Regain d’activités des spéculateurs et des investisseurs et vague de renouvellements hypothécaires sont annonciateurs d’un chaud printemps immobilier. Un retour en plus grand nombre des acheteurs est attendu plus tard dans l’année, mais avec une amélioration de l’abordabilité plutôt timide dans la ligne de mire.

John Fucale, vice-président principal aux relations avec les courtiers chez Multi-Prêts hypothèque, fait le point. On s’attend à un très bon printemps après une année 2023 dominée par un recul de 20 % des transactions sur le marché immobilier résidentiel au Québec, selon les statistiques compilées par le cabinet JLR. « 2024 sera très bonne, surtout durant la deuxième partie, sous l’impulsion du recul des taux d’intérêt. Le bassin d’acheteurs va augmenter », dit-il. D’ici là, on va observer un intérêt accru des spéculateurs et des investisseurs, qui vont vouloir devancer le recul attendu des taux d’intérêt.

Mais les choses ne seront pas nécessairement faciles pour l’acheteur. M. Fucale rappelle qu’il faut qualifier le client pour un taux de deux points de pourcentage supérieur au taux contractuel : on parle présentement d’un taux de 7 à 8 %. « Par rapport au taux affiché, l’écart peut représenter un paiement automobile. C’est important. »

De plus, 2024 sera la première de trois grosses années en matière de renouvellement hypothécaire. Cette année seulement, ces renouvellements peuvent se chiffrer à 250 000 transactions. Mais « on est chanceux au Québec, avec un taux de chômage inférieur à 5 % ». Sans compter que, malgré la hausse des prix, le marché demeure plus abordable ici, affichant une valeur que l’on peut qualifier de réaliste dans un contexte de flambée du coût du loyer, souligne le spécialiste de la firme de courtage hypothécaire.

Cette « option québécoise » pourrait toutefois devenir une arme à double tranchant si elle attise plus qu’il ne le faut l’activité des spéculateurs et des investisseurs, reconnaît le spécialiste en courtage hypothécaire.

Donc, on prévoit tout au plus un léger baume après une année 2023 plutôt ardue sur la scène résidentielle.

Au Canada, le taux d’inoccupation des logements locatifs a atteint un creux record, à 1,5 %, a indiqué la Société canadienne d’hypothèques et de logement dans son rapport du 31 janvier. De plus, le loyer moyen a enregistré une croissance également record, de 8 %, dépassant ainsi l’augmentation des salaires. L’abordabilité des logements a diminué pour les locataires, un problème amplifié par le manque de logements locatifs disponibles, ajoute l’institution.

Dans ses données de décembre, Statistique Canada faisait ressortir que, sur une base annuelle, l’augmentation des coûts d’emprunt a contribué à l’accélération de la croissance moyenne des prix des loyers et du coût de l’intérêt hypothécaire. L’indice du coût de l’intérêt hypothécaire a progressé de 28,5 % en 2023, soit la plus forte hausse jamais enregistrée, les prêts hypothécaires ayant été obtenus ou renouvelés à des taux d’intérêt plus élevés. « Cet indice a été le plus important facteur à l’origine de la hausse de l’indice des prix à la consommation annuel moyen d’ensemble en 2023. De plus, les consommateurs ont payé 6,5 % de plus pour leur loyer en 2023, après avoir connu une augmentation de 4,6 % à ce chapitre en 2022. La croissance de l’immigration et la hausse des taux d’intérêt pourraient avoir stimulé la demande de logements locatifs en faisant augmenter le coût potentiel des propriétés », a ajouté l’agence fédérale.

Pour 2024, la Banque du Canada ne se montre pas très optimiste. Dans son rapport sur la politique monétaire publié le 24 janvier, elle met en exergue la vigueur persistante de la hausse des frais de logement. « L’augmentation du coût de l’intérêt hypothécaire et des frais de logement des locataires s’est nettement accentuée, oscillant autour de 29 et 8 % respectivement. Ce sont maintenant ces composantes qui contribuent le plus à la hausse des prix des services liés au logement. » Et d’ajouter que « la forte augmentation des frais de logement devrait exercer des pressions haussières sur l’inflation pendant un certain temps ».

La banque centrale observe que cette hausse générale des frais de logement a ralenti de façon moins prononcée qu’au cours des autres cycles de resserrement de la politique monétaire. Dans un rapport antérieur, elle avait souligné que, « contrairement à ce qui se passait dans les cycles précédents, la montée du coût de l’intérêt hypothécaire n’est pas fortement contrebalancée par la faiblesse des autres composants du logement ».

Elle retient que le coût de l’intérêt hypothécaire contribue davantage à l’inflation que lors des épisodes de resserrement passés. « Cette situation reflète l’enchaînement d’une période de taux d’intérêt historiquement bas et d’une augmentation très rapide du taux directeur en 2022 et 2023. »

Pour sa part, l’offre de logements est freinée par plusieurs contraintes structurelles de longue date, notamment les restrictions de zonage, les longs processus de délivrance des permis et la pénurie de main-d’oeuvre en construction. L’effet de ces contraintes structurelles sur l’offre est intensifié par l’augmentation du nombre de nouveaux arrivants, plus importante que par le passé. « Ainsi, le taux général d’inoccupation des logements a atteint son niveau le plus bas, ce qui a soutenu le prix des habitations et fait augmenter les loyers. »

Bon nombre des facteurs contribuant à l’augmentation importante des prix des services liés au logement devraient persister, croit-elle. « La progression du coût de l’intérêt hypothécaire restera forte, à mesure que d’autres ménages renouvelleront leurs prêts à un taux plus élevé. » De plus, la persistance des problèmes d’offre structurels et la solide demande sous-jacente provenant de la croissance démographique continueront probablement d’exercer une pression sur les prix des habitations et les loyers. On s’attend à ce que les déséquilibres ne se règlent que graduellement.

En résumé, au cours des prochaines années, la hausse des prix des services liés au logement ne devrait ralentir que modestement et ainsi « opposer une forte résistance au retour de l’inflation à la cible de 2 % ».

Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

QOSHE - Chaud printemps immobilier en vue - Gérard Bérubé
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Chaud printemps immobilier en vue

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09.02.2024

Regain d’activités des spéculateurs et des investisseurs et vague de renouvellements hypothécaires sont annonciateurs d’un chaud printemps immobilier. Un retour en plus grand nombre des acheteurs est attendu plus tard dans l’année, mais avec une amélioration de l’abordabilité plutôt timide dans la ligne de mire.

John Fucale, vice-président principal aux relations avec les courtiers chez Multi-Prêts hypothèque, fait le point. On s’attend à un très bon printemps après une année 2023 dominée par un recul de 20 % des transactions sur le marché immobilier résidentiel au Québec, selon les statistiques compilées par le cabinet JLR. « 2024 sera très bonne, surtout durant la deuxième partie, sous l’impulsion du recul des taux d’intérêt. Le bassin d’acheteurs va augmenter », dit-il. D’ici là, on va observer un intérêt accru des spéculateurs et des investisseurs, qui vont vouloir devancer le recul attendu des taux d’intérêt.

Mais les choses ne seront pas nécessairement faciles pour l’acheteur. M. Fucale rappelle qu’il faut qualifier le client pour un taux de deux points de pourcentage supérieur au taux contractuel : on parle présentement d’un taux de 7 à 8 %. « Par rapport au taux affiché, l’écart peut représenter un paiement automobile. C’est important. »

De plus, 2024 sera la première de trois grosses années en matière de renouvellement hypothécaire. Cette année seulement, ces renouvellements peuvent se chiffrer à 250 000 transactions. Mais « on est chanceux au Québec, avec un taux de chômage inférieur à 5 % ». Sans compter que, malgré la hausse des prix, le marché demeure plus abordable ici, affichant une........

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