Laëtitia Pitz (Cie Roland furieux, sise à Metz) a mis en scène Sauve qui peut (la révolution)1, une série théâtrale et musicale en quatre épisodes qui casse la baraque dramaturgique et tranche, résolument, sur le tout-venant de la scène française actuelle. C’est, à partir d’un roman de Thierry Froger (Actes Sud 2016), d’une belle intelligence caustique – qui met en jeu la figure de Jean-Luc Godard en 1989, lors du bicentenaire de la Révolution française –, une fresque sonore et visuelle à base d’un savant collage d’images filmées, d’inflexions auditives et de textes ô combien parlants. Sur un dispositif scénique quadri-frontal avec, au milieu, deux grandes tables autour desquelles évoluent les interprètes, s’organise d’emblée une fatrasie étourdissante, à des fins littéralement politiques.

La jolie tête de la princesse de Lamballe juchée au bout d’une pique !

Godard serait sollicité par Jack Lang pour la réalisation d’un film célébrant l’acte fondateur. Il propose d’abord l’épisode de la jolie tête de la princesse de Lamballe juchée au bout d’une pique ! Et il en pince pour la fille, très jeune, d’un ami historien spécialiste de Danton…

Au terme de ses démêlés avec les responsables mémoriels, le film n’aura pas lieu. Le théâtre, en revanche, fait irruption avec un éclat souverain, grâce à des effets de montage cut dignes de l’auteur de Pierrot le Fou. Ils sont deux, ubiquistes, à se démener avec feu. Il y a Didier Menin, censément préposé, avec humour, à la raison raisonnante, et Camille Perrin, qui, tout à la fois acteur et compositeur de la musique tout-terrain du spectacle, joue de l’ordinateur en cours de route. On signale volontiers la séquence où, un fichu sur la tête, ce grand gaillard barbu (il a l’air d’un ogre gentil) joue Marguerite Duras en dialogue avec l’autre, qui fait Godard.

La présence agissante de la plasticienne Anaïs Pélaquier, aux très subtils déplacements, pimente d’un mystère léger l’espace scénographique inventif qu’elle a conçu. Il est d’ailleurs clair que tous les artistes-artisans de Sauve qui peut (la révolution) sont unis par ce sens du collectif qui traduit les équipes heureuses, sans quoi la pleine maîtrise se refuse. Le travail vidéo de Morgane Ahrach, comme de Christian Pinaud la création des lumières, dont Florent Fouquet assure la régie, ainsi que le son, qui est à la charge de Michaël Goupilleau, confirme le bien-fondé des actions de la Cie Roland furieux. Cette dernière se réclame du titre de l’œuvre puissamment rythmée de l’Arioste, poète italien du XVIe siècle. Elle mérite d’être amplement connue. Pour ma part, et à ma courte honte, je regrette de ne la découvrir que tardivement, même si, n’est-ce pas, mieux vaut tard que jamais.

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QOSHE - Jean-Luc Godard entre en scène - Jean-Pierre Léonardini
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Jean-Luc Godard entre en scène

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28.01.2024

Laëtitia Pitz (Cie Roland furieux, sise à Metz) a mis en scène Sauve qui peut (la révolution)1, une série théâtrale et musicale en quatre épisodes qui casse la baraque dramaturgique et tranche, résolument, sur le tout-venant de la scène française actuelle. C’est, à partir d’un roman de Thierry Froger (Actes Sud 2016), d’une belle intelligence caustique – qui met en jeu la figure de Jean-Luc Godard en 1989, lors du bicentenaire de la Révolution française –, une fresque sonore et visuelle à base d’un savant collage d’images filmées, d’inflexions auditives et de textes ô combien parlants. Sur un dispositif scénique quadri-frontal avec, au milieu, deux grandes tables autour desquelles........

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