Atlantico : La Commission européenne vient de publier son dernier rapport sur le vieillissement démographique. Quels sont les trois secteurs qui ont le plus de conséquences sur les dépenses publiques ?

Vincent Touzé : Il y a les retraites, la santé (y compris la prise en charge des soins à long terme) et l’éducation.

Lorsque nous parlons de vieillissement, il s’agit de l’augmentation du poids des générations les plus âgées. Techniquement, pour le financement de la retraite, que le nombre de cotisants par retraité diminue, il y a un effet mécanique qui est que pour financer un niveau constant de pension, il faudra de plus en plus de cotisations. Sinon, il faut raboter les pensions qui sont un moins généreuses. Les réformes globales, y compris ce qui affecte la fonction publique, conduisent au fait qu'il y a une baisse de générosité du système de retraite et au fait d'essayer de contrôler la démographie en reculant l’âge de la retraite. Cela annonce que la population peut passer plus de temps dans la vie active.

Mais le vieillissement de la population est la conjonction de deux choses : l’espérance de vie augmente et il y a de la qualité qui se réduit. La dynamique de croissance des naissances a donc diminué.

Concernant les dépenses pour la santé conduit, le montant moyen a tendance à augmenter. En dehors des progrès médicaux, il ne faut pas oublier que la population fait de plus en plus attention à elle en arrêtant de boire et de fumer par exemple. Il pourrait y avoir des impacts directs sur l'état de santé, sans que ça y représente un coût pour la société. Toujours est-il que pour rester en bonne santé il faut aussi avoir des dépenses de santé qui permettent de prendre soin de soi. Les problèmes de pathologie de longue durée sont des pathologies plus coûteuses avec l'âge.

Toutes les dépenses publiques du vieillissement démographique sont liées à l’éducation. Elles sont en fonction des naissances qui portent des élèves dans le primaire, dans le secondaire, au lycée et dans le supérieur. Si des le taux de fécondité est inférieur à ce qui permet le renouvellement d'une génération, nous aurons une rétractation du poids des jeunes en âge d'étudier dans la population totale. Donc forcément, dans le PIB, si on consacre un montant constant par enfant, nous allons faire moins de dépenses globales.

La France est à 30% du PIB. Cette situation est-elle correcte ? Reste-t-il des efforts à fournir dans certains domaines ?

Vincent Touzé : Nous avons fait des choix de société. Aujourd’hui, les niveaux de dépenses correspondent aux choix de chaque nation qui est guidée par la construction de leur système de protection sociale, et donc du poids de la dépense. Par exemple, des pays où c'est très bas, comme l'Irlande, s'expliquent par le fait qu’ils ont un système de retraite qui doit avoir une rentrée publique très faible.

En France, ce n'est pas dramatique. Il y a même une légère baisse dans le PIB produite par les phénomènes de réforme du système de retraite. Il y a également des effets de compensation du fait qu'il y aura un peu moins de dépenses d'éducation. Là où l'accélération va porter en France, c'est sur les dépenses de pertes d'autonomie. Aujourd'hui, nous sommes dans un contexte où il y a déjà beaucoup de dépenses et qu’il y a un essai de contrôle de ce poids avec les dernières réformes passées.

Le défi aujourd'hui va être de trouver de l'argent pour la santé. Historiquement nous avons beaucoup refinancé la sécurité sociale en prenant des excédents de la famille pour les redonner aux retraités, par exemple. Mais en même temps, si nous avons moins de démographie, dans un contexte où il y a une croissance de la productivité qui est plus faible, il faut peut-être continuer à investir dans l'avenir, c'est-à-dire dans l'éducation, dans la recherche… Le poids de la France a beaucoup augmenté mais cette baisse n'est pas suffisante pour compenser l'insuffisance des recettes. Donc, il y a sûrement des petits efforts à faire sur la retraite.

Quand on compare les deux derniers rapports de la Commission européenne, la France était plus marquée par la baisse des dépenses retraites parce qu'ils étaient plus optimistes sur la productivité. Là, il y a une révision à la baisse. Plus on a de croissance élevée, plus on va avoir une baisse des pensions et moins il y aura de croissance.

Selon les prévisions du rapport de la Commission européennes, ces pourcentages devraient augmenter de 1,2 point de pourcentage d'ici 2070, ce qui revient à atteindre 25,6 % du PIB. Les premières observations de croissance pourront, normalement, se faire vers 2045, avec une augmentation légère mais constante des coûts du vieillissement dans l'UE. Cela vous paraît-il crédible ?

Vincent Touzé : La question qui se pose est par rapport à tous les défis d'une société de prospérité à maintenir dans un contexte où la démographie baisse. Est-ce que nous ne pouvons pas compenser une société plus performante par des enfants pour avoir un capital humain ? Sachant que la dépense éducative, c'est vraiment un investissement dans la société de demain. A quel prix cette dépense éducative permettra de maintenir une certaine croissance de la productivité du travail ?

Le message, c'est qu'en France, sur certains scénarios de croissance de la productivité, il y a une baisse du poids qui est très élevée. Aujourd’hui nous avons du poids. Après, c'est une sorte de stabilité, voire une légère baisse, avec des effets structurels. Ce qui joue également est qu’il y aura un peu plus de retraités à long terme dans le privé que dans le public. Ce qui donne l’idée qu’à long terme ça pèsera moins sur le budget d'État, ce qui est aussi une bonne nouvelle. Je pense qu'il y a des vrais défis de réflexion sur la société aussi par rapport à une croissance sachant qu'on ne peut pas le consommer non plus à l'infini.

Ces nouveaux horizons de dépense peuvent nous amener sur plusieurs débats actuels. Par exemple concernant la santé, est-il possible que certaines nations envisagent la légalisation de l’euthanasie dans un but de faire des économies sur les prises en charge à long terme ?

Claire Fourcade : Le seul pays qui publie des chiffres sur l’économie réalisée par l’euthanasie, est le Canada. En France, c'est une chose qui n'est jamais ni dite ni évaluée.

Cependant, ce qui est sûr, c'est que la dernière année de vie est celle qui coûte le plus cher. Le pronostic vital engagé à moyen terme est d’environ 6 mois ou 1 an. Pour faire des économies ce serait donc la période qui coûte le plus cher qui serait supprimée. Cela pourrait arranger certaines dépenses publiques pour donner plus de fonds à la recherche, par exemple. Mais en réalité l’Etat utiliserait cet argent là où il veut.

Ce qui est sûr, c'est que si on supprime une période de la vie qui génère beaucoup de dépenses, nous aurons des économies pour un système de santé qui est de toute façon en déficit. Je ne pense pas que cet argument puisse être utilisé par le gouvernement pour justifier son projet de loi. C'est peut-être un argument pour des institutions. Les personnes qui militent pour l'euthanasie le font toujours à titre personnel.

QOSHE - Selon de nouvelles données européennes, le coût du vieillissement démographique va drastiquement s’alourdir. Et personne n’y est prêt - Vincent Touzé Et Claire Fourcade
menu_open
Columnists Actual . Favourites . Archive
We use cookies to provide some features and experiences in QOSHE

More information  .  Close
Aa Aa Aa
- A +

Selon de nouvelles données européennes, le coût du vieillissement démographique va drastiquement s’alourdir. Et personne n’y est prêt

31 0
24.04.2024

Atlantico : La Commission européenne vient de publier son dernier rapport sur le vieillissement démographique. Quels sont les trois secteurs qui ont le plus de conséquences sur les dépenses publiques ?

Vincent Touzé : Il y a les retraites, la santé (y compris la prise en charge des soins à long terme) et l’éducation.

Lorsque nous parlons de vieillissement, il s’agit de l’augmentation du poids des générations les plus âgées. Techniquement, pour le financement de la retraite, que le nombre de cotisants par retraité diminue, il y a un effet mécanique qui est que pour financer un niveau constant de pension, il faudra de plus en plus de cotisations. Sinon, il faut raboter les pensions qui sont un moins généreuses. Les réformes globales, y compris ce qui affecte la fonction publique, conduisent au fait qu'il y a une baisse de générosité du système de retraite et au fait d'essayer de contrôler la démographie en reculant l’âge de la retraite. Cela annonce que la population peut passer plus de temps dans la vie active.

Mais le vieillissement de la population est la conjonction de deux choses : l’espérance de vie augmente et il y a de la qualité qui se réduit. La dynamique de croissance des naissances a donc diminué.

Concernant les dépenses pour la santé conduit, le montant moyen a tendance à augmenter. En dehors des progrès médicaux, il ne faut pas oublier que la population fait de plus en plus attention à elle en arrêtant de boire et de fumer par exemple. Il pourrait y avoir des impacts directs sur l'état de santé, sans que ça y représente un coût pour la société. Toujours est-il que pour rester en bonne santé il faut aussi avoir des dépenses de santé qui permettent de prendre soin de soi. Les problèmes de pathologie de longue durée sont des pathologies plus........

© atlantico


Get it on Google Play