Le ministre de l’Éducation Bernard Drainville veut avoir accès à des données probantes pour évaluer les performances scolaires des élèves et comparer les différents milieux scolaires. Le message envoyé ici est que le but premier de l’école est d’apprendre aux enfants à avoir de bonnes notes aux examens du ministère en français et en mathématiques. Certes, développer des habiletés intellectuelles dans ces matières est de toute première importance. Cependant, l’école a bien d’autres missions éducatives comme apprendre aux enfants le savoir-vivre ensemble, la curiosité scientifique et artistique, la joie d’apprendre, le goût de la lecture, l’esprit critique et l’estime de soi, entre autres.

Combien de parents entretiennent obstinément l’espérance utopique de voir leurs enfants un jour devenir des premiers de classe, des athlètes adulés mondialement, des musiciens virtuoses, des sommités scientifiques, des écrivains célèbres, des artistes connus ou des chefs d’État ! Les plus aisés choisissent l’école privée ou les programmes spécialisés. Souvent, ils exigent de leur progéniture des efforts et des performances scolaires irréalistes. On laisse miroiter des récompenses financières et affectives selon la réussite de l’enfant.

Ultimement, le plus souvent, l’enfant trop sollicité échouera à atteindre les plus hauts standards souhaités par ses géniteurs et se sentira coupable de ne pas avoir été à la hauteur des attentes parentales, développera des troubles de comportement et une faible estime de soi ou une dépression.

Les médias sociaux et la recherche de likes accentuent cette constante présence de compétition malsaine avec les pairs. La moindre différence physique, de genre ou psychologique entraîne souvent la risée et l’intimidation. Albert Einstein a été renvoyé de son école à l’âge de quinze ans à cause de ses insuccès en grec et en communication orale.

Récemment, les examens de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec ont manifestement échoué à bien évaluer les compétences acquises par les candidates à la profession et démontré la subjectivité souvent injuste des évaluations et des examens qui demeurent, à mes avis, peu fiables pour prédire le vrai potentiel des étudiants. Chaque année, des étudiants japonais se suicident à la suite de mauvaises notes aux examens d’entrée à l’université.

L’école doit demeurer un milieu de vie agréable, propice au développement des aptitudes, et non une jungle implacable qui élimine les perdants lors des compétitions. On ne peut pas réduire la valeur d’un jeune à sa cote R ou Z et décider de son avenir universitaire sur la base d’évaluations subjectives et imparfaites, tout en imposant un stress cruel et inutile aux étudiants qui accentue le décrochage.

On ne devrait jamais culpabiliser un élève recalé, mais plutôt lui apporter toute l’aide pédagogique et psychologique dont il a besoin et lui permettre de s’améliorer selon ses capacités en toute sérénité, tout en lui redonnant la confiance et le désir d’apprendre. Un élève racisé, d’une famille éclatée, en pleine crise d’adolescence, issu de l’immigration ou qui vit une peine d’amour risque des baisses de performances scolaires temporaires qui ne reflètent en rien son potentiel intellectuel et ses capacités de réussite dans la vraie vie. On n’a pas besoin de mesurer les disparités pour savoir que les orthopédagogues, les psychologues, les orienteurs et les travailleurs sociaux ne sont pas assez nombreux pour venir en aide aux étudiants vulnérables.

Oui, les élèves doivent apprendre à accepter les échecs avec humilité et introspection, mais on doit aussi tout faire pour dédramatiser la situation, ne pas les culpabiliser et leur donner tous les outils nécessaires pour optimiser leur cheminement personnel sans pressions indues ou attentes irréalistes. L’école doit offrir un milieu de vie stimulant mais non stressant ou menaçant.

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QOSHE - On ne peut pas réduire la valeur d’un jeune à sa cote R - Jean Crevier
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On ne peut pas réduire la valeur d’un jeune à sa cote R

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29.03.2024

Le ministre de l’Éducation Bernard Drainville veut avoir accès à des données probantes pour évaluer les performances scolaires des élèves et comparer les différents milieux scolaires. Le message envoyé ici est que le but premier de l’école est d’apprendre aux enfants à avoir de bonnes notes aux examens du ministère en français et en mathématiques. Certes, développer des habiletés intellectuelles dans ces matières est de toute première importance. Cependant, l’école a bien d’autres missions éducatives comme apprendre aux enfants le savoir-vivre ensemble, la curiosité scientifique et artistique, la joie d’apprendre, le goût de la lecture, l’esprit critique et l’estime de soi, entre autres.

Combien de parents entretiennent obstinément l’espérance utopique de voir leurs enfants un jour devenir des premiers de classe, des athlètes adulés mondialement, des musiciens virtuoses, des sommités scientifiques, des écrivains célèbres, des artistes connus ou des chefs d’État ! Les plus aisés choisissent l’école privée ou les programmes spécialisés.........

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