Atlantico : Pouvez-vous nous expliquer le principe de la stratégie de l’injection tolérance ?

Madeleine Epstein : Il y a quelques années quand il y avait une allergie, il fallait une éradication stricte de toute trace de l'allergène pour éviter les accidents. Or, la recherche a permis de découvrir que plus on évitait l'allergène, moins on avait de tolérance et plus les personnes s'exposaient aux risques de faire des accidents sévères. La tolérance s'acquiert par le contact répété avec l'allergène. Toute la difficulté de cette attitude est d'arriver à avoir un contact assez faible pour ne pas générer de réactions sévères et assez importantes pour habituer l'organisme à ne pas réagir. C'est toute la stratégie des injections de tolérance.

Cela se fait pas tout seul. Ce processus est mené sous surveillance médicale, sous le contrôle de l'allergologue ou même du service hospitalier, qui permet, selon la gravité de la réaction, de définir avec la famille quelle est la quantité de lait que l'on peut donner à l'enfant et comment on réintroduit le lait dans l'alimentation.

Est-ce que l’objectif de cette méthode est de retrouver une alimentation normale ?

Le but est de manger normalement. Après il y a des fois où le processus ne fonctionne pas. L'objectif doit être de créer une tolérance de telle manière à ce que l'exposition accidentelle n'entraîne pas de réaction. Donc le but, surtout dans le cas du lait, est que le patient mange normalement. A titre d'exemple, la plupart de mes patients allergiques au lait de vache dont je me suis occupé ne sont plus allergiques. Après il y a quelques cas d'allergie qui sont persistants à l'âge adulte, mais ils sont beaucoup plus rares sur le lait de vache. Cela se développe car les anciens allergiques n'ont pas bénéficié des stratégies visant à s'adapter au lait. Donc ils restent allergiques. Or, chez l'adulte, les inductions de tolérance fonctionnent moins bien que chez les enfants. Aujourd’hui, la stratégie actuelle, quel que soit l'allergène alimentaire, est de réintroduire le produit ou l'élément concerné le plus tôt possible. Avant, la stratégie recommandait d'attendre cinq ans. Maintenant, dès que l'allergie arrive, des essais et des tentatives sont menés pour contrôler l'allergie et réintroduire peu à peu l'allergène pour développer cette tolérance.