Atlantico : Selon un récent sondage de Siena Poll publié dans le New York Times, Joe Biden est distancé dans cinq des six États importants. Donald Trump est en tête dans le Nevada, en Georgie, en Arizona, dans le Michigan et en Pennsylvanie. Biden n'est en avance que dans le Wisconsin. Même dans les États dits « diversifiés », l’actuel Président est en retard. Comment expliquez-vous ces résultats ?

Jean-Eric Branaa : Il est vrai que Joe Biden réalise une contre-performance par rapport à ce que l’on pouvait attendre. L’élection est dans un an. Mais ces intentions de vote envoient un signal très fort au président américain et témoignent d’une dynamique puissante en faveur de Donald Trump qui tire profit de l'envie des républicains de gagner la prochaine élection.

C'est vrai que ces États sont déjà pointés depuis très longtemps par tous les experts comme étant les États clés. Joe Biden devrait y investir ses forces s’il souhaite conserver sa présidence.

En réalité, les résultats de ces États sont sujets à une marge d’erreur. Excepté l’étonnant résultat dans le Nevada (pris dans une dynamique pro-républicaine), l'Arizona et la Géorgie en particulier sont dans une situation nébuleuse où les partis républicains de ces deux États sont en mauvais état. Ils auront donc du mal à mener des campagnes.

Au demeurant, l’excellente rhétorique de campagne de Donald Trump impose l'idée de se débarrasser des démocrates accusés de tous les maux. Depuis sa défaite, il explique que des gens autour de Joe Biden veulent garder le pouvoir pour eux. On est revenu à ce combat de l'élite contre les petites gens. C’est un discours qui continue de fonctionner et que Donald Trump, toujours aussi tribun, arrive à faire passer dans les foules républicaines. Il est possible qu’il reprenne dans les prochains jours ses puissants meetings qui focalisent l'attention. Il arrive à mettre dans une salle entre 10 000 et 30 000 personnes ce qui donne l’impression de dominer encore davantage l'élection. Cette stratégie avait été payante au moment d’affronter Hillary Clinton.

Revenons quelques instants sur Joe Biden, parce qu'il y a aussi des indicateurs qui nous donnent différents éléments sur la façon dont est perçue sa politique et sur son image. Sur l'économie, les Américains ont plus confiance en Trump qu'en Biden. Les électeurs ont aussi préféré Trump à Biden sur l'immigration, la sécurité nationale ou encore le conflit israélo-palestinien. Pourquoi la politique de Joe Biden est mal perçue ?

La politique de Joe Biden ne s’imprime pas dans les résultats économiques aux yeux de la population. L'impression générale est négative alors que les résultats sont excellents depuis plusieurs mois. C'est un paradoxe assez incroyable. Joe Biden vient d'ailleurs de passer à une communication beaucoup plus agressive qui ressemble à celle qu'utilisait Donald Trump. Il s’agit de répéter sur tous les réseaux quand il y a d'excellents résultats, comme le faisait Trump régulièrement et quasiment tous les jours. Mais peut-être que les Américains ont besoin d'entendre encore davantage la progression des résultats de leur pays.

71 % des Américains disent que Biden est trop vieux, dont 54 % font partie de ses supporters. Le président a un problème d'image ? Tout comme Trump, il est impopulaire. Est-ce que ça inquiète les démocrates ?

Joe Biden a effectivement un problème d'image. Cette dynamique a été insufflée par Donald Trump qui a répété, aussitôt après son départ du pouvoir, que Biden était trop âgé. Il a utilisé le mot « granny » qui a été repris par ses supporters sur les réseaux sociaux. Joe Biden a expliqué qu'il ne pouvait pas changer la dynamique du pays et c'est l'impression qui en est restée. Son image s’est construite non pas par rapport à ce qu’il faisait mais en fonction de ce que déclarait Donald Trump. Joe Biden a commis l’erreur de croire que le simple fait de faire suffisait et que la communication ne comptait pas.

Mais, il y a un élément particulièrement intéressant qui apparaît dans les sondages. Si Joe Biden fait une contre-performance, ce sera face à une autre personne au Parti démocrate, à savoir Kamala Harris. En effet, elle empoche deux points de plus, en moyenne dans tous les États dont nous parlions, le Nevada, la Georgie, l'Arizona, le Michigan, la Pennsylvanie et le Wisconsin. C'est quelque chose à suivre de très près. Si Joe Biden est encore en course, c’est parce qu’il est président sortant. Ce n'est qu'à la Convention, au cours de l'été prochain, que le Parti démocrate (comme le Parti républicain) choisira son candidat. D'ici là, tout peut arriver.

Est-ce qu'une réélection de Donald Trump est une hypothèse qu'on peut qualifier de plus en plus crédible ?

J’ai répété de nombreuses fois à partir du mois de mars, dès sa première inculpation dans le procès de New York, d’Alvin Bragg, qu'il était reparti dans la course à la présidentielle. Les républicains ont eu l'impression que l’on s'en prenait à lui de façon injuste. Trump a dénoncé une chasse aux sorcières, une police politique contre lui. Les républicains se sont élevés contre cette attitude qu'ils prêtaient à Joe Biden. Donald Trump a su se servir de cela comme levier pour repartir très haut. Il n'est jamais redescendu depuis. Aujourd'hui, il a plus de 60 % d'intention de vote dans la primaire républicaine. Il sera donc, quoi qu'il en soit, le candidat du Parti républicain. Peut-il gagner face à Biden ? Oui, il peut gagner parce que les six États dont nous parlions sont les États qui vont faire la différence. Le reste est divisé. Il y a environ 250 grands électeurs qui sont attribués quasiment d'office à l'un comme à l'autre. Il reste à conquérir les 28 qui manquent. C’est vrai que cela va se jouer dans ces États en particulier en Pennsylvanie, où il y a 19 grands électeurs à remporter, pour atteindre un total de 278. Cela permet d'être élu en tant que Président des États-Unis. Mais pour l’instant, c’est très serré.

Selon le même sondage, si les résultats sont les mêmes en novembre prochain, Trump pourrait remporter plus de 300 voix au collège électoral, c'est-à-dire, plus que les 270 nécessaires pour prendre la Maison Blanche. Ce serait une victoire éclatante ?

Cela veut dire que si ce résultat se vérifie, Trump aura 302 grands électeurs et Biden en aura 236. Donc, ce serait même une vraie défaite pour Joe Biden.

Vous disiez à l'instant que Trump peut gagner contre Biden, qu’en est-il si son adversaire est Kamala Harris ?

J'ai le sondage qui les met quasiment à égalité. Pour l'instant, Trump est au-dessus. Mais l'hypothèse de Kamala Harris est une grande inconnue. Si elle venait dans la course, elle ne serait plus l'ombre de Joe Biden. C'est elle qui prendrait la lumière. Car la question de l’âge, beaucoup reprochée à Joe Biden, fait peur aux démocrates. Avec Kamala Harris, ce problème serait écarté. Mieux encore pour le Parti démocrate, la tendance s’inverserait avec un Donald Trump qui deviendrait le « vieillard », du haut de ses 78 ans.

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Ces sondages qui montrent qu’une réélection de Donald Trump est une hypothèse de plus en plus crédible

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08.11.2023

Atlantico : Selon un récent sondage de Siena Poll publié dans le New York Times, Joe Biden est distancé dans cinq des six États importants. Donald Trump est en tête dans le Nevada, en Georgie, en Arizona, dans le Michigan et en Pennsylvanie. Biden n'est en avance que dans le Wisconsin. Même dans les États dits « diversifiés », l’actuel Président est en retard. Comment expliquez-vous ces résultats ?

Jean-Eric Branaa : Il est vrai que Joe Biden réalise une contre-performance par rapport à ce que l’on pouvait attendre. L’élection est dans un an. Mais ces intentions de vote envoient un signal très fort au président américain et témoignent d’une dynamique puissante en faveur de Donald Trump qui tire profit de l'envie des républicains de gagner la prochaine élection.

C'est vrai que ces États sont déjà pointés depuis très longtemps par tous les experts comme étant les États clés. Joe Biden devrait y investir ses forces s’il souhaite conserver sa présidence.

En réalité, les résultats de ces États sont sujets à une marge d’erreur. Excepté l’étonnant résultat dans le Nevada (pris dans une dynamique pro-républicaine), l'Arizona et la Géorgie en particulier sont dans une situation nébuleuse où les partis républicains de ces deux États sont en mauvais état. Ils auront donc du mal à mener des campagnes.

Au demeurant, l’excellente rhétorique de campagne de Donald Trump impose l'idée de se débarrasser des démocrates accusés de tous les maux. Depuis sa défaite, il explique que des gens autour de Joe Biden veulent garder le pouvoir pour eux. On est revenu à ce combat de l'élite contre les petites gens. C’est un discours qui continue de fonctionner et que Donald Trump, toujours aussi tribun, arrive à faire........

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