Par Slim Ben Achour, avocat.

Nous le savons, de plus en plus d’employeurs, notamment les plus grandes entreprises, utilisent l’intelligence artificielle (IA) dans les processus d’embauche. On parle de 80 % des employeurs américains et pratiquement toutes les entreprises du classement Fortune 500 (les plus grandes entreprises en termes de chiffre d’affaires aux États-Unis). Nous commençons à savoir également que les outils de l’IA peuvent être élaborés à partir de données reflétant des préjugés. Le 11 avril, un mémoire déposé devant la justice va probablement changer la donne.

En effet, saisie par monsieur Mobley, afro-américain d’une quarantaine d’années, désirant initier une action de groupe devant la justice, la Commission américaine pour l’égalité des chances en matière d’emploi (EEOC) a déposé un amicus curiae devant le tribunal fédéral de San Francisco, Californie. Monsieur Mobley a répondu à une centaine d’offres d’emploi via les réseaux sociaux professionnels en ligne, ceux-ci le dirigeant vers la plate-forme Workday, elle-même hébergée sur le site des employeurs chez qui il candidatait. Workday, société de logiciels de ressources humaines, se chargeait du processus de sélection des candidatures de façon automatisée, à savoir avec des outils algorithmiques de prise de décision.

Bien évidemment, à ce stade de la procédure, susceptible de concerner des milliers de personnes, il serait hasardeux de prédire le sort que les juges accorderont à l’action collective des candidats écartés. Pour autant, deux points semblent particulièrement dignes d’intérêt. Tout d’abord, les atteintes à la dignité et au droit d’être traité conformément au principe d’égalité et de non-discrimination peuvent être massives en raison du recours à une gestion totalement automatisée et à l’intelligence artificielle. Ensuite, outre la responsabilité évidente des employeurs formulant des offres d’emploi, se pose naturellement la question de la responsabilité des sociétés de logiciels de ressources humaines en charge de la réception, de la sélection et de l’information relative à l’acceptation et surtout au rejet des candidatures.

La EEOC considère que les qualifications de société de placement, voire d’agent de l’employeur ou encore tout simplement d’employeur doivent être discutées devant le juge. Dans ces circonstances, nous pouvons espérer que la procédure initiée sur le fondement, notamment, de la discrimination raciale et sur l’âge, va produire des effets vertueux à terme sur la création et l’utilisation des algorithmes. Ce d’autant plus que les stéréotypes et préjugés sont particulièrement convoqués à l’occasion des embauches de salariés.

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L’intelligence artificielle et l’embauche devant la justice

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16.04.2024

Par Slim Ben Achour, avocat.

Nous le savons, de plus en plus d’employeurs, notamment les plus grandes entreprises, utilisent l’intelligence artificielle (IA) dans les processus d’embauche. On parle de 80 % des employeurs américains et pratiquement toutes les entreprises du classement Fortune 500 (les plus grandes entreprises en termes de chiffre d’affaires aux États-Unis). Nous commençons à savoir également que les outils de l’IA peuvent être élaborés à partir de données reflétant des préjugés. Le 11 avril, un mémoire déposé devant la justice va probablement changer la donne.

En effet, saisie par monsieur Mobley, afro-américain d’une quarantaine d’années, désirant initier une action........

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