En tête de notre sélection hebdomadaire, l’ouvrage de la professeure d’histoire Bénédicte Savoy qui s’appuie sur neuf exemples concrets pour questionner : faut-il restituer les œuvres d’art aux pays dont ils sont issus ?

Chaque samedi, Alternatives Economiques sélectionne pour vous cinq livres qui méritent d’être lus. Cette semaine, nous vous conseillons : A qui appartient la beauté ? par Bénédicte Savoy ; Sociologie du marketing par Kevin Mellet ; Enseignants, les nouveaux prolétaires. Le taylorisme à l’école par Frédéric Grimaud ; La fabrique des mondes communs. Réconcilier le travail, le management et la démocratie par Pierre-Olivier Monteil et Une brève histoire du droit d’auteur. De l’Antiquité à l’intelligence artificielle par Jean-Baptiste Rendu et Richard Robert

Chaque samedi, Alternatives Economiques sélectionne pour vous cinq livres qui méritent d’être lus. Cette semaine, nous vous conseillons : A qui appartient la beauté ? par Bénédicte Savoy ; Sociologie du marketing par Kevin Mellet ; Enseignants, les nouveaux prolétaires. Le taylorisme à l’école par Frédéric Grimaud ; La fabrique des mondes communs. Réconcilier le travail, le management et la démocratie par Pierre-Olivier Monteil et Une brève histoire du droit d’auteur. De l’Antiquité à l’intelligence artificielle par Jean-Baptiste Rendu et Richard Robert.

1/ « A qui appartient la beauté ? », par Bénédicte Savoy

Faut-il restituer les œuvres d’art aux pays dont ils sont issus ? En ce qui concerne les trésors royaux du Bénin, Bénédicte Savoy, professeure d’histoire de l’art à Berlin, se réjouit franchement de leur retour en 2021 à Cotonou après cent vingt-neuf ans d’absence. Il faut dire que ces 26 pièces (statues monumentales, trônes, textiles…) sont des « éléments substantiels » de la culture béninoise et que leur arrivée en France a été le fruit de la politique coloniale.

Ils ont reçu la visite de plus de 200 000 visiteurs en quelques mois, faisant mentir tous ceux qui, en Europe, prétendent que les Africains ne s’intéressent pas à leur patrimoine, précise l’autrice.

Mais pour la plupart des œuvres dont elle parle dans son livre, sa réponse quant aux questions de l’appartenance et de la restitution est beaucoup plus nuancée. Le Grand autel de Pergame, œuvre hellénistique issue d’Asie mineure, appartient-il à la Turquie ? A la Grèce ? Ou à l’Allemagne où il est exposé ? La Madone Sixtine de Raphaël, créée en Italie, doit-elle retourner à Plaisance alors que les Italiens ne la réclament pas ou rester aux mains de l’Etat de Dresde qui détient le titre de propriété ? Ou appartient-elle à la culture russe qui lui voue un culte majeur ? Un livre passionnant composé de neuf cas concrets.

Naïri Nahapétian

À qui appartient la beauté ?, par Bénédicte Savoy, La Découverte, 2024, 242 p., 22 €.

2/ « Sociologie du marketing », par Kevin Mellet

Le marketing est partout ou presque dans nos sociétés, dépassant la sphère des entreprises privées. Les pratiques qu’il recouvre comme leurs effets sont mal connus. C’est pour dissiper cette ignorance que de nombreux travaux en sociologie se sont attelés à étudier ce phénomène multiforme, et cet ouvrage en propose une synthèse stimulante.

Montrant tout d’abord l’impossibilité de circonscrire précisément un groupe des professionnels du marketing, l’auteur expose ensuite les relations étroites entretenues entre marketing et sociologie, le premier recourant sélectivement aux outils de la seconde pour « sonder » ou « profiler » les consommateurs.

Il met ensuite en évidence les opérations par lesquelles les marketers s’emploient à faire du produit un signe pour en susciter l’achat, mais aussi à organiser les marchés, à rebours de la vision que l’économie standard a de ces derniers.

Le dernier chapitre aborde la question des relations entre marketing, morale et démocratie, plus subtiles qu’on ne les imagine. L’auteur interroge la possibilité d’un marketing responsable, qui semble un oxymore, tant la sobriété paraît antithétique à sa démarche. A moins qu’une approche sociologique ne permette justement d’en tracer les contours.

Igor Martinache

Sociologie du marketing, par Kevin Mellet, Coll. Repères, La Découverte, 2023, 128 p., 11 €.

3/ « Enseignants, les nouveaux prolétaires. Le taylorisme à l’école » par Frédéric Grimaud

Alors qu’il peine de plus en plus à attirer de nouvelles recrues, on est en droit de se demander si le métier d’enseignant est en train de se prolétariser. Lui-même professeur des écoles et docteur en sciences de l’éducation, l’auteur répond clairement par l’affirmative.

Selon lui, la succession des réformes ayant affecté le métier correspond étroitement au projet d’organisation scientifique du travail imaginé par Frederick Taylor il y a plus d’un siècle, conduisant non seulement à une dégradation continue des conditions de travail, mais aussi à une déqualification des professionnels qui l’exercent.

En découlent une grande souffrance, mais aussi un creusement des inégalités scolaires et une mise en danger de la démocratie elle-même. Pour autant, des résistances à ce processus existent selon l’auteur, permettant notamment de sauvegarder la dimension collective du travail.

Si cette lecture pourra sembler trop radicale à certains, elle n’en a pas moins le mérite de révéler la cohérence derrière les transformations incessantes de l’école et du métier d’enseignant, montrant bien que sa crise ne se limite pas à l’érosion du pouvoir d’achat de ses membres.

I. M.

Enseignants, les nouveaux prolétaires ?. Le taylorisme à l’école, par Frédéric Grimaud, ESF Sciences humaines, 2024, 156 p., 16 €.

4/ « La fabrique des mondes communs. Réconcilier le travail, le management et la démocratie » par Pierre-Olivier Monteil

Pierre-Olivier Monteil n’en est pas à son coup d’essai. Il est déjà l’auteur en 2016 d’un remarqué Ethique et philosophie du management. Mais reconnaissons que cette fois il traite avec beaucoup plus de profondeur son sujet de prédilection. Il s’agit du premier ouvrage d’envergure à traiter du travail, du management et de la démocratie dans un monde dont le commun n’est plus celui de la fabrique d’antan.

Car depuis quarante ans, nos sociétés connaissent une crise du travail majeure. Si à l’ouvrier broyé par un travail mécanique et répétitif s’est peu à peu substitué le salarié du tertiaire, les promesses d’épanouissement et d’innovation faites à ce dernier sont devenues « carrément mensongères ».

A un premier tryptique « produire-coopérer-innover » qui structure son livre, l’auteur propose un second, « ingratitude-indifférence-insensibilité » qui lui permet de poser son diagnostic. Il condense tous les maux du management à l’ère néolibérale.

Pour en sortir, Monteil préconise de substituer au management par les résultats un management centré (enfin) sur le travail et son contenu. Et sa démarche est convaincante.

Christophe Fourel

La fabrique des mondes communs. Réconcilier le travail, le management et la démocratie, par Pierre-Olivier Monteil, Editions Erès, 2023, 416 p., 19,50 €.

5/ « Une brève histoire du droit d’auteur. De l’Antiquité à l’intelligence artificielle » par Jean-Baptiste Rendu et Richard Robert

Le thème du livre est clairement annoncé dans son titre et on ne fera ici qu’évoquer quelques étapes d’une lutte en faveur du droit d’auteur qui traverse les âges. Le problème ne se pose pas au Moyen Age puisque tout acte créatif est inspiré par Dieu et que les histoires passant par l’oralité sont considérées comme puisant à un travail collectif. L’imprimerie va tout changer. Il faut investir pour produire et les premiers privilèges vont aux imprimeurs.

Au XVIIIe siècle, les auteurs se battent pour faire reconnaître leurs droits. Au XIXe, il faudra déterminer jusqu’à quand dure le droit de propriété d’une œuvre et quand elle tombe dans le domaine public.

Quand la reproduction des œuvres devient monnaie courante et que se développe une classe moyenne solvable, les auteurs commencent à être payés au pourcentage des ventes.

Le XXe siècle voit l’institutionnalisation du droit de suite : quand un tableau est revendu 400 fois son prix, la famille du peintre disparu peut-elle en recevoir une partie ? Aujourd’hui, les Gafam et l’intelligence artificielle posent la question des droits voisins. Le droit d’auteur apparaît comme un combat sans cesse recommencé.

Christian Chavagneux

Une brève histoire du droit d’auteur. De l’Antiquité à l’intelligence artificielle, par Jean-Baptiste Rendu et Richard Robert, Flammarion, 2024, 176 p., 24 €.

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Restituer ou non les œuvres d’art et 4 autres conseils de lecture

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30.03.2024

En tête de notre sélection hebdomadaire, l’ouvrage de la professeure d’histoire Bénédicte Savoy qui s’appuie sur neuf exemples concrets pour questionner : faut-il restituer les œuvres d’art aux pays dont ils sont issus ?

Chaque samedi, Alternatives Economiques sélectionne pour vous cinq livres qui méritent d’être lus. Cette semaine, nous vous conseillons : A qui appartient la beauté ? par Bénédicte Savoy ; Sociologie du marketing par Kevin Mellet ; Enseignants, les nouveaux prolétaires. Le taylorisme à l’école par Frédéric Grimaud ; La fabrique des mondes communs. Réconcilier le travail, le management et la démocratie par Pierre-Olivier Monteil et Une brève histoire du droit d’auteur. De l’Antiquité à l’intelligence artificielle par Jean-Baptiste Rendu et Richard Robert

Chaque samedi, Alternatives Economiques sélectionne pour vous cinq livres qui méritent d’être lus. Cette semaine, nous vous conseillons : A qui appartient la beauté ? par Bénédicte Savoy ; Sociologie du marketing par Kevin Mellet ; Enseignants, les nouveaux prolétaires. Le taylorisme à l’école par Frédéric Grimaud ; La fabrique des mondes communs. Réconcilier le travail, le management et la démocratie par Pierre-Olivier Monteil et Une brève histoire du droit d’auteur. De l’Antiquité à l’intelligence artificielle par Jean-Baptiste Rendu et Richard Robert.

1/ « A qui appartient la beauté ? », par Bénédicte Savoy

Faut-il restituer les œuvres d’art aux pays dont ils sont issus ? En ce qui concerne les trésors royaux du Bénin, Bénédicte Savoy, professeure d’histoire de l’art à Berlin, se réjouit franchement de leur retour en 2021 à Cotonou après cent vingt-neuf ans d’absence. Il faut dire que ces 26 pièces (statues monumentales, trônes, textiles…) sont des « éléments substantiels » de la culture béninoise et que leur arrivée en France a été le fruit de la politique coloniale.

Ils ont reçu la visite de plus de 200 000 visiteurs en quelques mois, faisant mentir tous ceux qui, en Europe, prétendent que les Africains ne s’intéressent pas à leur patrimoine, précise l’autrice.

Mais pour la plupart des œuvres dont........

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