La grève des contrôleurs de TGV est absurde, grotesque et scandaleuse, et pas seulement pour ceux qui sont, ce week-end, privés de train, mais finalement pour tous ceux qui, en silence, considèrent que « si le droit de grève doit être respecté, il existe aussi un devoir de travailler », la petite phrase de Gabriel Attal a plu aux communicateurs, mais elle agace aussi les clients, usagers de la SNCF.

Avec tout le talent qu’on peut prêter au Premier ministre, il n’a emprunté aucun e aucune piste dans ses propos pour éviter que des dysfonctionnements qui bloquent les TGV se reproduisent.

Tout est absurde dans cette grève, et d'abord les raisons de la grève. Les syndicats de contrôleurs affirment que les engagements pris l'année dernière n’ont pas été tenus. Du côté de la Direction de la SNCF, on affirme le contraire. Alors qui ment ? C’est parole contre parole, et celui qui gagne est celui qui peut bloquer le trafic.

Tout est absurde, y compris les modalités. Les TGV qui assurent la liaison avec les Alpes et les stations de ski fonctionnent, dit-on. La grève, en revanche, a été déportée sur les liaisons avec l'Ouest et notamment la Bretagne. Cette décision a dû être prise par des syndicalistes bobos de gauche qui ont voulu protéger les enfants de Courchevel ou de Val d’Isère et punir les Bretons. C’est possible. Tout est possible.

Tout est ridicule dans cette grève qui va accélérer la réflexion sur les modalités du droit de grève et surtout sur l’organisation de la SNCF. Parce que la SNCF n'appartient pas aux contrôleurs, elle appartient à ses clients et aux contribuables. Outre le prix du billet, le voyageur apporte à la compagnie 20 milliards par an sur ses impôts. Ce n’est pas nul. Quant aux contrôleurs eux-mêmes, on ne demande à quoi ils servent puisque tous les passagers sont contrôlés avant de monter dans letrain. Un peu comme quand on voyage en avion, le passager est contrôlé avant de monter dans l’avion, jamais à l'intérieur au cours du vol. Ou alors, c’est rare. Et bien dans le train, les contrôleurs re-contrôlent ou alors discutent en passant au bar, ils sont d’ailleurs assez sympathiques. Question salaires, ils sont mieux payés qu’un enseignant ou une aide-soignante, mais la question des salaires, des retraites et des horaires de service sont tabous.

Tout est ridicule dans cette grève ordinaire, y compris la surenchère qu’elle a déclenchée dans les autres catégories de personnel, et notamment les aiguilleurs du rail, qui sont eux très importants. Autant que les aiguilleurs du ciel. Ils règlent la circulation.

Et cette surenchère a toutes les chances de se poursuivre jusqu'aux Jeux Olympiques. Non content d’avoir pris les voyageurs en otages, ils ont mis le gouvernement en difficulté. Si le gouvernement cède, les revendications vont se bousculer. S’il ne cède pas, il hypothèque les conditions d’ouverture des JO. Le piège.

Pour les chefs d’entreprise qui sont aussi très gênés par ces mouvements sociaux (au-delà de ceux dont les enfants vont rester coincés sur les pistes noires de Méribel ou d’Avoriaz), ces mouvements sociaux qui touchent surtout les entreprises publiques, les laissent désabusés devant l'incapacité de l'État à gérer ces difficultés une bonne fois pour toutes, et notamment sur deux points :

Un, il faudra qu'on le veuille ou non réglementer le droit de grève (qui doit être respecté bien sûr) de façon à respecter la liberté et le droit à la mobilité dans des activités où la concurrence ne permet pas au client de trouver une solution alternative. Beaucoup de pays en Europe (dont l'Espagne) ont encadré le droit de grève. Le problème en France c’est qu’on pense qu’une grève qui ne gêne pas le public ne sert à rien. Ça n’est pas faux.

Mais deuxième point, il faudra forcément trouver des solutions structurelles pour réformer le fonctionnement des services qui dépendent de l'État. Parce qu’ils coûtent très cher (plus de 60% de la dépense publique et sociale) mais surtout parce qu’ils ne donnent pas satisfaction. Ça ne marche pas. Les trains, le métro, l'école, l'hôpital, etc. La seule chose qui marche bien, c’est la grève. Les entreprises privées ont quand même mis au point d'autres solutions. Elles organisent un dialogue social qu'il faut améliorer certes mais qui évite de tomber dans l'absurdité et surtout le gaspillage.

Les entreprises privées fonctionnent parce qu'elles sont dans une logique d'économie de marché et soumises à la concurrence. Elles sont obligées de délivrer un service ou un produit qui va répondre à la demande du client sinon le marché va les sanctionner. Alors bien sûr, dans un pays qui est saturé de dépenses publiques, de déficit et de dettes, on pourrait imaginer des privatisations, des mises en concurrence. Le monopole de la SNCF a été violé après 30 ans de négociations, par l’autorisation donnée aux trains suisses, italiens, allemands d’emprunter quelques lignes du réseau ferré, et personne n’est mort.

Des TGV suisses, allemands ou italiens roulent sur les rails français. Ils ont des contrôleurs mais ce qui est intéressant c’est qu’ils font autre chose que de contrôler. Mais l'ouverture n’est pas telle, qu’elle puisse bouleverser le fonctionnement de la maison. Et pourtant, il n’y a guère d’autres solutions que l'adhésion au modèle d'économie de marché et la concurrence pour améliorer les résultats. Dans tous les pays du monde, concurrence et marché ont été les principaux facteurs de progrès.

Ce qui est curieux en France, c’est qu’aucun responsable politique ne développera sérieusement un programme libéral, c’est-à-dire un programme de désengagement de l'État des fonctions non régaliennes. Tout le monde a peur mais personne ne sait de quoi. Et pourtant, le résultat, la relation client, le progrès partagé, ça n’est ni de droite ni de gauche.

QOSHE - La galère pour les voyageurs SNCF se confirme, et la classe politique refuse toujours de proposer des réponses « libérales » - Jean-Marc Sylvestre
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La galère pour les voyageurs SNCF se confirme, et la classe politique refuse toujours de proposer des réponses « libérales »

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17.02.2024

La grève des contrôleurs de TGV est absurde, grotesque et scandaleuse, et pas seulement pour ceux qui sont, ce week-end, privés de train, mais finalement pour tous ceux qui, en silence, considèrent que « si le droit de grève doit être respecté, il existe aussi un devoir de travailler », la petite phrase de Gabriel Attal a plu aux communicateurs, mais elle agace aussi les clients, usagers de la SNCF.

Avec tout le talent qu’on peut prêter au Premier ministre, il n’a emprunté aucun e aucune piste dans ses propos pour éviter que des dysfonctionnements qui bloquent les TGV se reproduisent.

Tout est absurde dans cette grève, et d'abord les raisons de la grève. Les syndicats de contrôleurs affirment que les engagements pris l'année dernière n’ont pas été tenus. Du côté de la Direction de la SNCF, on affirme le contraire. Alors qui ment ? C’est parole contre parole, et celui qui gagne est celui qui peut bloquer le trafic.

Tout est absurde, y compris les modalités. Les TGV qui assurent la liaison avec les Alpes et les stations de ski fonctionnent, dit-on. La grève, en revanche, a été déportée sur les liaisons avec l'Ouest et notamment la Bretagne. Cette décision a dû être prise par des syndicalistes bobos de gauche qui ont voulu protéger les enfants de Courchevel ou de Val d’Isère et punir les Bretons. C’est possible. Tout est possible.

Tout est ridicule dans cette grève qui va accélérer la réflexion sur les modalités du droit de grève et........

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