Face au « trop-plein tribunicien » entretenu par l’extrême droite ou au « consensus mou » de beaucoup de projets pas vraiment alternatifs, les syndicats ont la responsabilité de contribuer à forger une remobilisation sociale.

Le tableau général est sombre. C’est celui d’une société fonctionnant sur la base de l’exclusion massive, notamment sur les clivages intergénérationnels. Pour les travailleurs, la revendication n’est pas d’abord protestataire. Elle s’appuie sur des aspirations, des besoins de liberté et des projets. La confrontation sociale sur les règles n’est pas nouvelle. Elle prend cependant une tout autre dimension qu’hier du fait qu’elle doit intégrer la part de choix personnel. Les revendications ne renvoient pas forcément globalement à une logique d’accumulation des acquis, caricaturée sous le label du « toujours plus ». Elle porte un désir d’autonomie, de personnalisation dans un cadre collectif. Les exigences en matière de conditions de travail, d’accès à la formation vont dans le même sens.

Mais l’impact de telles exigences n’aurait pas cette force, si elles n’entraient pas en résonance avec des attentes plus larges de la société.

Cette réalité souligne le besoin de définition d’un nouveau contrat de travail et de nouvelles protections pour le salarié que l’on peut désigner sous le terme de « sécurité sociale professionnelle ». Une société fondée sur une dégradation sélective de la situation du salariat et sur l’amputation des atouts collectifs, n’est pas viable à long terme. Définir les conditions d’une égalité des chances ne suffit pas à « faire société ». Pas plus que d’affirmer l’objectif bien vague d’un « plein -emploi » qui risque de laisser sur le bord du chemin des millions d’exclus

La division du salariat, l’exclusion, le morcellement du marché du travail, les cloisonnements entretenus par les conceptions patronales de l’organisation de l’entreprise, la coupure des grandes firmes d’avec les territoires, l’isolement des services publics les uns par rapport aux autres deviennent des tares rédhibitoires.

Alors que la dominante est l’écrasement des garanties sociales traditionnelles et la flexibilité, des acquis ont pu être préservés par l’action. Quelques débats ont pu être ouverts à la suite de réactions vigoureuses des secteurs concernés. C’est le cas dans la recherche, le médicament, l’industrie, et la transition énergétique. . Face à la stratégie de privatisation l’objectif de « réappropriation publique » qui fait tranquillement son chemin donne un nouveau sens à la notion de propriété publique. L’idée de « pôles publics » dans différents secteurs : la banque et la finance, la défense, l’énergie… permet de concevoir un élargissement de l’influence publique sur les logiques de gestion de secteurs économiques stratégiques, sans escamoter les questions des pouvoirs et de la démocratie.

Il est clair en troisième lieu que l’unité affichée des organisations syndicales lève la principale hypothèque qui pèse sur le développement du mouvement social. Le choix du « syndicalisme rassemblé » est le bon. La confiance dans les syndicats n’a pas connu de décrue en proportion de celle enregistrée par les partis politiques, alors que leur assise pour le mieux stagnait. Il existe bien un potentiel de mobilisation qui peut s’appuyer sur cette confiance.

Ces trois leviers permettraient de faire de la dynamique revendicative une force qui relie à nouveau les citoyens et redonne sens à l’idée de Nation et de République

QOSHE - Syndicats, leur responsabilité - Jean-Christophe Le Duigou
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Syndicats, leur responsabilité

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19.12.2023

Face au « trop-plein tribunicien » entretenu par l’extrême droite ou au « consensus mou » de beaucoup de projets pas vraiment alternatifs, les syndicats ont la responsabilité de contribuer à forger une remobilisation sociale.

Le tableau général est sombre. C’est celui d’une société fonctionnant sur la base de l’exclusion massive, notamment sur les clivages intergénérationnels. Pour les travailleurs, la revendication n’est pas d’abord protestataire. Elle s’appuie sur des aspirations, des besoins de liberté et des projets. La confrontation sociale sur les règles n’est pas nouvelle. Elle prend cependant une tout autre dimension qu’hier du fait qu’elle doit intégrer la part de choix personnel. Les revendications ne renvoient pas forcément globalement à une logique d’accumulation des acquis, caricaturée sous le label du « toujours plus ». Elle porte un désir d’autonomie,........

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