Le Conseil de la magistrature du Québec a comparu, cette semaine, devant la Cour supérieure du Québec pour contester la demande de Droits collectifs Québec (DCQ) et du Mouvement laïque québécois (MLQ) qui l’intime d’établir des règles traduisant les exigences de la Loi sur la laïcité de l’État (loi 21).

En effet, selon la loi 21 (article 5), « [i]l appartient au Conseil de la magistrature, à l’égard des juges de la Cour du Québec, du Tribunal des droits de la personne, du Tribunal des professions et des cours municipales ainsi qu’à l’égard des juges de paix magistrats, d’établir des règles traduisant les exigences de la laïcité de l’État et d’assurer leur mise en oeuvre ».

Le Conseil n’a pas donné suite à ces nouvelles exigences, car pour lui, « les normes déontologiques actuelles encadrent de façon suffisante la conduite attendue des juges, y compris au regard des exigences relatives à la laïcité ».

C’est cette décision que contestent DCQ et le MLQ, faisant entre autres valoir qu’en 2021, le Conseil de la magistrature canadien a, quant à lui, jugé pertinent d’ajouter un principe déontologique par lequel il est demandé aux juges d’éviter de porter des insignes visibles exprimant leur appui à certaines causes. Voilà un exemple d’action que pourrait prendre le Conseil de la magistrature du Québec.

Avant que la Cour supérieure puisse évaluer le bien-fondé de la requête de DCQ et du MLQ, le Conseil de la magistrature du Québec a décidé de contester la procédure juridique utilisée par les demandeurs, leur légitimité pour agir dans ce dossier ainsi que le délai d’intervention. Selon lui, cette procédure mettrait en cause leur indépendance judiciaire et les associations impliquées n’auraient pas la qualité pour agir dans l’intérêt public sur cette question. Étonnant quand on sait que le MLQ est une des parties reconnues qui ont défendu la légitimité de la loi 21 à la Cour supérieure et maintenant à la Cour d’appel.

Enfin, pour ce qui est du délai, le Conseil ferme les yeux sur sa propre réticence à informer le public sur ses actions entreprises depuis l’adoption de la loi 21, information obtenue par DCQ et le MLQ en vertu de la loi d’accès à l’information, après de longues et difficiles démarches.

Pourquoi déployer tant d’énergie pour refuser d’entendre l’avis de la Cour à l’égard des exigences de la loi 21 ?

En plus d’être une question de respect de la laïcité de l’État, maintenant enchâssée dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, cette cause est importante, car elle permettrait de connaître la marge de manoeuvre réelle du Conseil de la magistrature du Québec à l’égard d’une requête formelle du législateur pour l’établissement de règles explicites.

Soulignons que la décision du Conseil de ne pas établir de règles précises, à la suite de l’adoption de la loi 21, ne semble appuyée par aucun avis juridique formel. Pour le moment, l’impression que cela donne est que le Conseil refuse d’exercer la fonction que l’article 5 de la loi 21 lui impose.

Il est important de rappeler que le Conseil de la magistrature du Québec est un organisme public qui émane de l’autorité législative de l’Assemblée nationale du Québec. C’est par respect pour l’indépendance de la magistrature que la loi 21 n’a pas directement interdit aux juges de porter des signes religieux dans le cadre de leurs fonctions. Cependant, le message du législateur est clair : il « appartient » au Conseil de la magistrature d’agir en la matière.

Contester la procédure, la légitimité des requérants ainsi que les délais d’intervention soulèvent des questions d’ouverture et de transparence de la part du Conseil de la magistrature. Le questionnement de ces deux organisations québécoises reconnues est justifié et mérite des réponses.

Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées en accueillant autant les analyses et commentaires de ses lecteurs que ceux de penseurs et experts d’ici et d’ailleurs. Envie d’y prendre part? Soumettez votre texte à l’adresse opinion@ledevoir.com. Juste envie d’en lire plus? Abonnez-vous à notre Courrier des idées.

QOSHE - Qu’est-ce qui motive le Conseil de la magistrature du Québec? - Marie-Claude Girard
menu_open
Columnists Actual . Favourites . Archive
We use cookies to provide some features and experiences in QOSHE

More information  .  Close
Aa Aa Aa
- A +

Qu’est-ce qui motive le Conseil de la magistrature du Québec?

8 0
16.02.2024

Le Conseil de la magistrature du Québec a comparu, cette semaine, devant la Cour supérieure du Québec pour contester la demande de Droits collectifs Québec (DCQ) et du Mouvement laïque québécois (MLQ) qui l’intime d’établir des règles traduisant les exigences de la Loi sur la laïcité de l’État (loi 21).

En effet, selon la loi 21 (article 5), « [i]l appartient au Conseil de la magistrature, à l’égard des juges de la Cour du Québec, du Tribunal des droits de la personne, du Tribunal des professions et des cours municipales ainsi qu’à l’égard des juges de paix magistrats, d’établir des règles traduisant les exigences de la laïcité de l’État et d’assurer leur mise en oeuvre ».

Le Conseil n’a pas donné suite à ces nouvelles exigences, car pour lui, « les normes déontologiques actuelles encadrent de façon suffisante la conduite attendue des juges, y compris au regard des exigences relatives à la laïcité ».

C’est cette décision que contestent DCQ et le MLQ, faisant entre autres valoir qu’en 2021, le Conseil de la........

© Le Devoir


Get it on Google Play