L’impasse persiste dans le conflit entre Israël et le Hamas. La première condition d’une détente durable relève de la naïveté tellement les dynamiques d’autodestruction sont ancrées dans ce conflit caractérisé par la montée des extrêmes. Peut-on encore espérer un cessez-le-feu d’Israël ET la libération de tous les otages par le Hamas ? Peut-on envisager le renversement de la coalition d’extrême droite à la Knesset tout en appelant au démantèlement du Hamas, une organisation terroriste ? Peut-on imaginer que les voix de la modération l’emportent sur les cris rageurs de la destruction ?

À la lumière des récents développements, la solution à deux États au Moyen-Orient prend les allures d’une farce cynique. À la suite de l’attaque terroriste du 7 octobre, un pogrom ayant fait environ 1140 victimes israéliennes, l’État hébreu a multiplié les bombardements au point d’en perdre le sens de la proportionnalité. À ce jour, plus de 26 000 Palestiniens, principalement des femmes et des enfants, sont morts dans le champ de ruines qui sera l’avenir immédiat de Gaza. Cette catastrophe humanitaire, pour une population prise dans l’étau de ce territoire exigu, donnera au Hamas et autres groupuscules qui nient à Israël son droit légitime d’exister de la matière à la propagande et au recrutement pour les décennies à venir.

Environ 85 % de la population de Gaza a été déplacée par les bombardements et les combats. Onze ministres extrémistes, bien installés au sein du gouvernement Nétanyahou, évoquent sans gêne leur expulsion et une nouvelle phase de colonisation de la bande de Gaza. Les accords d’Oslo, morts et enterrés depuis belle lurette, n’ont jamais paru aussi irréels dans leur ambition de paix durable. Ni sécurité, ni territoire. C’est une avenue qui mènera le Moyen-Orient dans l’impasse.

La semaine dernière, la Cour internationale de justice, basée à La Haye, a rendu un jugement pondéré. Elle a ordonné à Israël de se conformer à une série de mesures visant à empêcher tout acte éventuel de génocide et à autoriser l’accès à l’aide humanitaire à Gaza. Même le juge israélien au sein de la Cour internationale, Aharon Barak, a endossé cette demande pour qu’Israël prévienne et punisse l’incitation au génocide dans la bande de Gaza.

Pour le premier ministre Benjamin Nétanyahou, ce jugement est nul et non avenu. Sa publication a coïncidé avec le renvoi de 12 employés de l’Agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), soupçonnés d’avoir été impliqués activement dans l’attaque terroriste du 7 octobre. De nombreux pays, incluant les États-Unis et le Canada, ont suspendu temporairement leur financement à l’agence en guise de protestation. L’UNRWA a beau compter 13 000 employés et assurer un rôle essentiel pour alléger la misère des Palestiniens, elle ne peut minimiser la gravité de la situation. Elle doit faire preuve de célérité et s’assurer qu’il n’y a pas un cancer en progression dans ses rangs.

Pour en revenir à la décision de la Cour internationale, son accueil glacial par Israël est dommage car le jugement revêt les apparences d’un rameau d’olivier. La Cour internationale ne s’est pas prononcée encore sur l’allégation de génocide contre le peuple palestinien formulée par l’Afrique du Sud. Ce débat délicat aura lieu à une date ultérieure. Le Tribunal n’ordonne pas plus un cessez-le-feu, mais il demande la libération de la centaine d’otages détenus dans la bande de Gaza.

Ce jugement jette la lumière sur une victime collatérale du conflit entre Israël et le Hamas, en rappelant que les parties prenantes de ce conflit sont liées par le droit international et des considérations humanitaires. Les populations civiles ne peuvent être écrasées continuellement sous les bombes, au risque d’y perdre notre humanité. Plus le conflit persistera dans son caractère asymétrique, plus il mettra à l’épreuve l’idéal de la démocratie et des institutions internationales basées sur la coopération et le multilatéralisme.

La Cour laisse ainsi une porte entrouverte pour la recherche d’une solution diplomatique à laquelle les alliés d’Israël, les États-Unis en tête, doivent prendre part. Si les bombardements ont prouvé une chose dans leur impitoyable intensité, c’est que l’État d’Israël ne sera pas en mesure d’éradiquer le Hamas dans la bande de Gaza sans infliger aux Palestiniens une meurtrissure de l’âme qui rendra la recherche de paix improbable pour des décennies à venir. Israël aura besoin d’alliés dans les pays arabes — et il s’en trouve — pour contenir la menace du Hamas.

Encore faudrait-il que le premier ministre Nétanyahou envoie des signaux d’apaisement et de reconnaissance de la solution à deux États. Il en est viscéralement incapable, au point où il faudra espérer la déroute de sa coalition d’extrême droite, en même temps que l’isolement du Hamas par les pays arabes, pour espérer une accalmie à défaut de la paix.

Ce texte fait partie de notre section Opinion. Il s’agit d’un éditorial et, à ce titre, il reflète les valeurs et la position du Devoir telles que définies par son directeur en collégialité avec l’équipe éditoriale.

QOSHE - À quand l’accalmie dans la guerre entre Israël et le Hamas? - Brian Myles
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À quand l’accalmie dans la guerre entre Israël et le Hamas?

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29.01.2024

L’impasse persiste dans le conflit entre Israël et le Hamas. La première condition d’une détente durable relève de la naïveté tellement les dynamiques d’autodestruction sont ancrées dans ce conflit caractérisé par la montée des extrêmes. Peut-on encore espérer un cessez-le-feu d’Israël ET la libération de tous les otages par le Hamas ? Peut-on envisager le renversement de la coalition d’extrême droite à la Knesset tout en appelant au démantèlement du Hamas, une organisation terroriste ? Peut-on imaginer que les voix de la modération l’emportent sur les cris rageurs de la destruction ?

À la lumière des récents développements, la solution à deux États au Moyen-Orient prend les allures d’une farce cynique. À la suite de l’attaque terroriste du 7 octobre, un pogrom ayant fait environ 1140 victimes israéliennes, l’État hébreu a multiplié les bombardements au point d’en perdre le sens de la proportionnalité. À ce jour, plus de 26 000 Palestiniens, principalement des femmes et des enfants, sont morts dans le champ de ruines qui sera l’avenir immédiat de Gaza. Cette catastrophe humanitaire, pour une population prise dans l’étau de ce territoire exigu, donnera au Hamas et autres groupuscules qui nient à Israël son droit légitime d’exister de la matière à la propagande et au recrutement........

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