Le bateau pour Lipaia, d’Alexei Arbuzov est mis en scène par Gil Galliot, avec Bérengère Dautun et Emmanuel Dechartre

Informations de réservation

Studio Hébertot

78 bis Boulevard des Batignolles

75017 PARIS

01.42.93.13.04

http://www.studiohebertot.com

Notre recommandation : 4/5

« C’est ennuyeux de vieillir, mais c’est notre seule chance de vivre longtemps » : tel est l’aphorisme en forme de virgule sur lequel nos deux interprètes vont évoluer tout au long du spectacle.

A l’aube de leur dernière traversée donc, deux “cœurs en hiver“ vont s’apprivoiser avec humour et tendresse. Dans le cadre d’un établissement de cure, Lidia et Rodion redécouvrent la chaleur et les petites joies de la vie. Une histoire d’amour à la pointe du cœur.

La qualité de l’interprétation : Lidia, interprétée par Bérengère Dautun, est pétillante, sensible, désinvolte avec beaucoup de charme ; Emmanuel Dechartre incarne un Rodion meurtri, délicat, à fleur de peau avec beaucoup de délicatesse. La complicité des deux interprètes et leur écoute font goûter aux spectateurs une maîtrise du jeu qui révèle à la fois le texte et la parfaite intelligence des situations.

L’énergie bienveillante du spectacle. En effet, le traitement du sujet sur ce “troisième âge“ de la vie est réconfortant, et baigne dans un optimisme qui fait du bien par les temps qui nous soucient.

La force d’un propos sensible, sans aucune place pour les regrets ni les remords.

Des changements de décors qui eussent gagné à être intégrés à la dramaturgie.

Voici ce que disent les deux comédiens à propos de leur rôle et de la pièce. Bérengère Dautun, évoquant en ces termes son personnage de patiente fantasque et libre: “Elle crie dans le vide, car elle a perdu son mari, elle ne possède plus rien. Mais c' est une faiseuse de vie, elle en refait un homme ". Et pour Emmanuel Dechartre, " La pièce délivre un message d' espoir. Quels que soient nos parcours chaotiques parfois, la vie reste la plus forte. On a besoin de ça par les temps qui courent.”

Simplicité et dépouillement sont donc les maîtres mots de cette comédie sentimentale à laquelle s’est appliqué le metteur en scène. Deux interprètes de talent nous emportent sur les rives lumineuses de Lipaïa. Embarquez donc pour une belle traversée avec eux!

LIDIA : « Pourquoi m’avez-vous convoquée ?
RODION : (…)Est-ce bien pour vous reposer que vous êtes venue dans notre sanatorium ?
LIDIA : Pour me reposer, oui. Vous devriez le savoir mieux que quiconque.
RODION : Voudriez-vous me rappeler votre nom ?
LIDIA : Volinina… Lidia Vassilievna.
RODION : (…) Je vous avais fixé un rendez-vous à dix heures ce matin… et… (il regarde sa montre) si ma montre marche bien, il est deux
heures de l’après-midi !
LIDIA : Quelle importance ? Je suis là, c’est l’essentiel.
RODION : Bien sûr, bien sûr…Mais pourquoi n’êtes-vous pas venu à dix heures ce matin ?
LIDIA : A dix heures, je donne du pain aux mouettes.
RODION : C’est une raison. Mais aujourd’hui, vous auriez pu les nourrir un peu plus tard, non ? (…) Notre sanatorium n’est pas un hôtel. Même pas une maison de repos ! C’est un établissement médical où nous traitons nos malades, et d’abord en leur assurant une tranquillité absolue. Nos grands impératifs sont le calme et le silence ; or, depuis votre arrivée, et pratiquement chaque jour, je reçois des plaintes.
LIDIA : A mon sujet ?
RODION : Vous êtes chez nous depuis six jours, et j’ai déjà reçu cinq réclamations. Croyez-moi, notre établissement n’a jamais accueilli une malade aussi… enfin, aussi démonstrative !
LIDIA : Je vous arrête. Je ne suis pas une malade. Ce terme ne s’applique pas à moi. (…)
RODION : Ce n’est pas moi qui l’ai choisi, il figure en toutes lettres dans votre dossier, c’est le règlement.
LIDIA : Le règlement ne s’applique qu’au cas collectifs. Moi, je suis un cas particulier. Vous ne tenez pas compte des cas particuliers, camarade. »

Peu après la Révolution russe, dans le contexte de chaos et de famine propre à la période de la Guerre civile (1918-1922), Alexeï Arbuzov, devenu orphelin, entame une vie d'errance, avant d'être recueilli dans une colonie pour enfants. C’est là qu’il assiste à la représentation des Brigands de Schiller joué par la troupe du Grand Théâtre léningradois, qui sera pour lui une révélation et un sorte d'initiation à l'univers du spectacle.

Arbuzov commence à faire de la figuration au théâtre Mariinsky à l'âge de quatorze ans et, deux ans plus tard, il devient élève de Pavel Heidebourov, qui l'engage ensuite dans sa troupe.

Au printemps 1928, avec quelques autres jeunes comédiens, il décide de monter sa propre compagnie, et signe bientôt ses premières œuvres en tant que dramaturge : Une classe (1930), Idylle Troisième Yann, Le long chemin.

Les pièces d'Alexeï Arbuzov ont été mises en scène dans de nombreux pays du monde. En URSS, son Histoire d'Irkoutsk a été jouée plus de neuf mille fois rien qu’entre 1960 et 1961 ! Il reçut le Prix d’État de l'URSS en 1980.

Cependant, beaucoup d'expériences dramaturgiques d'Arbuzov dans le domaine formel témoignent de l'influence de Tennessee Williams et John Osborne.

QOSHE - Le bateau pour Lipaia : La belle traversée - Jean-Pierre Hané
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Le bateau pour Lipaia : La belle traversée

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04.12.2023

Le bateau pour Lipaia, d’Alexei Arbuzov est mis en scène par Gil Galliot, avec Bérengère Dautun et Emmanuel Dechartre

Informations de réservation

Studio Hébertot

78 bis Boulevard des Batignolles

75017 PARIS

01.42.93.13.04

http://www.studiohebertot.com

Notre recommandation : 4/5

« C’est ennuyeux de vieillir, mais c’est notre seule chance de vivre longtemps » : tel est l’aphorisme en forme de virgule sur lequel nos deux interprètes vont évoluer tout au long du spectacle.

A l’aube de leur dernière traversée donc, deux “cœurs en hiver“ vont s’apprivoiser avec humour et tendresse. Dans le cadre d’un établissement de cure, Lidia et Rodion redécouvrent la chaleur et les petites joies de la vie. Une histoire d’amour à la pointe du cœur.

La qualité de l’interprétation : Lidia, interprétée par Bérengère Dautun, est pétillante, sensible, désinvolte avec beaucoup de charme ; Emmanuel Dechartre incarne un Rodion meurtri, délicat, à fleur de peau avec beaucoup de délicatesse. La complicité des deux interprètes et leur écoute font goûter aux spectateurs une maîtrise du jeu qui révèle à la fois le texte et la parfaite intelligence des situations.

L’énergie bienveillante du spectacle. En effet, le traitement du sujet sur ce........

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