Par Francis Wurtz, député honoraire du Parlement européen

« Dans quel monde vivons-nous lorsque les gens ne peuvent pas se procurer de la nourriture et de l’eau ? » s’indignait il y a quelques jours le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à propos de la situation à Gaza, « devenue une zone de mort ». « Dans quel monde vivons-nous, a-t-il poursuivi, lorsque le personnel de santé risque d’être bombardé (…), que les hôpitaux doivent fermer parce qu’il n’y a plus d’électricité ou de médicaments (…) et qu’ils sont la cible des militaires… » Depuis ce cri d’alarme, le seuil des 30 000 victimes, très majoritairement civiles, a été franchi ; une insupportable tragédie s’est ajoutée au bilan effroyable de cette guerre lorsque, durant une distribution d’aide alimentaire, des soldats israéliens ont ouvert le feu car « ils se sentaient menacés » ; et Netanyahou a annoncé le lancement prochain d’une offensive terrestre sur la ville de Rafah, où sont massées 1,5 million de personnes…

Jusqu’à quelle extrémité le pouvoir et l’armée d’Israël devront-ils pousser leurs crimes de guerre pour que cessent à leur égard l’indulgence, la complaisance et la complicité des principaux dirigeants politiques occidentaux ? Que pèsent, en effet, les quelques protestations verbales de la France après le dernier carnage, ou bien la demande, par l’Allemagne, « que l’armée (sic) israélienne mène une enquête complète » à son sujet, ou encore les bons sentiments de la présidente de la Commission européenne, qui se dit « profondément troublée par les images » du désastre, quand l’Union européenne continue de refuser ne serait-ce que la suspension de l’accord d’association très avancé qui lie l’Europe à Israël et que tant Berlin que Paris continuent de livrer des armes à Tel-Aviv ! Le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, s’est même permis de se référer à… la charte des Nations unies pour justifier la vente « d’équipements militaires à Israël afin de lui permettre d’assurer sa défense » (fin janvier 2024, dans une déclaration à Mediapart) ! Et que dire du « chef du monde libre » qui, non content d’avoir, le 20 février dernier, usé, pour la troisième fois, de son veto pour repousser une résolution du Conseil de sécurité appelant à un cessez-le-feu immédiat à Gaza, fournit à son allié inconditionnel tous les armements et les renseignements dont il a besoin pour poursuivre la pire guerre de son règne sanglant ! Rappelons enfin que toutes ces livraisons d’armes contredisent frontalement l’obligation faite à tout État membre de l’ONU – à la suite de l’arrêt de la Cour internationale de justice, le 26 janvier – d’agir pour prévenir le risque qu’un génocide se produise à Gaza.

« Dans quel monde vivons-nous ? » : l’interpellation du directeur général de l’OMS pourrait s’appliquer tout autant à l’abominable guerre russe en Ukraine comme aux menaces nucléaires que vient à nouveau de brandir Poutine. Comme en Palestine, la solidarité envers le peuple agressé s’impose et toute complicité avec l’agresseur est intolérable. Et, pas plus qu’en Palestine, il n’y a à rechercher de solution au conflit dans une « victoire » militaire d’un camp sur l’autre, et encore moins dans une fuite en avant militaire au risque d’un embrasement du continent. Il est consternant que le président de la République – aveuglé par sa soif de « leadership » international ou prêt à instrumentaliser la tragédie ukrainienne à des fins de politique intérieure ? – ait pu déclarer qu’il ne fallait « pas exclure » d’envoyer des troupes combattre les Russes en Ukraine ! Dans quel monde vivons-nous ? Un monde dangereux qui a un besoin vital d’esprit de responsabilité, de vision à long terme et, dans l’immédiat, tant en Palestine qu’en Ukraine, de cessez-le-feu durables !

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« Dans quel monde vivons-nous ?… »

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08.03.2024

Par Francis Wurtz, député honoraire du Parlement européen

« Dans quel monde vivons-nous lorsque les gens ne peuvent pas se procurer de la nourriture et de l’eau ? » s’indignait il y a quelques jours le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à propos de la situation à Gaza, « devenue une zone de mort ». « Dans quel monde vivons-nous, a-t-il poursuivi, lorsque le personnel de santé risque d’être bombardé (…), que les hôpitaux doivent fermer parce qu’il n’y a plus d’électricité ou de médicaments (…) et qu’ils sont la cible des militaires… » Depuis ce cri d’alarme, le seuil des 30 000 victimes, très majoritairement civiles, a été franchi ; une insupportable tragédie s’est ajoutée au bilan effroyable de cette guerre lorsque, durant une distribution d’aide alimentaire, des soldats israéliens ont ouvert le feu car « ils se sentaient menacés » ; et Netanyahou a annoncé le lancement prochain d’une offensive........

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