La crise du logement est à son paroxysme, entraînant une restriction des politiques migratoires, notamment vis-à-vis des étudiants étrangers et des travailleurs temporaires, ainsi que la proposition de politiques d’habitation inhabituelles afin de s’attaquer au cœur du problème : l’offre.

Effectivement, les annonces prébudgétaires1 du gouvernement fédéral proposent une gamme de solutions, allant du registre des loyers aux prêts pour les entreprises du secteur de la construction, en passant par des subventions pour accroître le parc de logements abordables détenus par les OSBL jusqu’aux subventions aux villes et provinces pour autoriser la construction de quadruplex sur l’ensemble du territoire.

Et c’est cette dernière politique qui fait débat, car le zonage relève des municipalités.

Plus précisément, le gouvernement fédéral propose d’offrir des milliards aux provinces afin qu’elles autorisent la construction de quadruplex sur leur territoire et, si elles refusent, le gouvernement fédéral effectuerait des ententes avec les villes intéressées. Du moins, c’est ce qu’il ferait à l’extérieur du Québec, car depuis 1984, le Québec interdit aux municipalités d’accepter des fonds fédéraux sans son accord2.

Le hic est que la source du problème est justement que ce sont les villes qui gèrent leur zonage. En effet, il y a une riche littérature qui démontre que les villes freinent l’offre de logement, car elles répondent à leurs électeurs et non à ceux qui pourraient y résider si la ville était plus abordable3.

Dit autrement, les villes freinent la construction, ce qui amène une pression à la hausse sur les prix.

Les provinces pourraient régler ce problème, mais seule la Colombie-Britannique l’a fait en dictant la densité autorisée près des stations de transport en commun, contournant les règles de zonage municipal. Il sera dorénavant possible de construire jusqu’à 20 étages à moins de 200 mètres des stations de métro, et ce, sans dérogation. Bye-bye, la bureaucratie.

L’inaction des autres provinces est probablement due à une dynamique politique qui fait qu’elles n’ont pas intérêt à s’y attaquer. D’une part, les citadins souhaitent maintenir une faible densité pour augmenter la valeur de leur propriété3, et d’autre part, les régions n’apprécient pas que les grandes villes accaparent toute l’attention, si ce n’est pas un débat sur l’exode des régions.

Augmenter l’offre est donc crucial, mais ni les villes ni les provinces n’obtiendraient des gains électoraux à résoudre ce problème.

Le gouvernement fédéral propose donc un programme ambitieux visant à résoudre le problème à sa source : le zonage qui limite l’offre de logements. Et ce qui est le plus incroyable, c’est que même les conservateurs proposent la même ingérence.

En effet, alors que les libéraux, menés par Justin Trudeau, proposent des subventions aux villes et aux provinces pour qu’elles densifient leur territoire, les conservateurs, sous la direction de Pierre Poilievre, proposent de couper les vivres aux villes qui ne révisent pas le zonage près des stations de transport en commun4.

La convergence de ces propositions, malgré leurs divergences habituelles, souligne l’urgence et l’importance nationale de la crise du logement. D’ailleurs, si les villes et les provinces avaient été efficaces à promouvoir l’abordabilité, nous ne serions pas dans cette situation.

Cependant, le fait est que la quasi-totalité des villes du Canada sont en crise du logement et c’est cette tension entre ce qui est socialement désirable – davantage de densité – et ce qui est désiré par les résidants locaux – peu de densité –, qui est à la source de cette crise.

La crise du logement au Canada illustre un problème complexe nécessitant une collaboration intergouvernementale sans précédent. Malgré les critiques de certains gouvernements provinciaux, les interventions fédérales visent à aborder directement les contraintes d’offre en promouvant une augmentation de la densité habitable et en facilitant l’accès à des logements abordables.

L’approche ambitieuse du gouvernement fédéral, cohérente tant par les propositions libérales que conservatrices, souligne une volonté politique de transcender les obstacles juridictionnels pour répondre à un urgent besoin national.

Le caractère inédit de ce plan ne diminue en rien sa pertinence. En fait, c’est précisément parce que le gouvernement propose une approche à contresens qu’il a le potentiel de régler le problème.

2. Notons toutefois que le PL31 de Québec facilite la vie des municipalités qui veulent passer outre leur zonage afin de stimuler la construction, mais qui ne peuvent obtenir les millions proposés par Ottawa.

QOSHE - Cet absurde débat sur les champs de compétences fédérales - Hugo Cordeau
menu_open
Columnists Actual . Favourites . Archive
We use cookies to provide some features and experiences in QOSHE

More information  .  Close
Aa Aa Aa
- A +

Cet absurde débat sur les champs de compétences fédérales

19 0
15.04.2024

La crise du logement est à son paroxysme, entraînant une restriction des politiques migratoires, notamment vis-à-vis des étudiants étrangers et des travailleurs temporaires, ainsi que la proposition de politiques d’habitation inhabituelles afin de s’attaquer au cœur du problème : l’offre.

Effectivement, les annonces prébudgétaires1 du gouvernement fédéral proposent une gamme de solutions, allant du registre des loyers aux prêts pour les entreprises du secteur de la construction, en passant par des subventions pour accroître le parc de logements abordables détenus par les OSBL jusqu’aux subventions aux villes et provinces pour autoriser la construction de quadruplex sur l’ensemble du territoire.

Et c’est cette dernière politique qui fait débat, car le zonage relève des municipalités.

Plus précisément, le gouvernement fédéral propose d’offrir des milliards aux provinces afin qu’elles autorisent la construction de quadruplex sur leur territoire et, si elles refusent, le gouvernement fédéral effectuerait des ententes avec les villes intéressées. Du moins, c’est ce qu’il ferait à l’extérieur du Québec, car depuis 1984, le Québec interdit aux municipalités........

© La Presse


Get it on Google Play