Quel rôle jouent les forêts dans le climat actuel et dans son destin marqué par le réchauffement climatique ? Question rude, tant la déforestation tropicale, liée à l’expansion démographique dans ces régions, ne semble pas ralentir. Déjà, les coups portés par les extrêmes climatiques boostés par nos émissions de gaz à effet de serre font craindre que la forêt amazonienne atteigne un « point de bascule ».

Au-delà duquel de vastes espaces s’y transformeraient en savane arborée, bouleversant les écosystèmes régionaux, mais aussi la répartition des pluies sur le continent sud-américain, explique un livre où les « pouvoirs » des forêts n’ont rien de magique mais se dévoilent par l’approche scientifique 1.

Déforester ou reforester peut provoquer des effets déconcertants. Déforester une zone tropicale va directement la réchauffer par la disparition de l’évapotranspiration des arbres, alors que l’absorption locale de l’énergie solaire va pourtant diminuer par l’augmentation de son albédo. Mais déforester une zone boréale, la taïga au Canada ou en Sibérie, aura l’effet inverse. Durant l’hiver, il fera plus froid car l’albédo d’une prairie couverte de neige est plus élevé que celui d’une forêt de conifères.

Le lecteur futé aura déjà deviné que pour les zones tempérées, les deux cas vont se présenter en fonction des caractéristiques du lieu (neige ou pluie, disponibilité ou non de l’eau dans le sol en été, dimension de la forêt, etc.). En Chine, les 1,7 million d’hectares plantés depuis vingt ans montrent une baisse de 1 °C de la température moyenne annuelle (une diminution plus forte le jour et moins la nuit) comparée aux zones de cultures si l’on observe les zones tempérées.

C’est l’inverse à plus haute latitude. Complication supplémentaire : afforester une zone tropicale semi-aride peut la réchauffer, car l’évapotranspiration sera faible, puisque l’eau manque, et ne compensera pas la diminution de l’albédo et donc une absorption plus forte du rayonnement solaire. Il faut donc réfléchir à deux fois avant de décider une telle action.

L’affaire se complique avec le rôle des forêts dans la répartition des pluies. Elles participent au « recyclage » continental – l’eau repart vers l’atmosphère après évapotranspiration – constituant la partie majoritaire des pluies sur de vastes zones : la Chine intérieure, les terres au sud de l’Amazonie, le centre et l’ouest du Sahel. Les ressources en eau de populations nombreuses dépendent ainsi des politiques forestières conduites à des milliers de kilomètres.

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QOSHE - Les forêts et la science - Sylvestre Huet
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Les forêts et la science

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15.04.2024

Quel rôle jouent les forêts dans le climat actuel et dans son destin marqué par le réchauffement climatique ? Question rude, tant la déforestation tropicale, liée à l’expansion démographique dans ces régions, ne semble pas ralentir. Déjà, les coups portés par les extrêmes climatiques boostés par nos émissions de gaz à effet de serre font craindre que la forêt amazonienne atteigne un « point de bascule ».

Au-delà duquel de vastes espaces s’y transformeraient en savane arborée, bouleversant les écosystèmes régionaux, mais aussi la répartition des pluies sur le continent sud-américain, explique un livre où les « pouvoirs » des forêts n’ont rien de magique mais........

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