Ainsi donc, année après année, « réforme » après « réforme », la grande aspiration à l’école républicaine et laïque « pour toutes et tous » se trouve rognée au profit de « l’école pour chacun », pour ne pas dire « l’école individualisée ». La décision gouvernementale d’en venir désormais à la mise en place de groupes de niveau en français et en mathématiques pour les 6es et les 5es, dès la rentrée 2024, constitue une sorte de point d’orgue de la visée libérale du couple Macron-Attal, qui assume pleinement cette posture idéologique.

Alors que les équipes pédagogiques des établissements viennent à peine de découvrir avec effroi leurs dotations horaires globales pour l’an prochain, les autoproclamés « chocs des savoirs » et « choc d’attractivité » chers à Gabriel Attal soulèvent, ultra majoritairement, un vent de révolte chez les enseignants et même chez les parents d’élèves. Le « choc des savoirs » est devenu un choc de répulsion. De toute évidence, l’affaire ne passera pas comme une lettre à la poste. Cette lutte des classes ne fait que commencer.

Car les conséquences désastreuses des groupes de niveau ne manquent pas et menacent les équilibres fondamentaux et égalitaires pour lesquels se sont battues nos générations d’aïeux. Utilisons des mots simples mais réels : aggravation de l’apartheid scolaire, sachant que les populations des zones d’éducation prioritaire seront évidemment les plus concernées ; stigmatisation d’élèves par l’institution elle-même ; naufrage des pédagogies coopératives ; suppression d’options ou de dispositifs pour récupérer des moyens ; renoncement au rôle si essentiel de professeur principal ; fin des dynamiques de projets ; cloisonnements disciplinaires ; conditions de travail dégradées ; évaluation problématique ; perte de sens du métier, etc.

En somme, ce serait la légitimation ségrégationniste d’une école à deux vitesses, qui oserait classifier, trier socialement et étiqueter nos enfants – surtout les « sans-espoir » –, tout en privilégiant une pseudo-« élite » de gamins de 12 ou 13 ans… absurde ! Ne laissons pas la République lâcher son fil d’Ariane : la bataille âpre et permanente pour la justice. Accompagnée par cette merveilleuse gestion de l’hétérogénéité au cœur d’un projet collectif, consubstantielle au collège unique depuis sa création.

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QOSHE - Lutte des classes - Jean-Emmanuel Ducoin
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Lutte des classes

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15.02.2024

Ainsi donc, année après année, « réforme » après « réforme », la grande aspiration à l’école républicaine et laïque « pour toutes et tous » se trouve rognée au profit de « l’école pour chacun », pour ne pas dire « l’école individualisée ». La décision gouvernementale d’en venir désormais à la mise en place de groupes de niveau en français et en mathématiques pour les 6es et les 5es, dès la rentrée 2024, constitue une sorte de point d’orgue de la visée libérale du couple Macron-Attal, qui assume pleinement cette posture idéologique.

Alors que les équipes pédagogiques des établissements........

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