Le ministre Dubé a récemment déclaré que 13 000 personnes dites « vulnérables » étaient inscrites sur les listes d’attente du Guichet d’accès à un médecin de famille (GAMF). Alors que des membres du corps médical perçoivent cette déclaration comme une tentative de leur imposer la responsabilité de ce nombre, d’autres remettent carrément en question cette déclaration.

Pourtant, ce nombre ne représente dans les faits qu’une fraction des personnes nécessitant une prise en charge rapide, car il n’inclut pas des milliers de personnes vivant en situation d’itinérance à travers le Québec⁠1.

Les critères d’admissibilité pour le GAMF semblent plus que simples : il s’agit pour l’essentiel d’avoir une carte d’assurance maladie. Toutefois, l’inscription à ces listes d’attente nécessite un élément en apparence anodin, mais qui est loin de l’être : avoir un code postal.

Comme le démontre le plus récent dénombrement des personnes vivant en situation d’itinérance de 2022⁠2, plus de 10 000 personnes sont en situation d’itinérance visible au Québec, une augmentation de 44 % depuis celui effectué en 2018 (un nombre prudent puisqu’il n’inclut pas l’itinérance cachée). Très peu d’entre elles ont un code postal ou résident encore à l’adresse inscrite à leur dossier. Un nombre restreint de ces personnes peuvent être inscrites grâce à des mesures créatives de travailleurs de la santé et des milieux communautaires œuvrant auprès de ces personnes.

Selon mon expérience, toutefois, l’inscription et la priorisation des personnes sans domicile fixe au GAMF restent hautement problématiques entre autres à cause de l’absence de réponse de la Régie de l’assurance maladie (RAMQ) sur ce dossier.

Déjà en 2018, le Protecteur du citoyen révélait les failles du GAMF et recommandait que les dossiers reflètent davantage l’état de santé des personnes inscrites, sans aborder les barrières mêmes à l’inscription⁠3. Partout au Québec, les acteurs du réseau de la santé luttent constamment contre les structures rigides du GAMF pour inscrire ces personnes et faire valoir leur droit d’obtenir des soins dans des délais acceptables.

Au-delà de ce débat comptable et politique se cache une réalité troublante d’amplification de la vulnérabilité et de la marginalisation des citoyens les plus vulnérables de la province. En raison d’un critère administratif contraignant (l’obligation d’avoir un code postal), des milliers de personnes vulnérables n’ont tout simplement pas accès au GAMF.

Si le gouvernement mise sur le GAMF comme point d’accès obligé vers les médecins de famille, il a l’obligation de s’assurer de la cohérence de cet outil pour adéquatement desservir les membres les plus vulnérables de la population.

La RAMQ doit donc s’investir de ce dossier urgent, abolir la nécessité de présenter un code postal et déployer une plateforme qui permet de procéder à l’inscription des personnes vivant en situation d’itinérance selon leur préférence géographique pour recevoir des soins.

D’autre part, les responsables au sein de la RAMQ doivent s’identifier et être en mesure de répondre promptement aux demandes des intervenants pour la gestion des cas exceptionnels. Ce faisant, on pourrait ainsi assurer un accès véritablement équitable aux soins de santé de première ligne par l’entremise du GAMF.

QOSHE - Un obstacle insurmontable pour les citoyens vulnérables - Me Frédérik Barrière
menu_open
Columnists Actual . Favourites . Archive
We use cookies to provide some features and experiences in QOSHE

More information  .  Close
Aa Aa Aa
- A +

Un obstacle insurmontable pour les citoyens vulnérables

12 3
17.04.2024

Le ministre Dubé a récemment déclaré que 13 000 personnes dites « vulnérables » étaient inscrites sur les listes d’attente du Guichet d’accès à un médecin de famille (GAMF). Alors que des membres du corps médical perçoivent cette déclaration comme une tentative de leur imposer la responsabilité de ce nombre, d’autres remettent carrément en question cette déclaration.

Pourtant, ce nombre ne représente dans les faits qu’une fraction des personnes nécessitant une prise en charge rapide, car il n’inclut pas des milliers de personnes vivant en situation d’itinérance à travers le Québec⁠1.

Les critères d’admissibilité pour le GAMF semblent plus que simples : il s’agit pour l’essentiel d’avoir une carte d’assurance maladie. Toutefois, l’inscription à ces listes d’attente nécessite un élément en apparence........

© La Presse


Get it on Google Play