Comme tous les ans, Alternatives Economiques vous sélectionne dix bouquins coups de cœur qui traitent d’économie, de social et d’écologie à mettre sous le sapin.

Cette année a été marquée par la sortie du livre de Julia cagé et Thomas Piketty, Une histoire du conflit politique (Le Seuil), dont nous avons abondamment parlé. Mais en marge de cette somme d’infos à mettre sur toutes les tables de chevet, Alternatives Economiques vous a sélectionné dix bouquins qui traitent d’économie, de social et d’écologie à offrir sans modération...

Cette année a été marquée par la sortie du livre de Julia cagé et Thomas Piketty, Une histoire du conflit politique (Le Seuil), dont nous avons abondamment parlé. Mais en marge de cette somme d’infos à mettre sur toutes les tables de chevet, Alternatives Economiques vous a sélectionné dix bouquins qui traitent d’économie, de social et d’écologie à offrir sans modération.

1/ McKinsey ou le royaume de la cupidité

Il faut d’emblée préciser le sens du titre de ce livre enquête proposé par deux journalistes du New York Times dont, excusez du peu, un triple prix Pulitzer.

Le meilleur, c’est ce qu’il y a sur le fronton de l’entreprise de consultants McKinsey : nous sommes là pour aider les entreprises dans le respect des valeurs de la démocratie, de l’éthique, de la lutte contre le changement climatique, etc. Cela prend quelques lignes du livre.

Le pire, c’est tout le reste : la description minutieuse, chapitre après chapitre, d’une cupidité sans borne au service de laquelle, selon les auteurs, nulle ligne rouge n’est infranchissable.

La mentalité de chasseurs de coûts de McKinsey est éclairée dès le début de l’ouvrage par une anecdote : un consultant demande à un responsable de maintenance d’un parc Disney pourquoi il fait vérifier chaque jour les barres de sécurité des montagnes russes alors qu’il n’y a jamais d’accident, ça coûte cher. Réponse évidente pour tous, sauf pour le consultant : c’est parce qu’elles sont vérifiées tous les jours qu’il n’y a pas d’accident !

La chasse au coût, c’est, en pratique, quelles personnes mettre à la porte pour réduire la masse salariale et accroître les bénéfices. Puis, comment lier la rémunération des dirigeants à la hausse des bénéfices. McKinsey apparaît comme l’un des acteurs clés d’une économie américaine qui nourrit les inégalités.

Mais tout ça, dès que l’on suit un peu l’actualité, on le savait. Raison pour laquelle nos deux enquêteurs vont bien plus loin. Accrochez vos ceintures.

Selon cette enquête, McKinsey a aidé à booster les ventes d’opioïdes, après avoir fait la même chose pour les cigarettes, sans oublier d’aider à trouver les meilleurs noms d’arômes pour mieux inciter les 13-17 ans à vapoter. Et dans le même temps, elle offre ses services aux régulateurs de la santé.

Un conflit d’intérêts potentiel ? Quel conflit d’intérêts ? Pas plus quand elle conseille des pays asiatiques à s’engager dans les routes de la soie chinoise alors qu’une grosse partie des fournisseurs d’un projet sont ses clients. Car McKinsey est très présente en Chine et au service de nombreux régimes autoritaires partout dans le monde.

Il y a aussi son travail pour l’Immigration and Customs Enforcement (ICE), l’agence fédérale américaine chargée de regrouper les immigrés sans papiers et de les expulser. Il faut y réduire les coûts ? Simple : diminuer l’aide médicale et la nourriture, le tour est joué.

Une compagnie d’assurances veut accroître ses profits ? Voilà une méthode pour retarder les remboursements aux assurés qui finiront par se lasser en justice. Et puis, il faut aussi aider les compagnies exploitant les énergies fossiles à en exploiter plus.

Il y a même une histoire bizarre de tricherie dans le sport. Aucun terrain ne semble pouvoir échapper à l’entreprise !

En fait, le livre montre que McKinsey se trouve depuis sa création au cœur de la dynamique du capitalisme contemporain, un peu partout dans le monde, au service des entreprises, des Etats et d’abord d’elle-même. Elle est « comme un invité invisible à la table de décision des plus grosses multinationales et des gouvernements ». Pour le pire plutôt que pour le meilleur.

Christian Chavagneux

McKinsey, pour le meilleur et pour le pire Par Walt Bogdanich et Michael Forsyrhe, Buchet Chastel, 2023, 446 p., 24 €

2/ Qui a fait exploser les tuyaux de Nord Stream

Mais comment l’Allemagne a-t-elle pu mettre son économie en partie aux mains de la Russie en devenant aussi dépendante de son gaz ?

Côté russe, c’était un plan conscient de Vladimir Poutine bâti pendant vingt ans, explique l’autrice. Par son réseau, il a toujours été le maître de Gazprom. Une fois l’Allemagne prise dans les filets de Nord Sream 1 puis 2, des tuyaux qui contournent l’Ukraine, à peine le 2 opérationnel, il envahit l’Ukraine.

Côté allemand, il y a l’appât de l’argent de Gerhart Schröder (en France de François Fillon), la croyance en la fable du doux commerce (on apaise les Russes en échangeant avec eux), la croyance en une Russie puissance de statu quo sans volonté de conquête territoriale et un mercantilisme froid, le gaz russe est moins cher, point barre.

Le livre nous tient en haleine avec un fil rouge : qui a saboté les tuyaux de Nord Stream en septembre 2022 ? Après avoir passé en revue les différentes hypothèses proposées au fil des semaines, les crédibles, pas convaincantes, et les farfelues, l’enquêtrice propose sa réponse, qui fait sens économiquement. Et qu’on laissera chaque lecteur et lectrice découvrir.

Ch. Ch.

Le piège Nord Stream Par Marion van Renterghem, Les Arènes, 2023, 273 p., 22 €

3/ La dure vie des profs

Le professeur, rappelle Philippe Meirieu tout au début de son texte, assume une mission « proprement anthropologique » : il appelle les êtres qui lui sont confiés à grandir en humanité.

Or, le discours de « l’école efficace » sature l’espace public. Ce n’est qu’une des injonctions paradoxales que relève ce petit livre plein de souffle.

Les enseignants doivent également faire cours à un collectif, tout en accompagnant les parcours singuliers. Philippe Meirieu fait la liste des reproches qu’on leur adresse.

Quand ils revendiquent leur liberté pédagogique, on les soupçonne de vouloir compromettre l’efficacité de l’institution. Quand ils réclament un peu de reconnaissance, on leur oppose leurs vacances…

Plus globalement, le livre réfléchit à l’institution scolaire, à ses dysfonctionnements et ses inégalités, avant de proposer plusieurs pistes de réformes. Des activités collectives pourraient être développées pour donner du sens au travail scolaire : rédaction d’un journal, écriture d’une nouvelle, mise en place d’une expérimentation scientifique.

Et Philippe Meirieu propose de révolutionner la gouvernance de l’école en divisant les établissements en unités pédagogiques de quatre à cinq classes. Stimulant.

Naïri Nahapétian

Qui veut encore des professeurs ? Par Philippe Meirieu, Coll. Libelle, Seuil, 2023, 60 p., 4,90 €

4/ Les dangers du nucléaire

En s’appuyant sur l’histoire congruente du nucléaire civil et militaire, sujet qu’il connaît bien, le physicien Harry Bernas livre ici une critique cinglante du programme de « nouveau » nucléaire poussé par Emmanuel Macron.

Le Président ressert l’option technologique intrinsèquement risquée qui s’est imposée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, car plus accessible, tandis que l’infrastructure industrielle française, sapée par des années de capitalisme financier, n’est plus en mesure de répondre à la mission qu’on prétend aujourd’hui lui assigner dans ce domaine.

Ce livre montre aussi à quel point la prolongation des vieux réacteurs est dangereuse, a fortiori avec la dissolution de l’IRSN.

L’auteur n’est pas opposé au nucléaire. Il faut investir dans la recherche pour savoir s’il existe ou non une utilisation sûre et rationnelle de cette énergie et pour réduire la nocivité des déchets accumulés.

Par ailleurs, le nucléaire n’apporte pas de solution au problème du moment. Pour décarboner à toute vitesse, économies d’énergie et déploiement des renouvelables sont la priorité. Répondre efficacement à l’urgence climatique appellerait une politique à l’opposé du modèle de gouvernance actuel, antidémocratique, vertical, autoritaire, dont l’actuel programme nucléaire est une parfaite expression.

Antoine de Ravignan

Les merveilleux nuages. Que faire du nucléaire ? par Harry Bernas, Seuil, 2023, 160 p., 15 €

5/ Nos vies au boulot

Une soixantaine de spécialistes des questions liées au travail, pas moins, sont réunis dans ce livre qui propose la photo de nos connaissances sur le sujet. On suit un parcours d’articles assez courts, synthétiques, pédagogiques, sur plusieurs grands thèmes, de quoi bénéficier d’éclairages multiples qui se complètent bien pour comprendre les différentes facettes de notre monde du travail actuel.

On démarre avec les conditions de travail pour lesquelles la France apparaît comme un mauvais élève européen : risques physiques plus grands, autonomie plus faible, santé au travail moins assurée, etc. Les Françaises et les Français trouvent le travail important et ils sont d’autant plus déçus qu’ils se sentent en manque de reconnaissance, plus stressés, ayant plus souvent qu’ailleurs perdu le sens de leur travail.

Un ressenti qui s’explique par une intensification du travail, par le développement d’un management par les chiffres dans lequel le travail mort (le reporting, la bureaucratie, tout ce que l’on est obligé de faire) prend le pas sur le travail vivant (ce que l’on fait vraiment et dans lequel on se réalise).

L’arrivée des nouvelles technologies n’y change pas grand-chose, on voit se développer une forme de taylorisation numérique dans laquelle l’humain doit obéir au rythme de la machine ou de l’algorithme.

Et ne parlons pas de ces plateformes qui proposent du travail pour quelques heures, une forme de marchandisation du loisir pour des microboulots rapportant peu, dans lesquels les femmes sont les plus actives.

Elles sont aussi très présentes dans les métiers dits de la première ligne (environ 10 % des emplois) et de la deuxième ligne (environ 20 %) dans le nettoyage, le commerce, les transports, qui combinent faibles rémunérations, peu de perspectives de carrière, mais de grosses contraintes physiques et horaires.

De manière générale, les femmes restent largement discriminées dans le monde du travail. S’il y a certes beaucoup plus de femmes cadres, l’accès aux postes de management et de direction leur reste plus difficile. Et plus on monte dans la hiérarchie, plus les écarts de salaires entre hommes et femmes s’accroissent. Dans le même ordre d’idées, les métiers très féminisés restent sous valorisés.

Quid de l’index de l’égalité professionnelle ? Sans même parler des entreprises qui s’en moquent, chez celles qui le mesurent et le fournissent, on ne note pas d’amélioration de la situation des femmes.

Les jeunes font également partie des publics discriminés dans le monde du travail, les générations actuelles sont plus précarisées que leurs aînées et l’effet est durable.

Tout cela résulte en partie d’un management à la française de piètre qualité analysé dans plusieurs contributions. Reproduisant le système éducatif, la gestion des gens est verticale, hiérarchique. Nombre d’entreprises préfèrent la spécialisation dans le bas de gamme pour bénéficiers des allègements de cotisations qui enferment les salariés dans les trappes à bas salaires.

On comprend surtout combien ce mauvais management est l’une des causes du manque d’innovation dans les entreprises françaises. Un tour d’horizon un peu déprimant de notre monde du travail mais qui donne autant de pistes pour s’en sortir.

Ch. Ch.

Que sait-on du travail ? Par Bruno Palier (Dir), SciencesPo Les Presses, 2023, 608 p., 22 €

6/ Contenir le réchauffement

Le titre du dernier ouvrage de l’économiste du climat Christian de Perthuis l’exprime bien : la lutte pour contenir le réchauffement dans des limites gérables (+ 1,5 °C) se joue sur deux fronts.

D’abord, celui de la sortie de toute urgence du pétrole, du gaz et du charbon, ce carbone fossile dont l’auteur décrit la « maudite abondance ». Non seulement les efforts sont insuffisants de ce côté, mais ils négligent l’autre front, encore plus complexe, celui du « carbone vivant ».

Autrement dit la préservation de la capacité des écosystèmes marins et terrestres à capter et stocker le CO2 atmosphérique sous forme de matière organique. Et la réduction des émissions générées par un système agricole et alimentaire dont l’empreinte écologique n’est pas soutenable.

Contenir le réchauffement, ainsi, est indissociable de la protection de la biodiversité. C’est ce constat qui fonde la nouvelle économie du climat, l’ancien paradigme, avec lequel l’auteur prend ici ses distances, étant celui des externalités négatives auxquelles il suffirait de donner un prix (en tenant compte des enjeux de redistribution).

Cette approche, nécessaire, n’est pas suffisante. Ce livre a aussi un immense intérêt pédagogique et il peut être rangé parmi les meilleurs pour entrer dans la complexité du sujet climatique.

A. R.

Carbone fossile, carbone vivant. Vers une nouvelle économie du climat Par Christian de Perthuis, Gallimard, 2023, 280 p., 21 €

7/ Les domestiques dans le monde

C’est un panorama historique et mondial des domesticités que nous propose la sociologue Alizée Delpierre, autrice de Servir les riches (La Découverte, 2022), dans ce livre très bien fait.

Malgré l’invisibilité générale de ceux qui occupent ces emplois, il existe désormais de nombreuses sources statistiques permettant de décrire ce secteur agrégeant, il est vrai, des activités parfois très différentes. L’autrice révèle ainsi la place majeure qu’occupent les domestiques en Afrique.

On en recenserait plus de 8,5 millions, enfants et adultes, au sein de seulement cinq pays (Congo, Burundi, Rwanda, Ouganda, Kenya). La domesticité constitue également 14,8 % de l’emploi salarié total aux Emirats arabes unis. Et partout, ce phénomène cristallise les inégalités sexuées, raciales et socio-économiques.

En France, la part de la population travaillant comme domestique a reculé au tournant du XXe siècle. Mais on assiste à un retour des domestiques.

Et la part de la population employée dans la domesticité est en constante augmentation depuis les années 2000, à la faveur de mesures importantes de défiscalisation. Cette part dépasserait les 5 % toutes tâches confondues (ménage, garde d’enfants…). Le livre se lit comme un roman et se termine par un chapitre sur les domesticités en lutte.

N. N.

Les domesticités, Par Alizée Delpierre, Coll. Repère, éd. La Découverte, 2023, 128 p., 11 €

8/ Tout comprendre à l’éducation

Comment faire progresser les élèves ? Comment atteindre une meilleure allocation de l’argent public dans le domaine éducatif ? A quoi servent les REP ? Faut-il informatiser les écoles ? Quelle est la part de l’« effet enseignant » dans la progression des élèves ? Quels sont les effets des systèmes de bourse et des prêts ? Quelles sont les retombées de la gratuité scolaire dans l’enseignement supérieur ? Comment fonctionnent les algorithmes de sélection des étudiants ? Et où en est le débat sur la discrimination positive ?

Autant de questions qui agitent nos sociétés et auxquelles tente de répondre ce Repère fondé sur un cours de Master 2 également enseigné à l’Ecole d’économie de Paris.

Pour cela, les auteurs s’appuient sur de nombreuses recherches en économie de l’éducation. On retrouve ainsi Perry Preschool, un programme de préscolarisation d’enfants afro-américains très défavorisés mené près de Détroit au début des années 1960. Les bénéfices ont pu être mesurés pour ces élèves comme pour leurs enfants.

On retrouve également l’enquête d’Esther Duflo au Kenya sur les bénéfices des classes de niveau, dont les auteurs rappellent que les conclusions ne peuvent être généralisées. Passionnant.

N. N.

Economie de l’éducation, Par Luc Behaghel, Julien Grenet, Marc Gurgand, Coll. Repère, La Découverte, 2023, 128 p., 11 €

9/ Les erreurs énergétiques de la France

Conseil de lecture, n’hésitez pas à sauter la première partie du livre sur les conséquences énergétiques de la guerre en Ukraine, si vous n’avez fait que suivre l’actualité sur le sujet, cet exercice d’histoire immédiate ne vous apprendra pas grand-chose. Tout l’intérêt du livre est dans la suite.

Après la description fort instructive des méthodes utilisées par EDF pour gonfler le prix de l’électricité, on est franchement pris par le récit synthétique de l’histoire des déboires croissants de notre industrie nucléaire, notamment avec un EPR dont les problèmes sont exposés dans le détail et une relance voulue par le Président Macron plus que problématique.

Enfin, l’auteur décrit toutes les raisons qui expliquent le retard français dans les renouvelables, avant de passer en revue les sources d’énergie autres que le solaire et le photovoltaïque.

Il n’oublie pas un chapitre sur la nécessaire sobriété pour laquelle rien de sérieux ne vient du gouvernement, ni de conclure sur le retard considérable de l’Europe en matière de voitures électriques dont les batteries pourraient devenir un élément clé des réseaux de demain.

Ecrit de manière très claire, c’est une introduction pédagogique à nos problèmes énergétiques contemporains.

Ch. Ch.

Le grand bazar de l’énergie Par Erwan Benet, Arthaud, 2023, 298 p., 21 €

10/ La solidarité, ça existe encore

Ouvrir ce livre, c’est pousser la porte du refuge de Briançon et se retrouver quelques années en arrière, dans ce lieu qui a offert un accueil d’urgence à des milliers d’exilés venus d’Italie entre 2017 et 2021. C’est se replonger dans cette atmosphère si particulière, la promiscuité, les blessures, mais aussi l’espoir et les sourires.

Si Pauline Rey sait si bien faire revivre le quotidien du refuge, c’est qu’elle a, pendant quatre ans, occupé le poste de coordinatrice, de ce « chaos organisé ».

Elle restitue le lieu et livre avec finesse ses analyses et ses questionnements. Que faire des exilés ayant de graves troubles de santé mentale ? Comment tenir la barre quand les relations se tendent entre les bénévoles et le conseil d’administration ? Et surtout, qu’est-ce que la relation aidant-aidé ? A quoi sert-on quand tout menace de se dérober et parfois s’effondre ?

Le refuge a fermé en 2021, après l’élection du nouveau maire LR qui a voulu sa fin. Un autre lieu a ouvert, ailleurs dans Briançon, et Pauline Rey a poursuivi son chemin. Ce témoignage écrit est précieux, dans un univers où l’action associative est fragile et éphémère.

Céline Mouzon

Passer la porte. Le refuge solidaire de Briançon, Par Pauline Rey, Ginkgo éditeur, 2023, 240 p., 12 €

QOSHE - Dix livres à offrir pour les fêtes - La Rédaction
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Dix livres à offrir pour les fêtes

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16.12.2023

Comme tous les ans, Alternatives Economiques vous sélectionne dix bouquins coups de cœur qui traitent d’économie, de social et d’écologie à mettre sous le sapin.

Cette année a été marquée par la sortie du livre de Julia cagé et Thomas Piketty, Une histoire du conflit politique (Le Seuil), dont nous avons abondamment parlé. Mais en marge de cette somme d’infos à mettre sur toutes les tables de chevet, Alternatives Economiques vous a sélectionné dix bouquins qui traitent d’économie, de social et d’écologie à offrir sans modération...

Cette année a été marquée par la sortie du livre de Julia cagé et Thomas Piketty, Une histoire du conflit politique (Le Seuil), dont nous avons abondamment parlé. Mais en marge de cette somme d’infos à mettre sur toutes les tables de chevet, Alternatives Economiques vous a sélectionné dix bouquins qui traitent d’économie, de social et d’écologie à offrir sans modération.

1/ McKinsey ou le royaume de la cupidité

Il faut d’emblée préciser le sens du titre de ce livre enquête proposé par deux journalistes du New York Times dont, excusez du peu, un triple prix Pulitzer.

Le meilleur, c’est ce qu’il y a sur le fronton de l’entreprise de consultants McKinsey : nous sommes là pour aider les entreprises dans le respect des valeurs de la démocratie, de l’éthique, de la lutte contre le changement climatique, etc. Cela prend quelques lignes du livre.

Le pire, c’est tout le reste : la description minutieuse, chapitre après chapitre, d’une cupidité sans borne au service de laquelle, selon les auteurs, nulle ligne rouge n’est infranchissable.

La mentalité de chasseurs de coûts de McKinsey est éclairée dès le début de l’ouvrage par une anecdote : un consultant demande à un responsable de maintenance d’un parc Disney pourquoi il fait vérifier chaque jour les barres de sécurité des montagnes russes alors qu’il n’y a jamais d’accident, ça coûte cher. Réponse évidente pour tous, sauf pour le consultant : c’est parce qu’elles sont vérifiées tous les jours qu’il n’y a pas d’accident !

La chasse au coût, c’est, en pratique, quelles personnes mettre à la porte pour réduire la masse salariale et accroître les bénéfices. Puis, comment lier la rémunération des dirigeants à la hausse des bénéfices. McKinsey apparaît comme l’un des acteurs clés d’une économie américaine qui nourrit les inégalités.

Mais tout ça, dès que l’on suit un peu l’actualité, on le savait. Raison pour laquelle nos deux enquêteurs vont bien plus loin. Accrochez vos ceintures.

Selon cette enquête, McKinsey a aidé à booster les ventes d’opioïdes, après avoir fait la même chose pour les cigarettes, sans oublier d’aider à trouver les meilleurs noms d’arômes pour mieux inciter les 13-17 ans à vapoter. Et dans le même temps, elle offre ses services aux régulateurs de la santé.

Un conflit d’intérêts potentiel ? Quel conflit d’intérêts ? Pas plus quand elle conseille des pays asiatiques à s’engager dans les routes de la soie chinoise alors qu’une grosse partie des fournisseurs d’un projet sont ses clients. Car McKinsey est très présente en Chine et au service de nombreux régimes autoritaires partout dans le monde.

Il y a aussi son travail pour l’Immigration and Customs Enforcement (ICE), l’agence fédérale américaine chargée de regrouper les immigrés sans papiers et de les expulser. Il faut y réduire les coûts ? Simple : diminuer l’aide médicale et la nourriture, le tour est joué.

Une compagnie d’assurances veut accroître ses profits ? Voilà une méthode pour retarder les remboursements aux assurés qui finiront par se lasser en justice. Et puis, il faut aussi aider les compagnies exploitant les énergies fossiles à en exploiter plus.

Il y a même une histoire bizarre de tricherie dans le sport. Aucun terrain ne semble pouvoir échapper à l’entreprise !

En fait, le livre montre que McKinsey se trouve depuis sa création au cœur de la dynamique du capitalisme contemporain, un peu partout dans le monde, au service des entreprises, des Etats et d’abord d’elle-même. Elle est « comme un invité invisible à la table de décision des plus grosses multinationales et des gouvernements ». Pour le pire plutôt que pour le meilleur.

Christian Chavagneux

McKinsey, pour le meilleur et pour le pire Par Walt Bogdanich et Michael Forsyrhe, Buchet Chastel, 2023, 446 p., 24 €

2/ Qui a fait exploser les tuyaux de Nord Stream

Mais comment l’Allemagne a-t-elle pu mettre son économie en partie aux mains de la Russie en devenant aussi dépendante de son gaz ?

Côté russe, c’était un plan conscient de Vladimir Poutine bâti pendant vingt ans, explique l’autrice. Par son réseau, il a toujours été le maître de Gazprom. Une fois l’Allemagne prise dans les........

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