Faut-il choisir entre atténuer la menace climatique et sauver ce qu’il reste de biodiversité ? Question non rhétorique, démontre une recherche publiée la semaine dernière 1. Limiter nos émissions de gaz à effet de serre exige de recourir à des technologies qui font un usage massif de minéraux, notamment ceux dits « critiques » pour les énergies renouvelables ou les batteries. Donc, à une augmentation considérable des exploitations minières. Parmi les zones ciblées, l’Afrique pointe en numéro 1. Logique, puisqu’elle concentre 30 % de ces ressources minérales, mais représente seulement 5 % du total mondial extrait.

L’ennui, c’est que l’Afrique est l’une des régions les plus riches en biodiversité animale. Elle abrite le quart des espèces de mammifères connus. Et parmi eux, nos plus proches parents, génétiquement parlant, les gorilles, bonobos et autres chimpanzés. Des espèces terriblement menacées dans leur existence même par la disparition de leurs habitats soumis à la pression de populations et d’économies en croissance rapide.

L’étude porte sur le recouvrement entre les zones minières actuelles, en exploitation et en exploration, et les habitats des primates. Elle montre que le risque minier – ajouté à la chasse et à l’expansion des espaces agricoles – est sous-estimé. Notamment en raison d’un manque de suivi des populations de grands singes dans les zones exploitées, les compagnies minières n’ayant aucun intérêt à souligner leur présence.

Or, calculent les scientifiques, les impacts directs et indirects néfastes d’une exploitation sur les grands singes s’étendent jusqu’à 50 km de la mine. Ainsi, au Congo, les zones minières sont pauvres en grands singes, comparées à des zones similaires exemptes de mines.

Pour dix-sept pays d’Afrique, environ 180 000 grands singes, soit le tiers du total continental, sont déjà menacés par l’exploitation de minéraux critiques. L’expansion de cette activité favorable à la transition hors des fossiles va-t-elle sonner le tocsin pour nos cousins ? Pour l’éviter, il faudrait des conditions d’exploitation aménagées pour tenir compte de leur présence, des actions de compensation, une protection plus effective, le tout dans une approche globale tenant compte des autres menaces.

Autrement dit, une action étatique déterminée et efficace, libérée de la pression des compagnies minières comme des conflits armés souvent directement liés aux profits tirés de ces minéraux. Dans les conditions actuelles, difficile d’imaginer y parvenir sans une aide internationale forte.

QOSHE - Gorilles et transition énergétique - Sylvestre Huet
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Gorilles et transition énergétique

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08.04.2024

Faut-il choisir entre atténuer la menace climatique et sauver ce qu’il reste de biodiversité ? Question non rhétorique, démontre une recherche publiée la semaine dernière 1. Limiter nos émissions de gaz à effet de serre exige de recourir à des technologies qui font un usage massif de minéraux, notamment ceux dits « critiques » pour les énergies renouvelables ou les batteries. Donc, à une augmentation considérable des exploitations minières. Parmi les zones ciblées, l’Afrique pointe en numéro 1. Logique, puisqu’elle concentre 30 % de ces ressources minérales, mais représente seulement 5 % du total mondial........

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