Atlantico : Durant l’Antiquité, le vin était une boisson essentielle et très répandue chez les Romains. Grâce à des travaux menés par des chercheurs belges et polonais, nous savons que cet alcool avait un goût épicé. Par quels moyens avons-nous pu faire cette découverte ?

Fabrizio Bucella : Tout d’abord grâce à des descriptions de recettes qui ont été découvertes par les textes de Pline l’Ancien et d’autres Romains sur la fabrication du vin. Et puis des vestiges archéologiques ont été retrouvés. Il s’agissait de tessons de jarre et de vases sur lesquels sont inscrits des marqueurs biologiques qui permettent d’identifier certaines épices dans le vin antique. Ce sont ces principaux éléments qui ont permis aux historiens et aux scientifiques de connaître le goût de cet alcool. Dans un autre temps, les coutumes grecques et romaines ont permis de savoir que le vin était toujours mélangé, essentiellement avec de l’eau. Cela peut être étonnant, mais il ne faut pas oublier que les repères gustatifs de l’Antiquité étaient très différents de ceux d’aujourd’hui. Leur régime alimentaire était plus végétarien et piscicole que le nôtre, et ils adoraient les épices. Ces données nous permettent d’imaginer le vin romain comme un vin qui sent le vinaigre. Pour atténuer cet arrière-goût piquant, ils le diluaient dans de l’eau ou dans de l’eau de mer. Parfois, ils mettaient du miel. Lorsque le vin était bu pur, c’était un signe de barbarie. Ce mélange atténuait le degré d’alcool, ce qui permettait aux Romains d’en boire jusqu’à 1 litre par jour.

En plus de l’amélioration du goût, en quoi les épices étaient-elles importantes dans le vin ? Y avait-il un message particulier ?

Le vin en lui-même représentait quelque chose de sacré : le pouvoir. Les soldats romains avaient très souvent un cep de vigne sur leur ceinturon. Ce qui nous montre que la culture de la vigne était essentielle. Mais concernant les épices, il n’y avait pas de message particulier. Outre le fait d’atténuer l’aspect de vinaigre, elles purifiaient le vin, puisque des bactéries acétiques avaient été détectées dans plusieurs cuves à cause des eaux de rivière ou de mer. Le vin était tellement propre que Pasteur l’a déclaré boisson la plus saine au XIXème siècle. De plus, le curry permettait de conserver le vin plus longtemps.

Le vin était donc un élément sacré dans la culture romaine. Pouvons-nous imaginer qu’il y avait un nombre de vignes conséquent durant l’Antiquité ? Était-il à la portée de tous ?

Les Romains avaient trois cultures : le blé pour le pain, l’olive pour l'huile et le raisin pour le vin. Alors il y avait des vignes partout. Le vin était consommé par tout le monde, même les esclaves. Évidemment, il y avait plusieurs gammes différentes, des plus ou moins vieilles. Mais il faut noter qu’à cette époque, on ne faisait pas vieillir plus de deux ans une cuve. Le vin était un aliment qui se conservait de septembre à septembre, le temps de la nouvelle vendange, mais très rarement plus. Cette active production permettait d’en distribuer partout et à tout le monde. Très vite, boire du vin était devenu un symbole ultime pour toute la civilisation romaine, c’était la boisson populaire. Contrairement à l’Egypte où le vin était bu par les pharaons, les scribes et les notables, et où les ouvriers buvaient de la bière.

Comment les Romains réussissaient-ils à stocker une aussi grande quantité de vin ?

Pour cela, il y avait les dolias, des sortes de jarres semi-enterrées, qui conservaient le vin. Grâce à elles, les Romains pouvaient procéder aux fermentations et aux macérations et ensuite tirer le vin ou fur et à mesure. Une fois retiré des dolias, l’alcool était placé dans des amphores plus petites pour les transporter dans des tavernes, des commerces… Pour macérer de plus grandes quantités, il y avait des caves à vin avec une infrastructure spéciale. En général, on pouvait également y trouver des fours pour le pain et des caisses pour stocker le blé. L’objectif des Romains était de stocker à la chaîne, en fonction des vendanges, le plus de vin possible pour approvisionner la population assez fréquemment. Leur organisation était très bien maîtrisée.

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Si vous voulez savoir quel était le goût du vin des Romains, ces scientifiques belges et polonais ont désormais des réponses

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06.03.2024

Atlantico : Durant l’Antiquité, le vin était une boisson essentielle et très répandue chez les Romains. Grâce à des travaux menés par des chercheurs belges et polonais, nous savons que cet alcool avait un goût épicé. Par quels moyens avons-nous pu faire cette découverte ?

Fabrizio Bucella : Tout d’abord grâce à des descriptions de recettes qui ont été découvertes par les textes de Pline l’Ancien et d’autres Romains sur la fabrication du vin. Et puis des vestiges archéologiques ont été retrouvés. Il s’agissait de tessons de jarre et de vases sur lesquels sont inscrits des marqueurs biologiques qui permettent d’identifier certaines épices dans le vin antique. Ce sont ces principaux éléments qui ont permis aux historiens et aux scientifiques de connaître le goût de cet alcool. Dans un autre temps, les coutumes grecques et romaines ont permis de savoir que le vin était toujours mélangé, essentiellement avec de l’eau. Cela peut être étonnant, mais il ne faut pas oublier que les repères gustatifs de l’Antiquité étaient........

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