Par Nicolas Offenstadt, historien, maître de conférences à l’université Paris-I, chercheur à l’Institut d’histoire moderne et contemporaine

Angers fut une ville très industrielle, renommée notamment pour la transformation du chanvre, mais les politiques municipales n’ont pas voulu conserver, mettre en mémoire les traces urbaines de ce patrimoine industriel, toutes concentrées sur la valorisation d’un patrimoine plus classique : « Le paysage urbain angevin devient donc amnésique de cette histoire sociale, ouvrière et immobilière », écrivent Mathieu Gigot et Arnaud de Lajarte dans un beau livre récent sur les paysages industriels (1). À Trélazé, juste à côté, entièrement marquée par l’exploitation de l’ardoise, il en est autrement. Outre le musée de l’Ardoise et le Parc des ardoisières créé sur un ancien site d’exploitation et qui en rappelle l’histoire, le paysage de la ville est encore marqué par un ensemble de chevalements, plus ou moins délaissés, plus ou moins « mémorialisés ». On peut se promener aux alentours et certains sont accessibles de près, avec un peu d’habileté. Il y reste même quelques mécanismes et machines qui rappellent l’activité si importante des lieux.

En effet, si l’exploitation du schiste depuis la fin du Moyen Âge se faisait dans des mines à ciel ouvert, à partir du XIXe siècle et grâce au progrès technique, elle se déroule désormais à partir du fond. Les blocs y sont déjà débités avant d’être remontés pour être traités, « fendus » et adaptés aux dimensions utiles. Tout un système de conduit et d’aération assurait la ventilation, on peut encore en voir des reliques dans le parc. C’est l’époque où la main-d’œuvre bretonne afflue. À côté d’Angers, Trélazé la minière faisait figure de « banlieue rouge ».

Mais les traces des mines d’ardoise ne sont pas seulement matérielles. Un récent documentaire diffusé sur France 3 thématise les maladies professionnelles, notamment la schistose/silicose, qui ont abîmé les mineurs, dont certains réclament encore leur dû et témoignent avec beaucoup de force dans le film. Ce « Dernier Combat des gueules bleues » (Nicolas Jallot) est encore disponible quelques mois sur le site de France TV. À voir.

(1) Patrimoines en tension, les paysages de l’industrie, Association pour le patrimoine industriel de Champagne-Ardenne, https://patrimoineindustriel-apic.org/

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En urbex dans le pays de l’ardoise

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30.03.2024

Par Nicolas Offenstadt, historien, maître de conférences à l’université Paris-I, chercheur à l’Institut d’histoire moderne et contemporaine

Angers fut une ville très industrielle, renommée notamment pour la transformation du chanvre, mais les politiques municipales n’ont pas voulu conserver, mettre en mémoire les traces urbaines de ce patrimoine industriel, toutes concentrées sur la valorisation d’un patrimoine plus classique : « Le paysage urbain angevin devient donc amnésique de cette histoire sociale, ouvrière et immobilière », écrivent Mathieu Gigot et Arnaud de Lajarte dans un beau........

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