Les machettes ont été affûtées et les gourdins cloutés préparés bien avant le 7 avril 1994. Ces instruments qui avaient déjà par le passé massacré des Tutsis ont été brandis par le fanatisme « ethniste » au pouvoir au Rwanda, héritage du colonialisme belge. Il a été défendu par les autorités mitterrandiennes au nom des intérêts françafricains.

Qu’importe le prétexte, trois mois après ce jour fatidique, un million de cadavres gisaient dans des fosses communes, sur le bord des routes, dans les forêts. Trente ans se sont écoulés depuis cette extermination méthodique des Tutsis mais aussi des Hutus qui ont eu le courage de dire non au carnage. Dès 1990, la France savait qu’un bain de sang pouvait se produire à tout moment. Elle n’a soufflé mot ; pire, elle a continué de soutenir le régime rwandais pendant et après l’horreur.

À l’époque, les voix dénonciatrices sont rares. Jean Chatain est l’envoyé spécial de l’Huma­nité et, dans nos colonnes, il livre des récits glaçants des charniers où ont été jetées des centaines de corps. Il raconte ces églises transformées en salles d’exécution de masse. Son écriture est précise, insupportable tant elle décrit une inhumanité savamment orchestrée.

Avril 1994 : Rwanda, voyage au bout de l’horreur

Lors de son voyage au bout de l’enfer, il est le premier journaliste à parler de génocide. Son expertise est irréprochable, au point qu’il est appelé comme témoin, en 2016, pour confondre des génocidaires qui coulaient des jours heureux dans l’Hexagone. Autre largesse – une de plus – consentie par une France bienveillante à l’égard de ces bourreaux.

Le pays des Mille Collines panse les plaies qui l’ont défiguré. Incroyable travail de mémoire qui a vu naître une cohabitation qui force le respect, malgré les reproches que l’on peut formuler à l’égard de l’un de ses principaux artisans, Paul Kagame, l’indétrônable président rwandais.

« La France, qui aurait pu arrêter le génocide avec ses alliés occidentaux et africains, n’en a pas eu la volonté », a déclaré ce jeudi Emmanuel Macron. Il avait déjà tenu des propos similaires en 2021 suite aux conclusions du rapport Duclert, qui avait enfin reconnu les « responsabilités lourdes et accablantes » de Paris. Reste que l’Élysée nie toujours toute complicité avec les génocidaires de Kigali. Au mépris de la vérité.

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QOSHE - Sang complice - Cathy Dos Santos
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Sang complice

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05.04.2024

Les machettes ont été affûtées et les gourdins cloutés préparés bien avant le 7 avril 1994. Ces instruments qui avaient déjà par le passé massacré des Tutsis ont été brandis par le fanatisme « ethniste » au pouvoir au Rwanda, héritage du colonialisme belge. Il a été défendu par les autorités mitterrandiennes au nom des intérêts françafricains.

Qu’importe le prétexte, trois mois après ce jour fatidique, un million de cadavres gisaient dans des fosses communes, sur le bord des routes, dans les forêts. Trente ans se sont écoulés depuis cette extermination méthodique des Tutsis mais aussi des Hutus qui ont eu........

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