Les débats s’éternisent. Les menaces de marathons de vote se succèdent. Le mois de décembre amène immanquablement son lot d’inepties et de querelles puériles au Parlement, mais le climat politique est particulièrement acrimonieux cette année. La relâche des Fêtes ne fera de tort à personne, surtout pas aux conservateurs de Pierre Poilievre, entêtés à tout paralyser pour s’opposer à la tarification du carbone, quitte à y laisser de leur crédibilité. Pendant que, de son côté, le gouvernement de Justin Trudeau aura passé l’automne à naviguer à travers les crises internationales et à s’obstiner à faire la sourde oreille au Québec, quitte à négliger au passage ses propres dossiers.

Le ton était donné dès le premier jour de la rentrée, le premier ministre accusant le gouvernement indien d’avoir coordonné l’assassinat d’un leader sikh en sol canadien. S’en est suivie, à l’occasion de la visite du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, l’humiliation canadienne de l’invitation d’un ancien combattant nazi par le président des Communes (remplacé depuis par un autre, à son tour dans l’embarras pour écarts de partisanerie). Moins d’un mois plus tard éclatait un nouveau conflit sanglant, à Gaza, après l’attentat terroriste du Hamas en Israël. Pendant des mois, Justin Trudeau s’est empêtré dans des enfilades de condamnations à degrés variables, n’apaisant ni ses députés ni leurs communautés. Rarement un gouvernement aura-t-il passé quatre mois consécutifs à gérer d’abord ses relations géopolitiques et intrapolitiques, aux dépens de ses propres politiques intérieures.

L’enquête sur l’ingérence étrangère a ainsi enfin été lancée, la juge québécoise Marie-Josée Hogue préparant la tenue d’audiences en début d’année. Pour le reste, toutefois, le gouvernement perpétue l’impassibilité, le registre d’agents étrangers se faisant encore et toujours attendre.

La saga de l’échec de la Loi sur les nouvelles en ligne (le C-18) tire tristement à sa fin. De partage des revenus des géants du Web, il n’y aura finalement que bien moins. Le dépôt d’un projet de loi sur la haine en ligne prend lui aussi de plus en plus des airs de mirage.

Le gel de la vente d’armes de poing est enfin enchâssé dans la loi, mais le C-21 n’interdit que les futurs modèles d’armes d’assaut. Le programme de rachat de ces armes a en outre une nouvelle fois été repoussé.

En matière d’environnement, le gouvernement a soufflé le chaud et le froid. Les émissions de GES des industries pétrolière et gazière seront enfin plafonnées, mais seulement en 2030, et la production ne sera pas limitée. Une première brèche à la taxe carbone a été consentie, surtout aux provinces maritimes, qui sont les plus dépendantes du chauffage au mazout, désormais exempté. La cavale des conservateurs contre la hausse du coût de la vie ne pouvait mieux espérer.

La réplique libérale aux sondages dévastateurs s’est adaptée. Le ministre du Logement, Sean Fraser, a eu un automne occupé. Or, le parc immobilier canadien nécessitant 3,5 millions de logements d’ici 2030, faute d’une révision des cibles d’immigration — y compris temporaire —, tous ces investissements fédéraux à retardement risquent de ne pas être suffisants.

Le gouvernement Trudeau n’a en revanche pas lésiné sur les efforts pour préserver son entente avec le Nouveau Parti démocratique. Son programme fédéral d’assurance pour les soins dentaires piétine allègrement les champs de compétence des provinces. Pire encore, le Québec, qui compte son propre programme, attend toujours qu’Ottawa lui garantisse sa pleine compensation. L’assurance médicaments, autre velléité centralisatrice du NPD, viendra s’ajouter dans la nouvelle année.

Le fédéral n’a pas renoncé à imposer ses conditions si choyées au transfert en santé. Et il ignore la dernière demande de remboursement de Québec pour l’accueil quasi exclusif de migrants sur son territoire. Le ministre fédéral de l’Immigration, Marc Miller, se montre intransigeant, voire méprisant.

Sa collègue au Patrimoine, Pascale St-Onge, ne fait que peu de cas de la souveraineté culturelle du Québec. La distribution des 100 millions de Google pour les médias s’est ainsi décidée sans l’apport du ministre québécois de la Culture, Mathieu Lacombe, qui avait à ce titre souhaité (sans succès) rencontrer son homologue en amont.

La sensibilité québécoise au Conseil des ministres de Justin Trudeau est à géométrie plus que variable. Le partenaire néodémocrate, Jagmeet Singh, y est quant à lui complètement sourd.

Si les conservateurs de Pierre Poilievre persistent à paralyser le Parlement en janvier, le gouvernement libéral se retrouvera d’autant plus tributaire du NPD pour assurer non seulement sa survie, mais aussi l’adoption de son programme politique (l’appui du Bloc québécois ne lui étant pas systématiquement garanti).

Justin Trudeau a la fâcheuse obsession d’envahir les champs de compétence des provinces. Jagmeet Singh, lui, en fait son modus operandi depuis son arrivée sur la scène fédérale. En 2024, le Québec n’aura qu’à bien se tenir.

Ce texte fait partie de notre section Opinion. Il s’agit d’un éditorial et, à ce titre, il reflète les valeurs et la position du Devoir telles que définies par son directeur en collégialité avec l’équipe éditoriale.

QOSHE - La gouvernance extrafédérale - Marie Vastel
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La gouvernance extrafédérale

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16.12.2023

Les débats s’éternisent. Les menaces de marathons de vote se succèdent. Le mois de décembre amène immanquablement son lot d’inepties et de querelles puériles au Parlement, mais le climat politique est particulièrement acrimonieux cette année. La relâche des Fêtes ne fera de tort à personne, surtout pas aux conservateurs de Pierre Poilievre, entêtés à tout paralyser pour s’opposer à la tarification du carbone, quitte à y laisser de leur crédibilité. Pendant que, de son côté, le gouvernement de Justin Trudeau aura passé l’automne à naviguer à travers les crises internationales et à s’obstiner à faire la sourde oreille au Québec, quitte à négliger au passage ses propres dossiers.

Le ton était donné dès le premier jour de la rentrée, le premier ministre accusant le gouvernement indien d’avoir coordonné l’assassinat d’un leader sikh en sol canadien. S’en est suivie, à l’occasion de la visite du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, l’humiliation canadienne de l’invitation d’un ancien combattant nazi par le président des Communes (remplacé depuis par un autre, à son tour dans l’embarras pour écarts de partisanerie). Moins d’un mois plus tard éclatait un nouveau conflit sanglant, à Gaza, après l’attentat terroriste du Hamas en Israël. Pendant des mois, Justin........

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