Il y a un an, les parlementaires québécois se ralliaient et adoptaient à l’unanimité une motion pour que soit conservé le mot « femme » dans toutes les lois du Québec. Cette initiative visait à les contraindre à se positionner sur le sujet, attendu que certains d’entre eux avaient précédemment demandé que soit éliminé le mot « femme » de l’expression « femme ou personne porteuse » du projet de loi 2 sur la réforme du droit de la famille.

Or, il est passablement troublant de constater que le mot « femme » est néanmoins absent de la plupart des plans stratégiques 2023-2027 des ministères québécois.

On lui substitue plutôt les termes génériques « individus », « personnes », « victimes », « employés » ou autres. Le Plan stratégique du ministère de la Famille a même invisibilisé les filles et les mères, préférant l’utilisation des mots « enfants » et « parents », jugés plus inclusifs.

La disparition du mot « femme » de ces plans stratégiques s’avère incroyablement préoccupante, car elle permet aux ministères d’ignorer les besoins particuliers des femmes, ce qui freine l’atteinte de l’égalité réelle entre les sexes au Québec. À preuve, aucune des questions liées à l’égalité des femmes, telles que soulevées par le Conseil du statut de la femme ces dernières années, n’a trouvé place dans ces plans. Mais il y a plus encore !

L’invisibilisation des femmes se répercute aussi sur les données statistiques gouvernementales. En effet, il faut savoir que Statistique Canada amalgame les notions de genre et de sexe (soit les personnes dites cisgenres et transgenres) dans l’appellation « femme » ou « homme » de la plupart de ses tableaux statistiques. Cette façon de procéder répond à la directive formulée par le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada en 2018 qui demande que la variable « genre de la personne » soit utilisée par défaut dans la plupart des analyses.

Or, cet amalgame des statistiques liées au genre et au sexe a pour effet de maquiller la réalité économique, sociale et politique des femmes.

Difficile, dans un tel contexte, d’assurer l’égalité entre les deux sexes, pourtant protégée par les chartes canadienne et québécoise des droits et libertés de la personne, comme nos gouvernements se sont engagés à le faire.

Rappelons-le, c’est sur la base du sexe qu’a été reconnu le droit des femmes à l’égalité, ici et dans le monde. En effet, la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 affirme le principe de la non-discrimination, et proclame que tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droit et que chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés qui y sont énoncés, sans distinction aucune, notamment de sexe.

Les femmes ont une réalité biologique qui leur est propre ; elles sont les femelles du genre humain. Cela se reflète par leur capacité d’enfanter, mais aussi par le biais de leur stature, leur force et leur endurance musculaire, de leur cycle hormonal particulier (menstruations, allaitement, ménopause, etc.) et de leur instinct maternel.

Ces particularités biologiques doivent être valorisées, car ce sont elles qui garantissent l’existence même de la race humaine. Elles doivent aussi être prises en compte quand il s’agit d’assurer une égalité réelle entre les femmes et les hommes.

Pour y arriver, il est essentiel de reconnaître les femmes et les hommes comme des catégories distinctes.

Il est donc fondamental de distinguer le sexe du genre et de reconnaître que le premier est une réalité biologique immuable et la base du droit des femmes à l’égalité et que le second (basé sur un ressenti) peut fluctuer dans le temps, selon les circonstances. Pouvoir légalement modifier le sexe constaté et inscrit sur son certificat de naissance, plutôt que simplement permettre l’ajout éventuel d’un genre autre, relève de l’aberration.

Il faut aussi reconnaître que les femmes ont des personnalités diverses, et les réduire à un genre, associé bien souvent à des stéréotypes sexuels, brime leur droit à l’égalité.

La discrimination basée sur l’expression ou l’identité de genre, tout comme sur le sexe est, comme il se doit, interdite. Mais nier la réalité d’un groupe (les femmes, dans ce cas-ci) est rarement un gage de réussite sur le plan de l’inclusion et du respect, bien au contraire.

L’effacement des femmes dans les plans stratégiques des ministères ainsi que la prévalence actuelle de l’identité de genre sur l’identifiant sexe dans les statistiques publiques, lesquels se répercutent de plus en plus dans l’espace privé, ont pour effet d’invisibiliser les femmes et heurte de plein fouet le droit à l’égalité entre les femmes et les hommes, pourtant protégé par les chartes québécoise et canadienne.

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QOSHE - L’invisibilisation des femmes dans les plans stratégiques des ministères - Marie-Claude Girard
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L’invisibilisation des femmes dans les plans stratégiques des ministères

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25.04.2024

Il y a un an, les parlementaires québécois se ralliaient et adoptaient à l’unanimité une motion pour que soit conservé le mot « femme » dans toutes les lois du Québec. Cette initiative visait à les contraindre à se positionner sur le sujet, attendu que certains d’entre eux avaient précédemment demandé que soit éliminé le mot « femme » de l’expression « femme ou personne porteuse » du projet de loi 2 sur la réforme du droit de la famille.

Or, il est passablement troublant de constater que le mot « femme » est néanmoins absent de la plupart des plans stratégiques 2023-2027 des ministères québécois.

On lui substitue plutôt les termes génériques « individus », « personnes », « victimes », « employés » ou autres. Le Plan stratégique du ministère de la Famille a même invisibilisé les filles et les mères, préférant l’utilisation des mots « enfants » et « parents », jugés plus inclusifs.

La disparition du mot « femme » de ces plans stratégiques s’avère incroyablement préoccupante, car elle permet aux ministères d’ignorer les besoins particuliers des femmes, ce qui freine l’atteinte de l’égalité réelle entre les sexes au Québec. À preuve, aucune des questions liées à l’égalité des femmes, telles que soulevées par le Conseil du statut de la femme ces........

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