Kelly-Anne (Juliette Gariépy) et Clémentine (Laurie Babin) se réveillent chaque matin aux portes du Palais de Justice de Montréal afin d’assister au procès d’un tueur en série qui a filmé la mise à mort de ses différentes victimes. Obsédées par une vidéo manquante, les deux jeunes femmes se lanceront dans une quête des plus sordides au cœur des tréfonds du Dark Web, là où les vidéos de meurtres se vendent aux enchères…Difficile de sortir indemne des Chambres rouges, nouveau film de Pascal Plante (Les Faux tatouages, Nadia Butterfly). Dans ce long-métrage sec et nerveux, le réalisateur québécois s’intéresse à la fascination sinistre de certaines femmes pour des criminels. Assez inclassable, ce film installe progressivement une ambiance singulière qui bouscule littéralement le spectateur. Une œuvre radicale portée de manière magistrale par l’épatante Juliette Gariépy et, à coup sûr, l’un des films les plus forts de ce début d’année.

Recommandation : 4 cœurs

Antoine Le Fur

C’est une histoire à peine croyable et c’est pourtant une histoire vraie que retrace ce film, celle de de Stella Goldschlag, une jeune juive allemande de Berlin qui rêvait de devenir chanteuse de jazz à Broadway, mais qui en fut empêchée à cause de la proclamation des lois raciales dans son pays. De type aryen, pétillante et culottée, cette blonde aux yeux bleu azur, née en 1922, réussit pourtant, à échapper à la Gestapo, pendant quelques mois. A force d’aller s’amuser dans des lieux qui lui étaient désormais légalement interdits, elle finit par se faire prendre. Pour éviter la torture et la mort, la prisonnière proposera aux nazis de les aider dans la traque et la dénonciation de ses coreligionnaires. On dit qu’ elle envoya dans les camps entre 600 et 3000 des siens. A la fin de la guerre, la Russie condamnera la délatrice à dix ans de prison. L’Allemagne préfèrera passer l’éponge sous prétexte qu’après 10 ans passés dans les geôles russes, elle avait payé sa dette. Celle que l’on surnomma « le grappin » finira par se suicider, en 1994.

Malgré sa réalisation assez lisse et en même temps, assez agitée, comment ne pas être perturbé et …fasciné par ce récit biographique d’une jeune femme qui, pour pouvoir continuer à vivre, envoya à la mort des siens par centaines, sacrifiant ainsi, son éducation, sa morale et son honneur ? On est d’autant plus troublé que cette jeune femme est ici interprétée par Paula Beer, une comédienne au visage d’ange, mais dotée d’un talent de tous les diables. Narcissisme, égocentrisme, amour fou de la vie, mais aussi peur irrépressible de la déchéance et de la souffrance… elle donne à voir toutes les facettes du trouble personnage qu’elle interprète. Tant et si bien qu’on sort de ce film en se demandant si, avant de devenir bourreau, Stella Goldschlag ne fut pas d’abord victime. Une interrogation qui amène à se demander ce qu’on aurait fait, nous-même, dans la même situation. Passionnant et glaçant.

Recommandation : 4 coeurs

Dominique Poncet

Sicile, 1965. Lia Crimi (Claudia Gusmano) est une jeune fille qui a la vie devant elle. Tout bascule le jour où Lorenzo Musico (Dario Aita), le fils d’un patron local, tente en vain de la séduire. Se sentant humilié, il décide de la prendre de force. Plutôt que d’accepter un mariage forcé comme cela était alors la norme, Lia décide de le traîner au tribunal…

Incroyable mais vrai. Jusqu’en 1981, en Italie, un homme qui violait une femme pouvait échapper à la justice si cette dernière consentait à l’épouser. Une aberration au cœur de Primadonna, premier long-métrage de la réalisatrice Marta Savina. Dans ce film aussi délicat qu’édifiant, la cinéaste filme le difficile combat d’une jeune fille en avance sur son temps. Puissant dans son discours, le film l’est également sur d’autres aspects, à commencer par sa direction d’acteurs. En héroïne se soulevant contre le patriarcat, la jeune Claudia Gusmano est épatante. Une nouvelle belle découverte du cinéma transalpin.

Recommandation : 4 cœurs

Antoine Le Fur

Par un de ces tours que le destin se plaît parfois à jouer, Victor, un professeur de lettres se retrouve en pyjama à la porte de chez lui. Ni une, ni deux : au lieu de chercher un serrurier, ce quadra imprévisible saute sur sa bicyclette et part à l’aventure, redessiner « sa » carte du Tendre. Le voilà sur les routes, à vélo donc d’abord, puis à pied, puis en scooter, à la recherche des femmes qu’ il a jadis courtisées et aimées au gré de sa fantaisie. Une balade charmante au cours de laquelle, outre ses anciennes amoureuses, cet homme qui aimait les femmes plus par goût du marivaudage que par celui de conquête, fera des rencontres imprévues et cocasses, notamment avec son ancien professeur de latin devenu… cambrioleur (Pierre Arditi, à son meilleur)…

Qui d’autre que l’auteur des Zozos, de La Dilettante, de Pleure pas la bouche pleine… aurait pu aujourd’hui signer un film aussi subtil, délicieux, léger, fantaisiste et, mine de rien, profond, que ce Voyage en pyjama. Qui plus est, un film, aussi « français » (sans être pourtant, précisons-le, une seconde franchouillard ), qui fleure bon la campagne hexagonale, ressuscite l’esprit farceur des récrés d’antan et rappelle l’élégante beauté de notre langue lorsqu’on prend la peine de la ciseler. On regarde cette comédie, d’un charme un peu désuet, et on repense, avec délice et gaîté, au Montand qui immortalisa La Bicyclette de Pierre Barouh.

Recommandation : 3 cœurs

Dominique Poncet

Marie (Florence Loiret Caille) mène une existence des plus précaires au cœur des Alpes. Pour boucler ses fins de mois, elle trafique des cigarettes entre la France et l’Italie, grâce à l’aide de son amant Alex (Jonathan Couzinié), policier aux frontières. Cette impeccable mécanique se grippe lorsqu’elle fait la rencontre de Souleymane (Saabo Baldé), un jeune réfugié prêt à tout pour rejoindre sa sœur en Angleterre…

À première vue, La Tête froide ne brille pas par son originalité. Rien qu’en 2023, le même sujet avait déjà été abordé, plus ou moins de la même manière, dans deux autres films français : Les Survivants de Guillaume Renusson et Le Prix du passage de Thierry Binisti. Pour autant, le premier long-métrage de fiction de Stéphane Marchetti (précédemment remarqué pour ses documentaires) parvient à captiver le spectateur en jouant habilement avec les codes du thriller. La mise en scène est précise et le scénario ne manque pas d’efficacité. En prime, le film permet une nouvelle fois de prendre la mesure du talent de Florence Loiret Caille, certainement l’une des meilleures actrices françaises de sa génération.

Recommandation : 3 cœurs

Antoine Le Fur

QOSHE - A voir également au cinéma cette semaine : "Les chambres rouges" de Pascal Plante ; "Stella, une vie allemande" de Kilian Riedhof - Dominique Poncet
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A voir également au cinéma cette semaine : "Les chambres rouges" de Pascal Plante ; "Stella, une vie allemande" de Kilian Riedhof

11 30
17.01.2024

Kelly-Anne (Juliette Gariépy) et Clémentine (Laurie Babin) se réveillent chaque matin aux portes du Palais de Justice de Montréal afin d’assister au procès d’un tueur en série qui a filmé la mise à mort de ses différentes victimes. Obsédées par une vidéo manquante, les deux jeunes femmes se lanceront dans une quête des plus sordides au cœur des tréfonds du Dark Web, là où les vidéos de meurtres se vendent aux enchères…Difficile de sortir indemne des Chambres rouges, nouveau film de Pascal Plante (Les Faux tatouages, Nadia Butterfly). Dans ce long-métrage sec et nerveux, le réalisateur québécois s’intéresse à la fascination sinistre de certaines femmes pour des criminels. Assez inclassable, ce film installe progressivement une ambiance singulière qui bouscule littéralement le spectateur. Une œuvre radicale portée de manière magistrale par l’épatante Juliette Gariépy et, à coup sûr, l’un des films les plus forts de ce début d’année.

Recommandation : 4 cœurs

Antoine Le Fur

C’est une histoire à peine croyable et c’est pourtant une histoire vraie que retrace ce film, celle de de Stella Goldschlag, une jeune juive allemande de Berlin qui rêvait de devenir chanteuse de jazz à Broadway, mais qui en fut empêchée à cause de la proclamation des lois raciales dans son pays. De type aryen, pétillante et culottée, cette blonde aux yeux bleu azur, née en 1922, réussit pourtant, à échapper à la Gestapo, pendant quelques mois. A force d’aller s’amuser dans des lieux qui lui étaient désormais légalement interdits, elle finit par se faire prendre. Pour éviter la torture et la mort, la prisonnière proposera aux nazis de les aider dans la traque et la........

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