Le changement n’est pas évident, mais il amorce peut-être un début de commencement vers plus de clarté et d’efficacité. Pour beaucoup d’observateurs et de patrons d’entreprises, l’intervention d’Emmanuel Macron à la télévision suivie de cette initiative européenne pour regrouper sous un même objectif l'Allemagne, la Pologne et la France, marque ce changement.

Ce qui est nouveau, c’est que le président français a expliqué avec beaucoup de gravité les risques que Vladimir Poutine faisait courir à la France et à l’Europe tout entière.

Ce qui est nouveau, c’est qu’il a confirmé les intentions belliqueuses de la Russie qui pouvaient être sans limite.

Ce qui est nouveau, c’est l’insistance avec laquelle il a répété que ce n’est ni la France, ni l'Europe qui faisaient la guerre à la Russie, mais l’inverse, et qu'il fallait donc tout faire pour se préparer à résister à ces agressions. Tout faire.

Ce qui est nouveau, c’est qu'Emmanuel Macron a obtenu l'accord de l’Allemagne et de la Pologne sur cette stratégie.

C'est inconsciemment ce qu'une partie de l'opinion publique et par ailleurs les milieux d’affaires attendaient depuis quelques semaines : c’est-à-dire une reprise et une reconnaissance du leadership de la France (qui au passage est le seul pays européen à détenir l'arme nucléaire. Personne n’en a parlé, mais tout le monde le sait. Globalement, depuis une dizaine de jours, tout se passe comme si le président avait décidé de présider, c’est-à-dire de se replier sur le régalien, en particulier le cœur du régalien : la politique étrangère et la défense nationale.

Alors qu’auparavant, le président de la République avait pris l'habitude de s’occuper de tout, dans tous les domaines, tous les ministres et les très hauts fonctionnaires s’en plaignaient, tous les grands patrons le savaient aussi, sachant que le Président pouvait se mêler de leurs affaires. La fixation des prix dans les supermarchés, le commerce de la drogue dans les quartiers nord de Marseille… Cette habitude était tellement forte que le président avait donné une impression de centralisation d’un pouvoir tout-puissant et solitaire. En reprenant principalement les dossiers régaliens, il va redonner de l'oxygène à ses principaux ministres.

Du coup, le Premier ministre Gabriel Attal est bien décidé à gérer la France dans ce qu’elle a de quotidien avec une ambition de faire redémarrer l'énorme machine administrative qui est complètement grippée, notamment l'éducation nationale. La ministre de l'Éducation nationale est encadrée comme jamais un ministre dans ce type de fonction ; Gabriel Attal s’est donné des objectifs, restaurer l'efficacité des administrations, l'école, la santé, les transports, etc. Assez peu de bla-bla et beaucoup de bon sens.

Avec Gabriel Attal, Bruno Le Maire qui convoitait Matignon paraît bien décidé à reprendre le pouvoir sur les finances publiques afin de rééquilibrer le budget, éviter les foudres des agences de notation et les hausses de taux d’intérêt. Mais pour ce faire, il lui faut assumer un plan de réduction des dépenses publiques (10 milliards cette année, 20 milliards pour 2025). Mais pour organiser ces réductions de dépenses publiques, il lui faut prendre la main sur les arbitrages budgétaires. L'entreprise va être compliquée et délicate parce que chaque ministre du gouvernement considère que son pouvoir est lié à l'ampleur du budget qu'il a dépensé. D’où des actions de lobbying permanentes auxquelles se livre chaque ministre auprès de Matignon et de l’Élysée pour obtenir des crédits. Tous les moyens sont bons. Et dans cette logique, la tâche du ministre de l'économie et des finances ressort de la quadrature du cercle. Entre les contraintes financières et les objectifs politiques, il passe son temps à faire des mécontents. Et un homme politique mécontent ou frustré, c’est difficile à gérer. Dans la formation du gouvernement Attal, il semble bien que Bruno Le Maire ait obtenu plus de liberté pour rééquilibrer les finances du pays. D’où la liste d'économies qu'il a donnée très vite et qui portent par ailleurs principalement sur les dépenses sociales et sur les aides et soutiens aux entreprises. Bruno Le Maire peut gagner son pari parce que Gabriel Attal n’a aucune raison d’intervenir pour s’y opposer. Lui aussi a intérêt à gérer un pays qui ne prend pas de risques financiers.

Parallèlement, sur le registre de la sécurité, Gérald Darmanin a défini lui-même son périmètre d’intervention et personne au gouvernement n’a corrigé ses objectifs. Renforcer la sécurité publique, lutter contre le racisme et l'antisémitisme et surtout déployer tous les moyens nécessaires pour que l'ordre soit maintenu lors des Jeux olympiques. C’est évidemment la priorité.

Tout se passe désormais comme si la France était gouvernée par un comex très regroupé. Un président qui préside et qui s’occupe en priorité de la place de la France dans le monde et en Europe. Un directeur général qui veille et coordonne l'action des différents ministres qui sont des chefs de leur administration. Avec deux points forts aux côtés du président et de son premier ministre, un ministre de l’économie et des finances, et un ministre de l’intérieur.

En fait, si cette architecture gouvernementale fonctionne et obtient des résultats, on ne manquera pas de faire allusion à la façon identique dont sont dirigées les grandes entreprises. Le comex dans une entreprise a tous les pouvoirs à condition de générer des résultats.

Mais d’autres plus anciens ne manquent pas de rappeler qu’au début de la 5e République, le gouvernement fonctionnait selon un logiciel identique ; un président très puissant puisque c’était le général de Gaulle, avec un directeur général qui était très DG puisqu’il s’agissait de Georges Pompidou, un directeur financier qui a laissé des traces puisqu’il s’agissait de Valéry Giscard d'Estaing, et un ministre de l'intérieur toujours très présent puisqu'il s’agissait de Michel Debré, l’auteur de la Constitution de la Ve République. Maintenant, si Emmanuel Macron reste fidèle aux missions régaliennes, et renforce la responsabilité de ses ministres, le climat politique et social va changer.

QOSHE - Si Emmanuel Macron se recentre sur le régalien, la gestion politique et économique du pays peut gagner en cohérence - Jean-Marc Sylvestre
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Si Emmanuel Macron se recentre sur le régalien, la gestion politique et économique du pays peut gagner en cohérence

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16.03.2024

Le changement n’est pas évident, mais il amorce peut-être un début de commencement vers plus de clarté et d’efficacité. Pour beaucoup d’observateurs et de patrons d’entreprises, l’intervention d’Emmanuel Macron à la télévision suivie de cette initiative européenne pour regrouper sous un même objectif l'Allemagne, la Pologne et la France, marque ce changement.

Ce qui est nouveau, c’est que le président français a expliqué avec beaucoup de gravité les risques que Vladimir Poutine faisait courir à la France et à l’Europe tout entière.

Ce qui est nouveau, c’est qu’il a confirmé les intentions belliqueuses de la Russie qui pouvaient être sans limite.

Ce qui est nouveau, c’est l’insistance avec laquelle il a répété que ce n’est ni la France, ni l'Europe qui faisaient la guerre à la Russie, mais l’inverse, et qu'il fallait donc tout faire pour se préparer à résister à ces agressions. Tout faire.

Ce qui est nouveau, c’est qu'Emmanuel Macron a obtenu l'accord de l’Allemagne et de la Pologne sur cette stratégie.

C'est inconsciemment ce qu'une partie de l'opinion publique et par ailleurs les milieux d’affaires attendaient depuis quelques semaines : c’est-à-dire une reprise et une reconnaissance du leadership de la France (qui au passage est le seul pays européen à détenir l'arme nucléaire. Personne n’en a parlé, mais tout le monde le sait. Globalement, depuis une dizaine de jours, tout se passe comme si le président avait décidé de présider, c’est-à-dire de se replier sur le régalien, en particulier........

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