Le tollé provoqué par l’omniprésence de l’anglais au hockey junior a mis en relief encore une fois le règne impérial des médias sociaux et leur effet sur les jeunes. En bref, le français, c’est pas cool.

Voilà qui explique pourquoi de jeunes hockeyeurs comme ceux des Voltigeurs de Drummondville préfèrent des slogans dans la langue de Don Cherry, conformes à ce qu’ils voient partout, plutôt que l’incongruité de formules françaises sans résonance (à leurs yeux).

Nous savons tous que l’univers culturel des millénariaux épouse, depuis l’avènement des médias sociaux, les codes sociaux de la culture anglo-saxonne. Cela inclut la chanson, la télé et pratiquement tous les aspects de leur vie culturelle. Mais un autre aspect de la nouvelle réalité semble avoir été évacué de l’analyse, du moins dans le monde du hockey dont nous parlons ici : la disparition de mentors ou, si vous préférez, de héros francophones.

Commençons par notre légendaire équipe, le Canadien de Montréal (CH), celle dont la naissance il y a 115 ans devait précisément servir d’inspiration aux francophones qu’on appelait alors les « Canadiens ». Allez dire ça à un ado aujourd’hui et il vous jettera probablement un de ces regards dubitatifs qui feraient perdre son flegme même à Gary Bettman.

Parce que, depuis longtemps, le Canadien a cessé de s’intéresser à la Ligue junior majeure du Québec, aujourd’hui rebaptisée Ligue de hockey Maritime Québec (pour être en phase avec un certain colonialisme), où elle repêche de façon très parcimonieuse des joueurs. Et la présence francophone est en conséquence : deux ou trois joueurs francophones dans l’alignement et aucune vedette. Et cela dure depuis plus d’une décennie.

À vrai dire, la dernière véritable vedette francophone de l’équipe s’appelait Patrick Roy et portait l’uniforme du CH il y a 30 ans. La génération Z à laquelle appartiennent les joueurs du Junior aujourd’hui n’était même pas un vague projet quand « Casseau » a été échangé au Colorado…

Si le CH n’offre guère de source d’inspiration dans la langue de Michel Tremblay, cette tendance se vérifie à l’échelle de toute la LNH. Le repêchage de Québécois n’ayant guère été enthousiaste dans les dernières années, ni chez le CH ni parmi ses concurrents de la LNH, les choses ne risquent pas de s’améliorer à court terme.

On peut même se risquer à prédire que l’excellente nouvelle du retour des joueurs de la LNH aux Olympiques dans deux ans n’en sera pas une pour le hockey francophone. Car il y a fort à parier que l’équipe canadienne ne comptera aucun joueur parlant français dans ses rangs. Et si par miracle il devait s’en trouver un ou deux, ils ne seraient certainement pas les piliers du club, tant s’en faut.

Pas de quoi exciter la fierté d’un ado en manque de héros. La génération Z et les suivantes continueront à jeter leur dévolu sur les joueurs canadiens, américains ou européens et à penser que la diversité dans le sport professionnel ne concerne que l’orientation sexuelle ou la couleur, pas la langue.

Cette nouvelle réalité du hockey nous force à nous interroger non seulement sur le rôle délétère des médias sociaux pour la culture québécoise, mais sur la fameuse diversité à sens unique (anglo-saxonne) dans différents milieux, dont le sport.

Si le sport, en particulier le hockey, que nous appelons encore « notre sport national », ne fait aucune place au français, peut-être faudrait-il en revoir certains fondements. Exiger que des clubs juniors comme les Voltigeurs lui fassent une meilleure place serait sans doute une première étape. Mais il faut faire davantage.

Ne serait-il pas temps, par exemple, de concrétiser cette vieille idée d’une présence québécoise aux Jeux olympiques ? Les Écossais, toujours membres du Royaume-Uni, en ont une au soccer. Pourquoi pas nous ? Il me semble qu’une équipe nationale québécoise donnerait mille fois plus de visibilité à la langue de Tremblay que n’importe quel règlement imposé par des politiciens, qui ne servirait, de toute façon, qu’à maquiller la réalité.

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QOSHE - Il nous manque une équipe nationale québécoise de hockey - Marc Tremblay
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Il nous manque une équipe nationale québécoise de hockey

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05.04.2024

Le tollé provoqué par l’omniprésence de l’anglais au hockey junior a mis en relief encore une fois le règne impérial des médias sociaux et leur effet sur les jeunes. En bref, le français, c’est pas cool.

Voilà qui explique pourquoi de jeunes hockeyeurs comme ceux des Voltigeurs de Drummondville préfèrent des slogans dans la langue de Don Cherry, conformes à ce qu’ils voient partout, plutôt que l’incongruité de formules françaises sans résonance (à leurs yeux).

Nous savons tous que l’univers culturel des millénariaux épouse, depuis l’avènement des médias sociaux, les codes sociaux de la culture anglo-saxonne. Cela inclut la chanson, la télé et pratiquement tous les aspects de leur vie culturelle. Mais un autre aspect de la nouvelle réalité semble avoir été évacué de l’analyse, du moins dans le monde du hockey dont nous parlons ici : la disparition de mentors ou, si vous préférez, de héros francophones.

Commençons par notre légendaire équipe, le Canadien de Montréal (CH), celle dont la naissance il y a 115 ans devait précisément servir d’inspiration aux francophones qu’on appelait........

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