Si Gabriel Attal veut sincèrement remettre ce pays en marche, les services publics, l'école, la santé, l'appareil économique, et donc restaurer des responsabilités individuelles pour libérer les initiatives privées actuellement sous l'emprise de l'État, il va avoir beaucoup, beaucoup de travail.

Pour deux raisons :

D'une part, jamais le pays n’a été aussi enkysté dans la sphère publique ; les dépenses publiques dépassent les 60 % du PIB. Une telle proportion signifie que l'intérêt général est de faire la queue aux guichets administratifs qui gèrent la redistribution sous toutes ses formes, plutôt que de créer de la richesse.

D'autre part, la classe politique, de l'extrême gauche à l'extrême droite, considère que les seules solutions pour améliorer le sort de leurs électeurs, c'est de conserver le surpoids de l'État et même de l'accroître. Certains considèrent qu'il y a sans doute des problèmes de management, mais qu'il y a surtout des problèmes de moyens... donc on ne s'en sortira pas. Tous les diagnostics reviennent à expliquer que l’État n’en fait pas assez. L'école ? Les personnels ne sont pas assez nombreux parce que mal payés... Dans la santé, idem. La sécurité n’est pas assurée dans la vie quotidienne, la délinquance augmente partout à cause du manque d'agents de sécurité. Le logement est en crise, très simple, il faut que l'État ou les municipalités financent des logements sociaux. Le monde agricole est en difficultés, c’est la faute de l'Europe et de l'État qui ne régulent pas les prix et ne contrôlent pas les échanges extérieurs… Si tout va mal, c'est que l'État français est trop libéral. Le pire, c’est l’accumulation des critiques contre l’Union européenne qui, elle, croulerait aussi sous l'ultra-libéralisme de marché. Les mêmes vont nous expliquer que l'Europe libérale va mal à cause de son emprise administrative… Bref, c’est n’importe quoi. D'autant que jamais ce pays n’a été sous une telle emprise étatique.

Il existe dans la classe politique quelques personnalités pour essayer d'expliquer que l'État en fait trop et trop mal. Mais ils ne sont pas nombreux . Surtout ils restent prudents et discrets … ils ont appartenu à la gauche sociale-démocrate ou à la droite. Quelques-uns ont rejoint la majorité présidentielle qui elle , tourne en rond dans le "en même temps". Ces quelques aventuriers sont suicidaires, parce que la culture politique et le climat ne prédisposent pas à l'écoute de projets libéraux.

Or la seule solution pour débloquer le pays, c’est de le déverrouiller systématiquement pour laisser les marchés fonctionner dans tous les domaines à l'exception des fonctions régaliennes (la défense, l’ordre public, la justice, etc.). Et le fonctionnement du marché n’est possible que si la concurrence est protégée, si l'État de droit fondé sur la liberté individuelle et le droit de propriété est respecté.

Dans la majorité des secteurs, le dysfonctionnement vient d’un excès d'État ou de pouvoir public. Dans la santé, le problème est archi-connu. Entre un tiers et la moitié du personnel de l'AP sont occupés à des tâches administratives. Le personnel soignant passe plus de temps à gérer l’administratif qu’à soigner les patients. Ça ne peut pas marcher, d’autant qu’à côté du secteur public, il existe un secteur privé (avec des hôpitaux et des cliniques qui font le travail) mais dont on nous expliquera qu'ils coûtent plus cher, ce qui n’est pas vrai puisqu'ils sont plus efficaces. C’est la grande différence entre un système public géré dans une logique de solidarité et un secteur privé dont le financement obéit à des logiques assurantielles ? Quand les complémentaires sont arrivées sur le marché, que n'ont-elles pas subi comme critiques et faux procès... aujourd'hui personne ne peut s’en passer. Quand Doctolib est arrivé, même bronca... Dix ans plus tard, 80 % des médecins ( libres, conventionnes ou pas et les hospitaliers ) lui donneraient le prix Nobel . Doctolib a fait plus pour améliorer le système de santé qu’un demi-siècle de Sécurité Sociale. Sans bruit, sans grève et sans révolution.

Dans l'éducation, on pourrait faire le même constat. On aurait besoin d’un doctolib de l'éducation. La guerre entre le privé et le public se réveille parfois pour de fausses raisons, mais 15 % des élèves du primaire et du secondaire sont dans le privé. La concurrence n’est pas toxique. Au contraire. Le choix est plus fait selon des critères socio-culturels que financiers. Dans l'enseignement supérieur, plus de 30 % des étudiants sont dans le privé (écoles de commerce et techniques) où ils reçoivent un enseignement coûteux. C’est un investissement et comme tous les investissements utiles, il trouve à se financer.

Dans le logement, la situation est complètement bloquée. Elle est caricaturale, la demande de logement est pléthorique, l'offre de logement est gelée par des dispositifs réglementaires et financiers. Pas d’offres, pas de construction, et même pas de location puisque les propriétaires ne louent pas et ne vendent pas ? Trop compliqué. Ils attendent.

On pourrait passer ainsi toutes les strates de la société et dénoncer tous les blocages qui interdisent les initiatives individuelles ? L’État pourrait privatiser ou donner en régie privée des pans entiers de la sphère étatique et faire confiance dans les initiatives privées. Mais l’État tel qu'il est actuellement ,ne le fera pas. Trop dérangeant, trop préjudiciable à des intérêts corporatistes qui vivent sur le dos des établissements publics. A moins que d’ici trois ans , on ne trouve l’oiseau rare capable de convaincre d’expliquer et réunir une majorité. Comme disent les chefs d’entreprise qui par nature sont optimistes : « la crise rend intelligent .. » on verra.

QOSHE - Si la classe politique continue à penser que la France est en risque d'ultra-libéralisme, elle va se fracasser sur le mur des réalités - Jean-Marc Sylvestre
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Si la classe politique continue à penser que la France est en risque d'ultra-libéralisme, elle va se fracasser sur le mur des réalités

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13.02.2024

Si Gabriel Attal veut sincèrement remettre ce pays en marche, les services publics, l'école, la santé, l'appareil économique, et donc restaurer des responsabilités individuelles pour libérer les initiatives privées actuellement sous l'emprise de l'État, il va avoir beaucoup, beaucoup de travail.

Pour deux raisons :

D'une part, jamais le pays n’a été aussi enkysté dans la sphère publique ; les dépenses publiques dépassent les 60 % du PIB. Une telle proportion signifie que l'intérêt général est de faire la queue aux guichets administratifs qui gèrent la redistribution sous toutes ses formes, plutôt que de créer de la richesse.

D'autre part, la classe politique, de l'extrême gauche à l'extrême droite, considère que les seules solutions pour améliorer le sort de leurs électeurs, c'est de conserver le surpoids de l'État et même de l'accroître. Certains considèrent qu'il y a sans doute des problèmes de management, mais qu'il y a surtout des problèmes de moyens... donc on ne s'en sortira pas. Tous les diagnostics reviennent à expliquer que l’État n’en fait pas assez. L'école ? Les personnels ne sont pas assez nombreux parce que mal payés... Dans la santé, idem. La sécurité n’est pas assurée dans la vie quotidienne, la délinquance augmente partout à cause du manque d'agents de sécurité. Le logement est en crise, très simple, il faut que l'État ou les municipalités financent des logements sociaux. Le monde agricole........

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