Les délégués de Québec solidaire se sont réunis à Gatineau, cette fin de semaine, en ne s’étant pas encore tout à fait remis de leur déception électorale de l’an dernier. Leur congrès aura servi à tourner la page et à maintenant jeter les bases de ce qu’ils espèrent être un avenir meilleur. Force est de constater que les solidaires sont cependant pour le moins partagés sur la route à emprunter.

L’élection de leur nouvelle porte-parole féminine n’aurait pu être plus serrée. L’ancienne députée de Rouyn-Noranda–Témiscamingue, Émilise Lessard-Therrien, a remporté le mandat avec à peine 50,3 % des voix au deuxième tour de scrutin préférentiel. Sur une assemblée de 600 personnes, c’est une marge majoritaire de seulement trois votes. L’appui à Gabriel Nadeau-Dubois (GND) — qui, face à une chaise vide, subissait en réalité un vote de confiance — s’est en revanche révélé sans équivoque : 90,1 %. Le co-porte-parole masculin s’inquiétait de subir les contrecoups de la publication récente du livre de son ancienne collègue Catherine Dorion, dans lequel cette dernière l’a vertement critiqué. Visiblement, les reproches de Mme Dorion n’ont pas été partagés par l’assemblée. Ou du moins, la majorité de celle-ci a choisi de les ignorer.

À trois ans des prochaines élections, les solidaires étaient invités à cibler les propositions qu’ils porteront d’ici 2026. Crise du coût de la vie oblige, tout un pan du cahier de résolutions y était consacré. Notamment une proposition pour éliminer la taxe de vente (TVQ) sur les services de réparation de biens, de même que sur tous les produits usagés — y compris les véhicules automobiles. Un amendement, visant à les exclure de cette exemption, a été battu sur le plancher.

Un « geste de pragmatisme », a confirmé en point de presse GND, qui avait passé la campagne électorale de 2022 à se défendre d’imposer des « taxes orange » aux Québécois en souhaitant notamment surtaxer les véhicules énergivores. Au nom de l’urgence économique et des difficultés financières vécues non seulement par les moins nantis mais maintenant aussi par la classe moyenne, même Québec solidaire revoit l’agressivité de sa réplique à l’urgence climatique. À Québec comme à Ottawa, la lutte politique pour sauver l’environnement paie les frais de celle contre l’inflation, chez les partis de gauche.

Ce pragmatisme, salué par le co-porte-parole, a presque aussitôt été occulté par l’idéologie d’une écrasante majorité de solidaires ayant voté pour que la formation ne permette désormais qu’aux femmes et aux personnes non binaires de briguer toute investiture en vue d’une élection partielle. La mesure se veut temporaire, en attendant la révision des statuts du parti l’an prochain. Mais la proposition appelle en outre à « la mise en place d’un mécanisme formel et permanent favorisant l’atteinte de la parité au sein du caucus ».

Les solidaires, dont la représentation parlementaire est assurée par huit hommes et quatre femmes, ont bien raison de vouloir que la politique soit plus représentative de notre société. Mais bien qu’ils jugent que les mesures coercitives n’ont rien donné, exclure d’emblée toute candidature masculine est un pas de trop pour tenter d’y arriver. Pourquoi ne pas exiger plutôt, comme le fait le Nouveau Parti démocratique fédéral de Jagmeet Singh, le recrutement dans chaque circonscription de candidatures à l’investiture issues de groupes moins représentés ? Et laisser les membres trancher.

QS s’était pourtant prononcé l’an dernier contre l’exclusion de toute candidature d’homme blanc par une chaire de recherche de l’Université Laval, qui cherchait à combler les quotas de diversité du gouvernement fédéral. « Il y a des manières plus progressives d’atteindre ces cibles », avait déploré Gabriel Nadeau-Dubois. Il ne voit aujourd’hui, dans la résolution fort semblable de son parti, « aucun problème avec ça »…

La fermeté des instances solidaires en la matière est en outre en directe contradiction avec le choix de co-porte-parole extraparlementaire de ses délégués. Il est quasi assuré qu’Émilise Lessard-Therrien sera constamment éclipsée de l’espace public, parlementaire et médiatique par son co-porte-parole, député et chef parlementaire masculin. Une situation dont se sont d’ailleurs souciées les députées Ruba Ghazal et Christine Labrie, arrivées deuxième et troisième à l’issue de la course.

S’il souhaite cesser de languir, à faire du surplace dans les sondages, Québec solidaire doit trouver le moyen de briser ce plafond d’intentions de vote auquel il semble confronté. Mais le souhait de pragmatisme de plusieurs se bute à l’idéalisme de certains.

Tiraillés entre les priorités à hiérarchiser (environnement, coût de la vie, souveraineté), entre se présenter comme un parti de gouvernement ou un parti d’opposition vecteur de mouvement social, les solidaires courent le risque de perdre au passage un bassin d’électeurs potentiels qui auraient pu autrement leur donner leur chance.

Ce texte fait partie de notre section Opinion. Il s’agit d’un éditorial et, à ce titre, il reflète les valeurs et la position du Devoir telles que définies par son directeur en collégialité avec l’équipe éditoriale.

QOSHE - À la croisée des contradictions - Marie Vastel
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À la croisée des contradictions

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28.11.2023

Les délégués de Québec solidaire se sont réunis à Gatineau, cette fin de semaine, en ne s’étant pas encore tout à fait remis de leur déception électorale de l’an dernier. Leur congrès aura servi à tourner la page et à maintenant jeter les bases de ce qu’ils espèrent être un avenir meilleur. Force est de constater que les solidaires sont cependant pour le moins partagés sur la route à emprunter.

L’élection de leur nouvelle porte-parole féminine n’aurait pu être plus serrée. L’ancienne députée de Rouyn-Noranda–Témiscamingue, Émilise Lessard-Therrien, a remporté le mandat avec à peine 50,3 % des voix au deuxième tour de scrutin préférentiel. Sur une assemblée de 600 personnes, c’est une marge majoritaire de seulement trois votes. L’appui à Gabriel Nadeau-Dubois (GND) — qui, face à une chaise vide, subissait en réalité un vote de confiance — s’est en revanche révélé sans équivoque : 90,1 %. Le co-porte-parole masculin s’inquiétait de subir les contrecoups de la publication récente du livre de son ancienne collègue Catherine Dorion, dans lequel cette dernière l’a vertement critiqué. Visiblement, les reproches de Mme Dorion n’ont pas été partagés par l’assemblée. Ou du moins, la majorité de celle-ci a choisi de les ignorer.

À trois ans des prochaines élections,........

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