En février, le Mouvement Desjardins a fait des vagues en annonçant la fin des prêts hypothécaires pour l’achat d’une propriété située dans une zone inondable 0-20 ans. Pour les détenteurs de ces propriétés, l’incidence est sévère : une dévaluation immédiate de leur bien, et des répercussions profondes à terme pour de nombreuses familles.

Mais cette décision était-elle anticipable ? Absolument. Car les signaux d’alerte clignotaient depuis longtemps. Face aux désastres climatiques qui menacent les investissements immobiliers, il était inévitable que les institutions financières adaptent leur politique pour sauvegarder leurs intérêts économiques.

La pression que posent les catastrophes climatiques a le potentiel d’affaiblir les mécanismes de mutualisation des risques, qui nécessitent un rajustement des dispositifs d’assurance et de financement pour mieux gérer les risques associés à la transition et à l’adaptation climatiques. Inévitablement, ce sont les détenteurs des biens immobiliers — les propriétaires de maisons individuelles comme de copropriétés — qui ressentiront le poids financier de ces changements.

Les dangers sont bien documentés : inondations de plus en plus courantes, feux de forêt dévastateurs, glissements de terrain. Il ne faut pas sous-estimer non plus d’autres conséquences menaçantes comme les refoulements d’égout et la multiplication des sécheresses, qui va fatalement compromettre l’accès à l’eau potable. Malgré leur variabilité, ces risques pèsent lourdement sur les épaules des investisseurs immobiliers aux prises avec la réalité d’un environnement en mutation.

Pour Desjardins, les enjeux vont bien au-delà des risques mineurs. En tant que première entreprise d’assurance de dommages au Québec, l’institution sait bien que ces risques auront des effets considérables sur ses prochains bilans annuels. On a pu observer une augmentation importante des primes d’assurance ces dernières années, une tendance qui touche l’ensemble du secteur.

Cette réalité est souvent mise de côté dans les discussions sur les répercussions de la crise climatique. L’objectif de souscrire à une assurance pour ses biens est de se prémunir contre des sinistres susceptibles de les endommager ou de les détruire. Naturellement, le montant de votre prime d’assurance est déterminé par la valeur de l’actif et le degré de risque auquel il est exposé.

Lorsque le risque devient plus fréquent ou se transforme en quasi-certitude, les assureurs adaptent leur offre. Ils peuvent soit augmenter les primes, soit exclure certains risques de leur couverture. Par exemple, si vous habitez dans une zone sujette aux refoulements d’égout, cela peut limiter votre couverture à un plafond précis, voire rendre certaines protections inaccessibles. Conseil pratique en de tels cas : évitez de ranger des biens précieux au sous-sol !

Les désastres tels que feux de forêt, inondations et glissements de terrain illustrent bien pourquoi les assureurs se montrent réticents. Dans les zones à haut risque, ceux-ci préfèrent souvent se retirer. Il échoit alors au gouvernement d’offrir un filet de sécurité, une approche déjà adoptée dans certaines zones critiques au Québec.

La révision des zones inondables pose un défi majeur pour le gouvernement, étant donné ses répercussions considérables sur les ménages, les banques et les assureurs. Les responsables avancent sur la pointe des pieds, et on peut très bien comprendre leur prudence.

Les révisions des plans d’urbanisme et des schémas d’aménagement seront inévitables face à la crise climatique, nourrissant une prudence qui est aussi partagée par les élus locaux. Rappelons-nous toutefois que les autorisations de construction dans ces zones charmantes, mais vulnérables, émanent des villes et des gouvernements. Aujourd’hui, ils portent une lourde responsabilité, car ils sont conscients des défis climatiques à venir.

Dans le contexte actuel, où les entreprises privées peuvent prendre le pas sur les politiques publiques, notamment en matière d’adaptation aux risques climatiques, il est essentiel de rappeler le rôle fondamental du gouvernement et des municipalités en la matière. Contrairement aux entreprises, dont l’objectif premier reste la rentabilité, les institutions publiques ont pour mission la sauvegarde de l’intérêt général et la protection du bien commun. Cette distinction est particulièrement pertinente face à l’urgence climatique et à la nécessité de réviser nos politiques relatives aux zones inondables.

Auparavant, le rythme des changements était plus lent, ce qui permettait une adaptation progressive. Avec l’accentuation de la crise climatique, ce rythme s’est dramatiquement accéléré, plaçant les décideurs devant une complexité accrue. Critiquer ces derniers serait ignorer les défis sans précédent auxquels ils font face dans leurs efforts visant à concilier intérêt public et impératifs environnementaux.

Il est impératif d’accélérer les processus de révision des mesures compensatoires et même de les anticiper pour éviter que d’autres propriétaires ne subissent des revers financiers semblables à ceux provoqués par la récente décision de Desjardins. Cette situation n’est que le prélude à d’autres bouleversements similaires. Quand les réassureurs décideront de se retirer de ce type de couverture, les conséquences pourraient s’avérer catastrophiques.

Dans un contexte où la crise climatique s’intensifie et multiplie les phénomènes météorologiques extrêmes, l’adaptation n’est plus une option, mais une nécessité urgente. Nous devons agir vite pour intégrer ces risques dans nos plans et renforcer la résilience de nos communautés avec des processus plus agiles et réactifs.

Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

QOSHE - Des vagues en zone inondable - François William Croteau
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Des vagues en zone inondable

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03.04.2024

En février, le Mouvement Desjardins a fait des vagues en annonçant la fin des prêts hypothécaires pour l’achat d’une propriété située dans une zone inondable 0-20 ans. Pour les détenteurs de ces propriétés, l’incidence est sévère : une dévaluation immédiate de leur bien, et des répercussions profondes à terme pour de nombreuses familles.

Mais cette décision était-elle anticipable ? Absolument. Car les signaux d’alerte clignotaient depuis longtemps. Face aux désastres climatiques qui menacent les investissements immobiliers, il était inévitable que les institutions financières adaptent leur politique pour sauvegarder leurs intérêts économiques.

La pression que posent les catastrophes climatiques a le potentiel d’affaiblir les mécanismes de mutualisation des risques, qui nécessitent un rajustement des dispositifs d’assurance et de financement pour mieux gérer les risques associés à la transition et à l’adaptation climatiques. Inévitablement, ce sont les détenteurs des biens immobiliers — les propriétaires de maisons individuelles comme de copropriétés — qui ressentiront le poids financier de ces changements.

Les dangers sont bien documentés : inondations de plus en plus courantes, feux de forêt dévastateurs, glissements de terrain. Il ne faut pas sous-estimer non plus d’autres conséquences menaçantes comme les refoulements d’égout et la multiplication des sécheresses, qui va fatalement compromettre l’accès à l’eau potable. Malgré leur........

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