’université libre de Bruxelles et président du Parti socialiste belge, la gauche s’est fait voler la valeur travail par la droite et les libéraux, il est temps pour elle de la reprendre. Attention, il ne s’agit pas à ses yeux de renier l’importance que revêt le travail pour la grande majorité des gens : « Il ne s’agit donc pas de nous libérer du travail, qui demeure indispensable, mais de libérer le travail des rapports de domination qui le structurent. »

Petit retour historique. Jusqu’au XVIIIe siècle, alors que le travail...

Pour Paul Magnette, professeur de théorie politique à l’université libre de Bruxelles et président du Parti socialiste belge, la gauche s’est fait voler la valeur travail par la droite et les libéraux, il........

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