Dirigée depuis 1999 par Bruce Gladwin, la compagnie australienne Back to Back Theatre, venue pour la première fois en France, a présenté à Rennes, du 15 au 18 novembre, un spectacle intitulé The Shadow Whose Prey the Hunter Becomes 1. Sur le plateau nu où est censée se tenir une réunion de citoyens, ils sont trois (Simon Laherty, Sarah Mainwaring, Scott Price), désignés en scène par leur seul prénom.

Certaines irrégularités dans la marche, des difficultés d’élocution, révèlent d’emblée des êtres en situation de handicap. On est aussitôt suspendu à leurs lèvres. Leurs échanges, répercutés par écrit grâce à des surtitres en anglais et en français, relèvent de leurs rapports réciproques et d’appréciations inattendues.

Exemple : « Peut-on écouter la musique de Michael Jackson, quand bien même il était pédophile ? » C’est donc à la fois drôle et grave, d’autant que le fond du débat a justement à voir avec l’IA, l’intelligence artificielle. Conclusion : lorsqu’elle prendra le contrôle général, tous les humains seront atteints de déficience intellectuelle !

L’artiste franco-autrichienne Gisèle Vienne poursuit sa recherche éminemment singulière avec Extra Life 2. Elle en signe la conception, la chorégraphie, la mise en scène, la scénographie. Le démarrage est foudroyant. Dans une voiture, phares allumés dans une obscurité où rampe une brume tenace, un garçon et une fille discutent en écoutant la radio qui parle d’extraterrestres… Plus tard, un autre personnage féminin entrera en scène… Les interprètes sont Adèle Haenel, Theo Livesey et Katia Petrowick, familiers des créations de Gisèle Vienne. Il nous est seulement dit qu’« au bout d’une nuit de fête, une sœur et un frère se retrouvent ; vingt ans auparavant, encore enfants, ils étaient unis par un lien fusionnel qu’un drame a déchiré ».

Gisèle Vienne affirme volontiers que « le texte nous ampute de la lecture du réel ». La mise en pratique de cet axiome s’avère flagrante dans cette pièce tout entière axée sur la perception sensorielle d’affects figurés comme autant d’énigmes, au sein d’un appareil visuel et sonore proprement fascinant, où la danse a finalement force de loi en tant qu’essentiel langage.

La prodigieuse création lumière d’Yves Godin, strictement jumelée à l’invention sonore d’Adrien Michel, appliquée à la musique originale de Caterina Barbieri, suscite un univers scénique littéralement stupéfiant, où l’homme peut serrer contre lui le mannequin de l’enfant mort qu’il n’est plus.

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QOSHE - Récit d’une visite à Rennes d’un jour - Jean-Pierre Léonardini
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Récit d’une visite à Rennes d’un jour

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19.11.2023

Dirigée depuis 1999 par Bruce Gladwin, la compagnie australienne Back to Back Theatre, venue pour la première fois en France, a présenté à Rennes, du 15 au 18 novembre, un spectacle intitulé The Shadow Whose Prey the Hunter Becomes 1. Sur le plateau nu où est censée se tenir une réunion de citoyens, ils sont trois (Simon Laherty, Sarah Mainwaring, Scott Price), désignés en scène par leur seul prénom.

Certaines irrégularités dans la marche, des difficultés d’élocution, révèlent d’emblée des êtres en situation de handicap. On est aussitôt suspendu à leurs lèvres. Leurs échanges, répercutés par écrit grâce à des surtitres en anglais et en........

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