Depuis l’invasion russe, en février 2022, la guerre fait rage sur l’ensemble du front et les morts se comptent en dizaines de milliers. Les civils, victimes des bombardements, paient un lourd tribut. Aucune des deux parties ne semble prendre le dessus de manière décisive.

Daniel Durand

Président de l’Institut de documentation et de recherches sur la paix

Les perspectives d’un règlement pacifique de la guerre en Ukraine peuvent sembler bien lointaines en ce début 2024. Lors de leurs vœux de nouvel an, les deux dirigeants russe et ukrainien ont redoublé de menaces et de rodomontades. Paradoxalement, le blocage dans cette crise peut provoquer des conditions favorables à des tentatives de résolution du conflit. C’est le cas lorsqu’on arrive à une impasse militaire sur le champ de bataille.

Un autre critère réside dans la dégradation du soutien de l’opinion publique : celle-ci est concentrée sur la situation dramatique de la population de Gaza, sous les attaques insensées d’Israël, tandis que la proximité des élections rend plus incertaine la poursuite du soutien américain au niveau actuel.

Pour qu’un processus de paix démarre en Ukraine, il faut que des intermédiaires soient encouragés. C’est le cas de la Turquie avec la négociation de l’initiative céréalière de la mer Noire, celui des dirigeants africains d’Égypte, d’Afrique du Sud, de Zambie, de la République du Congo et du Sénégal, qui se sont rendus à Kiev en juin, de l’Arabie saoudite qui a réuni une quarantaine de pays à Djeddah en août.

Des négociations peuvent démarrer vite sur des sujets annexes mais, pour qu’elles abordent la question incontournable d’un cessez-le-feu, les soutiens politiques les plus importants de l’Ukraine doivent donner des signaux d’encouragement positifs. La France pourrait jouer un rôle limité mais important, en exprimant clairement son soutien à un cessez-le-feu rapide.

Les sujets de discussion ne manquent pas. Outre la question des céréales et des approvisionnements alimentaires, citons celles de la sécurité des centrales nucléaires, des dégâts environnementaux causés par la guerre, du retour à une vie démocratique et de la libération des prisonniers dans les zones occupées, les problèmes des réparations d’urgence des infrastructures civiles.

Pour aborder des problèmes plus globaux comme la reprise de la mise en œuvre des accords de Minsk, notamment pour la paix dans le Donbass et pour la création d’une Crimée reconnue internationalement, il faudra constituer un ou des groupes de « pays amis », parmi lesquels Turquie et Arabie saoudite peuvent avoir une action importante en essayant de refaire jouer un rôle à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), seul lieu de rencontre encore subsistant entre pays occidentaux et camp russophile.

Mais beaucoup d’experts estiment qu’il sera difficile d’envisager un seul grand processus de paix global, chapeauté par les Nations unies, comme c’était le cas dans le passé, de même que la reprise d’un grand forum sur la sécurité européenne ne pourra survenir sans doute que sur la base de progrès concrets du processus de paix sur le terrain.

À ces conditions, l’année 2024, qui a commencé sous des auspices très sombres pour la paix et les populations civiles, peut ouvrir des perspectives d’avenir pour les peuples russe et ukrainien.

Roland Nivet

Porte-parole national du Mouvement de la paix

Le 4 mars 2022, j’écrivais sur l’Ukraine : « Il est encore temps d’arrêter l’engrenage militaire, à condition que les peuples conscients de leur force s’unissent pour faire prévaloir le respect de la Charte des Nations unies. Nous avons besoin d’une véritable insurrection des consciences et d’une levée en masse les peuples. » Cette conviction est devenue une nécessité, tant pour la Palestine que pour l’Ukraine.

Des centaines d’actions condamnant l’agression de la Russie, appelant à un cessez-le-feu et à une issue diplomatique ont eu lieu, en particulier grâce à l’impulsion donnée par la rencontre internationale pour la paix en Ukraine, qui s’est réunie en juin 2023 à Vienne (Autiche). Ni ces mobilisations ni les résolutions de l’Assemblée générale de l’ONU condamnant cette agression, et soulignant qu’il n’y a pas d’autre voie que celle de la diplomatie, n’ont permis d’obtenir un cessez-le-feu.

L’accentuation de la guerre n’a abouti qu’à des dizaines de milliers de morts, souvent de civils ukrainiens, des destructions, y compris d’hôpitaux, et des crimes de guerre, soulignant qu’il n’y a pas de solution militaire. En Europe les idées nationalistes et d’extrême droite progressent, attisant les peurs et poussant à une croissance des dépenses militaires qui freine la satisfaction des besoins sociaux et le développement de coopérations en faveur de la paix. L’aspiration des peuples européens à vivre en paix est impossible sans une issue diplomatique à la guerre.

Il faut accroître les mobilisations populaires pour empêcher l’extension de la guerre en Europe, voire au monde entier. Il faut exiger que la France agisse pour un cessez-le-feu immédiat et une solution diplomatique, tout en proposant une conférence paneuropéenne (sous l’égide de l’ONU et associant la Russie et l’Ukraine) pour mettre en place les éléments d’une sécurité humaine commune, dans une Europe se dégageant de l’emprise de l’Otan (organisation militaire illégale au regard de la Charte des Nations unies) et donnant des garanties de sécurité à la Russie et à l’Ukraine. Il faut aussi remettre sur la table des négociations tous les plans de paix proposés ainsi que les accords de Minsk II, qui avaient eu l’accord de la Russie et de l’Ukraine et sont porteurs de propositions concrètes.

Le Mouvement de la paix fera le maximum, sur le plan local, national et international, pour unir au-delà des différences idéologiques ou des diverses appartenances.

L’enjeu est de contribuer à l’émergence d’une synergie associant mouvements populaires, actions de l’ONU et des États favorables à un cessez-le-feu immédiat. Enfin, la France devrait agir avec détermination pour un cessez-le-feu à Gaza, de nature à apaiser les tensions internationales dans un sens favorable à la résolution diplomatique de tous les conflits. Ces enjeux seront au cœur de mobilisations internationales dès le 22 janvier 2024, pour le 3e anniversaire de l’entrée en vigueur du traité sur l’interdiction des armes nucléaires (Tian), et le 24 février 2024, deux ans après l’entrée des troupes russes en Ukraine.

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QOSHE - Ukraine : comment mettre fin au conflit ? (2/2) - Pierre Chaillan
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Ukraine : comment mettre fin au conflit ? (2/2)

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14.01.2024

Depuis l’invasion russe, en février 2022, la guerre fait rage sur l’ensemble du front et les morts se comptent en dizaines de milliers. Les civils, victimes des bombardements, paient un lourd tribut. Aucune des deux parties ne semble prendre le dessus de manière décisive.

Daniel Durand

Président de l’Institut de documentation et de recherches sur la paix

Les perspectives d’un règlement pacifique de la guerre en Ukraine peuvent sembler bien lointaines en ce début 2024. Lors de leurs vœux de nouvel an, les deux dirigeants russe et ukrainien ont redoublé de menaces et de rodomontades. Paradoxalement, le blocage dans cette crise peut provoquer des conditions favorables à des tentatives de résolution du conflit. C’est le cas lorsqu’on arrive à une impasse militaire sur le champ de bataille.

Un autre critère réside dans la dégradation du soutien de l’opinion publique : celle-ci est concentrée sur la situation dramatique de la population de Gaza, sous les attaques insensées d’Israël, tandis que la proximité des élections rend plus incertaine la poursuite du soutien américain au niveau actuel.

Pour qu’un processus de paix démarre en Ukraine, il faut que des intermédiaires soient encouragés. C’est le cas de la Turquie avec la négociation de l’initiative céréalière de la mer Noire, celui des dirigeants africains d’Égypte, d’Afrique du Sud, de Zambie, de la République du Congo et du Sénégal, qui se sont rendus à Kiev en juin, de l’Arabie saoudite qui a réuni une quarantaine de pays à Djeddah en août.

Des négociations peuvent démarrer vite sur des sujets annexes mais, pour qu’elles abordent la question incontournable d’un........

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