Permettez-moi de commencer cette chronique en vous souhaitant une belle année 2024. Comme l’humoriste Pierre-Yves Roy-Desmarais l’a ironiquement prédit en chanson dans le Bye Bye 2023 en annonçant la fin prochaine de l’humanité, espérons que celle-ci se fera dans une transition juste et équitable vers un monde meilleur pour 2024.

Rappelons-nous qu’aux derniers instants de la COP28 à Dubaï, le terme « transition » résonnait comme un leitmotiv. Comme on s’y attendait, les négociations ont été éprouvantes. Néanmoins, il aura fallu se rendre à l’évidence : de cette grande assemblée, nous ne pouvions espérer qu’un consensus modeste, loin des grandes espérances.

Dans un élan de bienveillance de début d’année, admettons qu’en dépit des déceptions par rapport aux engagements limités en réponse à l’immensité de la crise climatique, tous les acteurs impliqués s’efforcent de trouver un terrain d’entente au milieu d’une multitude d’intérêts divergents. Car choisir implique toujours un renoncement et, dans ce contexte, les enjeux sont colossaux.

Le paysage médiatique actuel foisonne de films et de séries dystopiques. Ces récits de fin du monde, loin d’être de simples divertissements, se font l’écho d’une angoisse latente chez une partie de la population. Cela reflète bien leur idée de l’imminence d’une conclusion tragique pour notre civilisation.

Cette fin du monde prend une forme différente pour chacun de nous. Comme je l’évoquais plus haut, choisir, c’est renoncer. Les phénomènes climatiques extrêmes, de plus en plus fréquents et violents, nous mettent devant la nécessité impérieuse d’adapter nos modes de vie. Poussés par la nécessité, nous apprenons, peu à peu, à faire preuve de résilience face à ces bouleversements.

Cela implique souvent le douloureux deuil d’une pratique, d’un bien précieux ou d’une habitude ancrée. D’où l’inégale difficulté d’abandon d’une personne à l’autre. Imaginez l’enjeu lorsque des vies en dépendent, lorsque d’énormes profits financiers sont en jeu, ou même face à notre attachement viscéral à la voiture. C’est là toute la signification de l’expression « de manière juste, ordonnée et équitable » employée dans le texte final de l’accord de la COP28, en référence à la transition énergétique loin des combustibles fossiles.

Au coeur de notre quête collective d’un avenir viable se trouve la capacité à instaurer des changements cruciaux dans notre mode de vie, une capacité qui s’ancrerait fermement dans notre volonté individuelle de renoncer au monde tel qu’il l’est. Pour paraphraser Michel Rivard, nous aurons chacun notre « toute personnelle fin du monde ».

Prenons, par exemple, ce début d’année, qui était jusqu’à tout récemment presque dépourvu de neige dans plusieurs régions du Québec. C’est à travers cette nouvelle réalité que nous entrevoyons la disparition progressive — mais certaine — de plusieurs de nos précieuses activités hivernales. Bien que cette perspective soit évoquée depuis maintenant des années, se trouver devant cette réalité nous oblige inexorablement à entamer un processus de deuil.

Pour bon nombre d’entre nous, dont moi-même, c’est l’évaporation progressive des patinoires extérieures qui marque une perte significative. Ce changement, bien que paraissant superficiel à certains, n’est en aucun cas anodin. Ces espaces de rassemblement sont de véritables symboles de notre identité culturelle québécoise. Ils s’effacent lentement, mais sûrement, de notre paysage, entraînant inévitablement dans leur sillage débats et interrogations.

Cette réalité s’est déjà imposée dans plusieurs municipalités. De nos jours, la question de maintenir ou non les espaces destinés à notre sport national, le hockey, vient avec une analyse impérative des coûts et des bénéfices. Nous assistons, impuissants, à la fermeture et à la diminution du nombre de patinoires extérieures.

Devrions-nous alors envisager la construction de patinoires réfrigérées dans nos parcs ? Quand on considère les coûts astronomiques de construction, les frais d’entretien, la période d’utilisation limitée et le ratio coûts/utilisateurs, on peut se montrer sceptique sur la pertinence d’une telle démarche. Peut-être devrait-on réfléchir à une répartition plus judicieuse des patinoires dans nos arénas, bien que cela nécessite des compromis délicats avec les clubs sportifs qui les occupent actuellement.

Cet exemple illustre le type de renoncement que les bouleversements climatiques nous forcent à considérer dans ce nouveau monde en pleine transition. Face à ces changements incontournables, il est compréhensible de voir émerger un conservatisme exacerbé. La capacité d’accepter d’abandonner ce que l’on chérit varie considérablement d’une personne à l’autre, rendant le processus complexe et personnel sur le plan émotionnel.

Dans un contexte où le populisme de droite se nourrit de la crainte des renoncements qui s’imposent à nous et défie les faits et la réalité scientifique, nous assistons à la fin d’un monde que ses partisans promeuvent même s’il nous a menés à la crise climatique actuelle.

Pour l’année 2024, je formule le voeu qu’on assiste à la fin de ce monde et qu’on embrasse, individuellement et collectivement, la transition vers un avenir plus juste et plus équitable. Un avenir dans lequel nous serons prêts à accepter les renoncements et les abandons nécessaires au sacrifice de ce qui a jadis façonné et soutenu notre mode de vie.

Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

QOSHE - En 2024, souhaitons-nous la fin d’un monde - François William Croteau
menu_open
Columnists Actual . Favourites . Archive
We use cookies to provide some features and experiences in QOSHE

More information  .  Close
Aa Aa Aa
- A +

En 2024, souhaitons-nous la fin d’un monde

30 0
10.01.2024

Permettez-moi de commencer cette chronique en vous souhaitant une belle année 2024. Comme l’humoriste Pierre-Yves Roy-Desmarais l’a ironiquement prédit en chanson dans le Bye Bye 2023 en annonçant la fin prochaine de l’humanité, espérons que celle-ci se fera dans une transition juste et équitable vers un monde meilleur pour 2024.

Rappelons-nous qu’aux derniers instants de la COP28 à Dubaï, le terme « transition » résonnait comme un leitmotiv. Comme on s’y attendait, les négociations ont été éprouvantes. Néanmoins, il aura fallu se rendre à l’évidence : de cette grande assemblée, nous ne pouvions espérer qu’un consensus modeste, loin des grandes espérances.

Dans un élan de bienveillance de début d’année, admettons qu’en dépit des déceptions par rapport aux engagements limités en réponse à l’immensité de la crise climatique, tous les acteurs impliqués s’efforcent de trouver un terrain d’entente au milieu d’une multitude d’intérêts divergents. Car choisir implique toujours un renoncement et, dans ce contexte, les enjeux sont colossaux.

Le paysage médiatique actuel foisonne de films et de séries dystopiques. Ces récits de fin du monde, loin d’être de simples divertissements, se font l’écho d’une angoisse latente chez une partie de la population. Cela reflète bien leur idée de l’imminence d’une conclusion tragique pour notre civilisation.

Cette fin du monde prend une........

© Le Devoir


Get it on Google Play