La décision de Gérard Darmanin d’en finir avec les imams détachés ne résoudra pas le problème que pose l’islam en France. Il réside moins dans qui paye les imams que dans le discours que les imams transmettent. En France les imams, nés en France ou venus d’ailleurs, tiennent le même discours que celui qui est prêché dans les autres pays musulmans. Ils défendent les mêmes valeurs, les mêmes principes et la même vision de la société où les hommes sont supérieurs aux femmes, les musulmans aux non musulmans, où la liberté de conscience n’est pas acceptée et où la charia doit organiser la société. En France, cette vision fondamentaliste, patriarcale et islamiste de l’islam n’est plus importée, mais, pour plusieurs raisons, produite localement.

Certes, certains imams se disent porteurs d’un islam républicain et se distinguent des imams fondamentalistes assumant sans complexe leur conservatisme et leur rejet de valeurs de la République. Cependant, ils ne font en réalité que nier les problèmes que pose l’islam dans nos sociétés actuelles et en France en particulier. Ils ne remettent pas en question l’islam qui leur a été inculqué et qu’ils proposent à leur tour aux musulmans. Quant aux règles qui se heurtent directement aux lois de la République, le discours religieux est de plus en plus séduit par « la jurisprudence (le fiqh) des minorités », ou « la charia des minorités », comme solution. D’autres, c’est le cas de la Grande Mosquée de Paris, ont opté pour « l’adaptation du discours religieux au contexte français », une expression plus élégante qui désigne en réalité la même chose.

« La jurisprudence des minorités » sous-entend que l’islam ne pose aucun problème. Cependant, les musulmans d’Occident qui sont en situation de minorité ont parfois besoin de quelques ajustements dans la manière de le pratiquer. C’est le cas des filles voilées à qui, sans remettre en question l’obligation de porter le voile, on a permis d’enlever leur foulard devant la porte de l’établissement. « La jurisprudence des minorités », comme son nom l’indique, est une solution provisoire qui n’est valable que si les musulmans sont en situation de minorité. Elle ne règle pas les problèmes que pose l’islam. En revanche, elle risque d’exacerber les tensions chez certains musulmans qui ne se sentent plus en situation de minorité dans leurs quartiers. Elle présente l’Occident comme responsable des problèmes qui se posent et non l’islam, ce qui ne pousse pas les musulmans à porter un regard critique sur leur religion ni à ressentir le besoin de la changer. En revanche, ils voient la France comme celle qui ne leur permet pas de pratiquer convenablement leur religion et d’être de bons musulmans. Beaucoup veulent que ce soit la France qui fasse des ajustements dans ses lois et non les musulmans.

Toute lutte contre l’islamisme et le fondamentalisme islamique ne sera que du bricolage s’il n’y a pas un changement réel et véritable dans le discours religieux et cela quel que soit l’organisme qui rémunère les imams. Un changement qui sera le fruit d’une réforme de l’islam pour le débarrasser de tout ce qui est archaïque et incompatible avec les valeurs de liberté et d’égalité. Cependant, réformer l’islam exige la reconnaissance des problèmes qu’il pose dans nos sociétés actuelles. Or, justement, c’est ce que les imams en France, y compris les plus ouverts, ne veulent pas encore admettre.

QOSHE - La suppression des imams détachés, un bricolage qui ne résoudra pas le problème - Razika Adnani
menu_open
Columnists Actual . Favourites . Archive
We use cookies to provide some features and experiences in QOSHE

More information  .  Close
Aa Aa Aa
- A +

La suppression des imams détachés, un bricolage qui ne résoudra pas le problème

7 1
12.01.2024

La décision de Gérard Darmanin d’en finir avec les imams détachés ne résoudra pas le problème que pose l’islam en France. Il réside moins dans qui paye les imams que dans le discours que les imams transmettent. En France les imams, nés en France ou venus d’ailleurs, tiennent le même discours que celui qui est prêché dans les autres pays musulmans. Ils défendent les mêmes valeurs, les mêmes principes et la même vision de la société où les hommes sont supérieurs aux femmes, les musulmans aux non musulmans, où la liberté de conscience n’est pas acceptée et où la charia doit organiser la société. En France, cette vision fondamentaliste, patriarcale et islamiste de l’islam n’est plus importée, mais, pour plusieurs raisons, produite localement.

Certes, certains imams se disent porteurs d’un islam républicain et se distinguent des imams........

© atlantico


Get it on Google Play