Le Conseil populaire mondial russe, présidé par le patriarche Cyrille, chef de l’Église orthodoxe russe, a proclamé à Moscou le 27 mars 2024 un « ordre » comprenant plusieurs hérésies, notamment que l’invasion militaire sanglante de l’Ukraine par la Russie est en quelque sorte une « guerre sainte » et que « l’ensemble du territoire de l’Ukraine actuelle doit être inclus dans la zone d’influence exclusive de la Russie ». Cela ne laisse aucune marge de négociation à moins que l’Ukraine n’abdique son droit à exister.

Cet ordre révèle aussi la portée des plans impérialistes de la Russie en affirmant que cette guerre sainte n’est pas seulement dirigée contre Kyiv, mais aussi contre « l’Occident collectif qui le soutient », et que la Russie et son peuple remplissent « la mission du Reteneur [2 Thessaloniciens 2 : 6-7] », qui protège le monde contre « l’assaut du mondialisme et une victoire de l’Occident tombé dans le satanisme ».

De plus, cet ordre déclare que les frontières du Russkiy mir (ou du monde russe) sont plus larges que les frontières étatiques de « la Fédération de Russie actuelle et de la grande Russie historique ».

Cela est particulièrement troublant puisque le Kremlin estime qu’il a à la fois le droit et l’obligation de protéger les Russes et les individus russophones partout dans ce monde russe apparemment sans limites.

Cet ordre illustre clairement la trajectoire géopolitique délirante et destructrice de la Russie, qui a commencé par une attaque militaire brutale contre l’Ukraine et vise bien au-delà des frontières de l’Ukraine.

En fait, le Kremlin envisageait, au début de sa guerre totale contre l’Ukraine en 2022, que l’armée russe, soutenue par le redoutable groupe de mercenaires Wagner, conquerrait Kyiv en trois jours environ, puis, à partir d’une position renforcée, qu’elle serait en mesure de recréer la grande Russie historique.

Sur ce point, le Kremlin a démontré son plein accord avec ce que l’ancien conseiller américain à la sécurité nationale, Zbigniew Brzezinski, a écrit dans son livre Strategic Vision : America and the Crisis of Global Power, à savoir : « On ne saurait trop insister sur le fait que sans l’Ukraine, la Russie cesse d’être un empire, mais avec l’Ukraine subornée puis subordonnée, la Russie devient automatiquement un empire. »

Face à une telle réalité, l’Occident, et en premier lieu le Congrès américain, a deux choix :

(a) rejeter témérairement ces signaux alarmants provenant d’une Russie qui a manifestement perdu son sens moral et son bon sens ; ou

(b) aider efficacement l’Ukraine à mettre fin à la dangereuse croisade impérialiste de la Russie contre l’Ukraine et l’Occident collectif.

Les conséquences de chacun sont sensiblement différentes.

Par exemple, si le Congrès américain choisit d’abandonner le peuple ukrainien, il devra subir le terrible fardeau de l’envoi de troupes américaines sur le sol européen quand la Russie poursuivra sa « guerre sainte » contre un pays membre de l’OTAN.

D’un autre côté, si le Congrès américain choisit de fournir sans plus tarder l’aide promise par le président des États-Unis à l’Ukraine, nous pourrions être témoins de la « victoire de l’Occident » redoutée par la Russie, qui mènera à la paix, à la sécurité et à la stabilité dans le monde.

Les enjeux sont très élevés, mais, heureusement, le bon choix est clair.

QOSHE - La « guerre sainte » de la Russie contre l’Ukraine et l’Occident - Eugène Czolij
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La « guerre sainte » de la Russie contre l’Ukraine et l’Occident

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15.04.2024

Le Conseil populaire mondial russe, présidé par le patriarche Cyrille, chef de l’Église orthodoxe russe, a proclamé à Moscou le 27 mars 2024 un « ordre » comprenant plusieurs hérésies, notamment que l’invasion militaire sanglante de l’Ukraine par la Russie est en quelque sorte une « guerre sainte » et que « l’ensemble du territoire de l’Ukraine actuelle doit être inclus dans la zone d’influence exclusive de la Russie ». Cela ne laisse aucune marge de négociation à moins que l’Ukraine n’abdique son droit à exister.

Cet ordre révèle aussi la portée des plans impérialistes de la Russie en affirmant que cette guerre sainte n’est pas seulement dirigée contre Kyiv, mais aussi contre « l’Occident collectif qui le soutient », et que la Russie et son peuple remplissent « la mission du Reteneur [2 Thessaloniciens 2 : 6-7] », qui protège le monde........

© La Presse


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