Gabriel Attal ne pourra pas ne pas aborder la question lors de son discours de politique générale aujourd’hui, mais surtout Emmanuel Macron va être obligé d'annoncer aux partenaires européens à Bruxelles un changement de braquet dans la lutte contre le réchauffement climatique.

La crise du monde agricole se nourrit principalement de l'impossibilité de respecter les engagements écologiques dans un monde qui craque de partout. L’explication est simple : le monde agricole a besoin de revenus ; il ne perçoit pas une rémunération qui représente la valeur créée et qui ne permet pas de vivre correctement. Le revenu n’est pas suffisant parce que le consommateur refuse de payer le prix de ce qu’il achète, coincé lui-même par l'inflation ou par un système de production, de transformation et de distribution qui capte l'essentiel des marges et qui, pour se développer, va très souvent chercher à l'extérieur de l'hexagone des produits dont les coûts de production sont encore plus faibles que chez nous. Cette logique est infernale et suicidaire

Le monde agricole n’est pas le seul à souffrir de cette concurrence déloyale des impératifs écologique. La filière automobile, par exemple, se prépare à la plus formidable mutation de l'histoire industrielle. Le passage à l'électricité entraîne des changements considérables dans la chaîne de production. Alors, les industriels ne grognent pas trop, ( encore que Carlos Tavares -leader mondial groupe Stellantis- a du mal a dissimuler ses réserves et ses inquiétude ) mais les réseaux de concessionnaires, les garagistes savent bien qu'ils ne pourront pas sortir indemnes de cette situation, tout comme les autres acteurs de la mobilité et notamment le transport aéronautique .

Dans l’industrie du bâtiment, c’est le même stress puisqu'il va falloir transformer les millions de logements, les décarboner et les isoler. Les industriels et les propriétaires ont beau expliquer qu'ils n’auront jamais les financements pour opérer une telle mutation, rien n’empêche les administrations nationales et européennes de confirmer les obligations sans toujours en mesurer les dégâts collatéraux.

Personne ne nie la nécessité de lutter contre le réchauffement climatique. Personne ne nie la nécessité de changer les sources d’énergie. Tous les scientifiques du monde sont au diapason. Les rythmes de croissance depuis un siècle et surtout les modalités de cette croissance nous conduisent directement à des catastrophes naturelles inéluctables. Seulement voilà, les peuples des grandes démocraties (c’est-à-dire des grands pays développés où les peuples peuvent s’exprimer) considèrent que les agendas de décarbonation et les objectifs sont irréalisables et vont causer des crises économiques et sociales insolubles. En bref, la politique écologique qui se fixe comme objectif un zéro carbone dans les 50 prochaines années n’est pas tenable. L’agenda est trop serré. Les capacités d’innovation pour installer des systèmes alternatifs ne seront pas suffisantes, les moyens de financement du changement ne seront pas dégagés pour être applicables à l’échelle de la planète. D’ores et déjà, on s’aperçoit dans les pays développés notamment que les efforts nécessaires à la lutte pour le climat se retrouvent dans l’inflation et les revenus disponibles, avec en prime un encombrement de contrôles, de normes et de dispositions très punitives.

En clair, et pour beaucoup, l’écologie signifie moins de revenus et moins de liberté individuelle. Le secteur agricole est un condensé parfait de toutes ces difficultés. C’est d’autant plus stressant que les pays développés ne sont pas les grands coupables du réchauffement climatique. La France, par exemple, ne contribue qu’à hauteur de moins de 1 % du total de la pollution mondiale, mais cet argument n’a pas grande importance, parce que c’est l’ensemble de la planète qui participe au réchauffement climatique. Quand les pays émergents produisent sans précaution particulière, les pays développés consomment et profitent des prix de production très bas. Du coup, la population du monde entier se retrouve concernée par l'obligation de changer de modèle, à condition que l’ampleur du changement et son rythme soient supportables.

Au niveau national, il paraît donc évident que chaque gouvernement devra assouplir ses contraintes, la France comme les autres. Mais au niveau européen, il faudra bien aussi ramener les modalités du changement dans des propositions qui permettent de supporter la concurrence internationale. Au niveau mondial, la possibilité d’un accord paraît utopique, mais au niveau européen, il paraît nécessaire.

Généralement, la crise rend intelligent. Au cours des cinq dernières années, par exemple l'Europe toute entière s’est assise sur certaines exigences des écologistes. L’Allemagne a abandonné son modèle fondé sur l’énergie provenant du gaz russe, un modèle qui avait été conçu et soutenu par les Verts allemands pour remplacer le nucléaire. Aujourd'hui, les mêmes Verts allemands sont prêts à accepter la relance du nucléaire. En France, le changement structurel a été moins brutal mais, contre l’avis des écologistes qui ne décolèrent pas mais en silence , Emmanuel Macron, qui avait participé à la fermeture de Fessenheim, a bien été obligé de relancer la politique nucléaire pour redevenir un champion du monde, parce qu'il n'y avait pas d'autres solutions.

Aujourd'hui, il paraît évident qu’à Paris comme à Bruxelles, il va falloir s’affranchir de pans entiers de cette idéologie écologique radicale qui lamine certaines activités dont l’agriculture... Les faits sont têtus.

QOSHE - Emmanuel Macron et Gabriel Attal vont être obligés de s’affranchir de l’agenda écologique - Jean-Marc Sylvestre
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Emmanuel Macron et Gabriel Attal vont être obligés de s’affranchir de l’agenda écologique

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30.01.2024

Gabriel Attal ne pourra pas ne pas aborder la question lors de son discours de politique générale aujourd’hui, mais surtout Emmanuel Macron va être obligé d'annoncer aux partenaires européens à Bruxelles un changement de braquet dans la lutte contre le réchauffement climatique.

La crise du monde agricole se nourrit principalement de l'impossibilité de respecter les engagements écologiques dans un monde qui craque de partout. L’explication est simple : le monde agricole a besoin de revenus ; il ne perçoit pas une rémunération qui représente la valeur créée et qui ne permet pas de vivre correctement. Le revenu n’est pas suffisant parce que le consommateur refuse de payer le prix de ce qu’il achète, coincé lui-même par l'inflation ou par un système de production, de transformation et de distribution qui capte l'essentiel des marges et qui, pour se développer, va très souvent chercher à l'extérieur de l'hexagone des produits dont les coûts de production sont encore plus faibles que chez nous. Cette logique est infernale et suicidaire

Le monde agricole n’est pas le seul à souffrir de cette concurrence déloyale des impératifs écologique. La filière automobile, par exemple, se prépare à la plus formidable mutation de l'histoire industrielle. Le passage à l'électricité entraîne des changements considérables dans la chaîne de production. Alors, les industriels ne grognent pas trop, (........

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