Sur le dossier de la dette, la France est plongée dans un paradoxe incompréhensible si on s’en tient aux mécanismes économiques. Alors que le montant global de l’endettement public (3000 milliards d’euros) panique beaucoup de responsables politiques et de chroniqueurs qui relayent les chiffres avec gourmandise, d’autant que le montant va encore augmenter de 250 milliards d’euros en 2024… en dépit de ces chiffres, l’Agence France Trésor, qui est chargée de placer les obligations de la France, a réussi à lever cette semaine 8 milliards d’euros sur les marchés financiers, lesquels auraient voulu en acheter pour dix fois plus.

La demande globale, qui venait principalement des pays de l'Union européenne, dépassait les 98 milliards d’euros, ce qui a permis d’ailleurs à l'Agence France Trésor d’obtenir du tres long terme à des prix à la baisse. Globalement, Bercy n’a donc aucun souci à se faire sur sa capacité à emprunter de l'argent pour boucler ses plans de financement. Et c’est bien ce que les observateurs ont du mal à comprendre. C’est bien ce que le ministre de l’Economie a beaucoup de mal à expliquer et à se faire entendre. Ce qui ne l'empêche pas de persister en assumant cette situation et en bravant tous les arguments qui lui sont opposés. L explication tient en quatre points

1er point. La dette publique française est soutenable, le terme prete a sourire mais l’Agence France Trésor le constate tous les jours. La France n’a aucune difficulté à trouver des financements pour couvrir ses déficits budgétaires et ses plans de relance. Les agences de notation regardent et laissent faire sans broncher parce que les garanties présentées par la France leur ont paru solides. La France s’est endettée pour financer son « quoi qu'il en coûte » qui a protégé tous les actifs de production de l'effondrement lié aux confinements. La France s’est endettée pour répondre aux effets de la crise en Ukraine avec un plan d'aide important. La France s’est aussi endettée pour financer les plans de mutation digitale, la transition énergétique et la politique de réindustrialisation.

2e point. Cette dette publique nous coûte 50 milliards de charges cette année, et beaucoup plus encore l'année prochaine. Ces charges financières paraissent très lourdes mais, comparées au montant des fonds empruntés, la maturité des obligations est telle (plus de dix ans) et le fait que les 3/4 ont été bouclés à un moment où les taux étaient très bas, amortissent énormément la charge financière.

3e point. Cet endettement est, qu'on le veuille ou non, garanti par l'ensemble des pays de l'Union européenne, dont l'Allemagne. Par ailleurs, un tiers de cet endettement est actuellement contracté pour financer des investissements de la transition énergétique. Les "green bonds". La dernière levée de fonds réalisée cette semaine dans l'euphorie l'a été avec des obligations assimilables au Trésor (des OAT classiques) à échéance de 2049, mais destinées au verdissement et à la décarbonation de l'économie. C’est donc un investissement dans lequel les milieux financiers principalement européens (espagnols, italiens, allemands...) ont confiance dans la gouvernance française pour réaliser ces investissements d'avenir.

4e on touche là au maillon faible du système d’endettement français ? Jusqu’à l'année dernière, cet endettement a servi principalement à financer le déficit budgétaire, c’est-à-dire les dépenses de fonctionnement. C’est évidemment le maillon faible de la maison France. Il lui faut nécessairement diminuer les dépenses publiques et sociales. C’est pourquoi Bruno Le Maire s’est engagé auprès des marchés à lancer les réformes de structures, c’est aussi pourquoi le président de la République et son ministre de l'économie ont boosté les investissements verts parce qu’ils sont évidemment porteurs de croissance. Et parce qu'ils sont porteurs de croissance, la France trouvera à les financer donc à emprunter à des taux raisonnables.

QOSHE - La dette publique panique les analystes politiques mais n’effraie nullement les investisseurs qui achètent (dans l’euphorie) de la dette française - Jean-Marc Sylvestre
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La dette publique panique les analystes politiques mais n’effraie nullement les investisseurs qui achètent (dans l’euphorie) de la dette française

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20.01.2024

Sur le dossier de la dette, la France est plongée dans un paradoxe incompréhensible si on s’en tient aux mécanismes économiques. Alors que le montant global de l’endettement public (3000 milliards d’euros) panique beaucoup de responsables politiques et de chroniqueurs qui relayent les chiffres avec gourmandise, d’autant que le montant va encore augmenter de 250 milliards d’euros en 2024… en dépit de ces chiffres, l’Agence France Trésor, qui est chargée de placer les obligations de la France, a réussi à lever cette semaine 8 milliards d’euros sur les marchés financiers, lesquels auraient voulu en acheter pour dix fois plus.

La demande globale, qui venait principalement des pays de l'Union européenne, dépassait les 98 milliards d’euros, ce qui a permis d’ailleurs à l'Agence France Trésor d’obtenir du tres long terme à des prix à la baisse. Globalement, Bercy n’a donc aucun souci à se faire sur sa capacité à emprunter de l'argent pour boucler ses plans de financement. Et........

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