Question brûlante des tout premiers jours de 2024 : la guerre de Gaza va-t-elle s’étendre, d’autres incendies vont-ils s’allumer au Moyen-Orient ? En fait, il y a déjà des braises et des flammes plus ou moins circonscrites en différents endroits. La question est de savoir si elles s’étendront ou si, au contraire, les pare-feu vont continuer de fonctionner.

La tension s’est aggravée après l’assassinat la semaine dernière — de facture typiquement israélienne — de Saleh al-Arouri, haut responsable du Hamas posté au Liban. Mais aussi avec l’intensification des tirs entre Israël et le Hezbollah à la frontière libanaise et l’escalade en mer Rouge, entre Houthis, pro-Iran qui attaquent les navires commerciaux, et destroyers américains qui leur tirent dessus.

Trois mois tout juste se sont écoulés dans un conflit marqué par la mort de plus de 22 000 Palestiniens et de 1300 Israéliens (une « loi du talion » multipliée par 20, proportion sans précédent dans les guerres antérieures de 2006 ou de 2014). Et les titres menaçants sur « la conflagration au Moyen-Orient » reviennent hanter les manchettes médiatiques.

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Aujourd’hui, la crainte se trouve surtout au Liban après l’assassinat, mardi, du numéro deux du Hamas, Saleh al-Arouri, en plein Beyrouth. Une gifle pour le Hezbollah, ami du groupe palestinien… mais pas précisément « allié sur le terrain » — ce qui est une clé de la situation actuelle.

Après quatre jours de relative retenue, le Hezbollah — acteur politico-militaire dominant dans un Liban diminué, dont la milice est plus importante que l’armée officielle du pays — a tiré samedi plus de 60 roquettes contre un poste d’observation militaire israélien à Meron.

Dans ses déclarations, et de façon caractéristique, la milice pro-iranienne dirigée par Hassan Nasrallah a « surjoué » ses exploits. Soulignant qu’il s’agissait bien de « représailles » pour l’assassinat d’al-Arouri, le Hezbollah a parlé de « frappes efficaces », de « dégâts importants et vérifiés » contre l’ennemi… mais sans donner de détails. Et tout en répétant que la guerre de Gaza n’est pas une guerre au Liban.

Le décompte macabre depuis le 7 octobre entre Israël et le Liban (séparé de celui de Gaza) est, là aussi, disproportionné. Selon l’agence espagnole EFE, samedi : 13 morts en Israël (9 militaires et 4 civils) contre 164 au Liban (dont 127 du Hezbollah, un soldat libanais et 20 civils).

Mais ces échanges mortels, réels et tragiques pour les victimes, restent limités. Se réaffirme ainsi la faible prédisposition des parties à glisser vers un conflit militaire généralisé sur le front nord d’Israël.

C’est évident dans les déclarations du Hezbollah. Dans un discours prononcé vendredi, juste avant les frappes de samedi, Nasrallah avait rituellement promis de répondre à « l’agression sioniste »… mais tout en laissant entendre qu’il pourrait être ouvert à des négociations sur la démarcation de la frontière entre le Liban et Israël.

On affirme sa présence sur le terrain, on y va de déclarations belliqueuses et menaçantes (le ministre de la Défense israélien ne donne pas sa place sur ce registre)… mais, concrètement, on évite d’en faire trop.

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Selon le Washington Post d’hier, une évaluation de l’Agence de renseignement de la défense (DIA) révèle qu’il serait difficile pour l’armée israélienne de mener de front deux guerres, à Gaza et au Liban.

C’est un des arguments martelés par le gouvernement Biden à Nétanyahou pour le retenir. En effet, s’il y a un véritable « électron libre » dans toute cette équation, qui pourrait tenter de se délier de la règle de l’autolimitation, c’est bien le premier ministre israélien, d’abord mû par des préoccupations électoralistes.

Le spécialiste militaire Amos Harel, dans sa chronique hebdomadaire de Haaretz, écrivait vendredi que ce petit jeu peut continuer longtemps : « L’échange d’attaques dans le format actuel, d’intensité relative, peut durer des mois […]. L’alternative est une action militaire, surtout si la réaction à la mort d’al-Arouri déclenchait une chaîne d’erreurs de calcul. »

Un jeu qui frôle les « lignes rouges » respectives, toujours à la merci d’erreurs de calcul… mais qui reste pour l’instant autolimité.

François Brousseau est chroniqueur d’affaires internationales à Ici Radio-Canada. francobrousso@hotmail.com.

Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

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Israël-Liban, la guerre?

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08.01.2024

Question brûlante des tout premiers jours de 2024 : la guerre de Gaza va-t-elle s’étendre, d’autres incendies vont-ils s’allumer au Moyen-Orient ? En fait, il y a déjà des braises et des flammes plus ou moins circonscrites en différents endroits. La question est de savoir si elles s’étendront ou si, au contraire, les pare-feu vont continuer de fonctionner.

La tension s’est aggravée après l’assassinat la semaine dernière — de facture typiquement israélienne — de Saleh al-Arouri, haut responsable du Hamas posté au Liban. Mais aussi avec l’intensification des tirs entre Israël et le Hezbollah à la frontière libanaise et l’escalade en mer Rouge, entre Houthis, pro-Iran qui attaquent les navires commerciaux, et destroyers américains qui leur tirent dessus.

Trois mois tout juste se sont écoulés dans un conflit marqué par la mort de plus de 22 000 Palestiniens et de 1300 Israéliens (une « loi du talion » multipliée par 20, proportion sans précédent dans les guerres antérieures de 2006 ou de 2014). Et les titres menaçants sur « la conflagration au Moyen-Orient » reviennent hanter les manchettes médiatiques.

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Aujourd’hui, la crainte se........

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