Par Francis Wurtz, député honoraire au Parlement européen

Dans six mois, les élections européennes, puis, dans les semaines qui suivront, l’élection d’une nouvelle Commission européenne rebattront les cartes du paysage politique européen. Dans quel sens ? Nous supputons certaines tendances, mais nous n’en savons rien. Cependant, une chose, hélas, est sûre : l’Union européenne conservera les caractéristiques qui lui attirent de sévères critiques dans une partie des pays membres, quand elles ne nourrissent pas, dans les classes populaires, un sentiment de rejet de l’Europe. C’est le cas de sa politique d’austérité et de restriction des dépenses publiques ; de sa sacralisation de la concurrence à tout va, ou encore de sa gestion hypercentralisée, échappant au contrôle des citoyens et qui impose un modèle unique à des peuples d’une grande diversité, par leur histoire, leurs spécificités culturelles ou leurs choix politiques. On l’a vu en 2005 : les Français avaient voté pour « l’Europe sociale » et on leur a imposé « l’Europe libérale »1.

Cette pratique est un poison pour l’Europe, car elle nourrit la colère, la désillusion et, partant, des tendances au repli « souverainiste ». Or, le « souverainisme » est une impasse à l’heure des interdépendances, face à des défis que nul pays ne peut espérer relever sans un réseau dense de coopérations. De la protection du climat à la maîtrise de la révolution numérique ; du développement durable sur toute la planète à l’accueil digne des personnes migrantes ; des sécurités humaines à la prévention des conflits : tout appelle la promotion des coopérations équitables entre les nations, au niveau de chaque région comme à l’échelle du monde. On ne peut espérer gagner les Européens à s’engager massivement dans une telle construction collective qu’en agissant pour de sérieuses transformations de l’Union européenne. Lesquelles ?

L’unanimité entre les Européens n’existant pas, ne faut-il pas aller vers une Europe « à géométrie choisie » ? Le seul impératif auquel tous les États membres devraient se plier devrait être le respect de quelques principes, essentiels pour une « communauté de valeurs », tels que le droit international et les droits humains, l’inclusion, l’altérité, la solidarité, etc. Tout contrevenant à ces principes devrait quitter l’Union. Les politiques courantes (particulièrement économiques et sociales), en revanche, ne seraient plus imposées à tous les États, mais respecteraient les choix démocratiquement exprimés par les citoyens de chaque nation. À l’instar de ce qui, de fait, se pratique d’ores et déjà avec l’euro, l’espace Schengen ou la défense européenne, les pays membres continueraient à coopérer à 27 (ou 30 demain) dans tous les domaines d’intérêt commun, par exemple le climat, mais, sur des politiques où existent, dans certains pays, des désaccords rédhibitoires avec les traités – par exemple les politiques d’austérité –, ces pays pourraient conclure entre eux un partenariat pour s’en exempter, le tout en bonne intelligence.

Nous irions ainsi à la construction d’une « Union de nations et de peuples souverains et associés » 2. Une « Union », car il ne serait pas question de sortir de l’UE. « Des nations », car les caractères propres de chacune d’elles seraient pris en considération. De « Peuples », car les citoyens de chaque pays membre seraient les décideurs en dernier ressort. « Souverains », car chaque pays déciderait de la façon dont il entend « s’associer » aux autres membres de l’Union. Difficile à réaliser ? Oui, mais de plus en plus inévitable.

QOSHE - Quel type d’Europe voulons-nous contribuer à construire ? - Francis Wurtz
menu_open
Columnists Actual . Favourites . Archive
We use cookies to provide some features and experiences in QOSHE

More information  .  Close
Aa Aa Aa
- A +

Quel type d’Europe voulons-nous contribuer à construire ?

8 1
13.01.2024

Par Francis Wurtz, député honoraire au Parlement européen

Dans six mois, les élections européennes, puis, dans les semaines qui suivront, l’élection d’une nouvelle Commission européenne rebattront les cartes du paysage politique européen. Dans quel sens ? Nous supputons certaines tendances, mais nous n’en savons rien. Cependant, une chose, hélas, est sûre : l’Union européenne conservera les caractéristiques qui lui attirent de sévères critiques dans une partie des pays membres, quand elles ne nourrissent pas, dans les classes populaires, un sentiment de rejet de l’Europe. C’est le cas de sa politique d’austérité et de restriction des dépenses publiques ; de sa sacralisation de la concurrence à tout va, ou encore de sa gestion hypercentralisée, échappant au contrôle des citoyens et qui impose un modèle unique à des peuples d’une grande diversité, par leur histoire, leurs spécificités........

© L'Humanité


Get it on Google Play