Il serait tout à fait exceptionnel qu’un parti formant un gouvernement majoritaire se retrouve en troisième place dans les intentions de vote moins de deux ans après avoir été élu.

Si les sondages n’avaient pas été d’une telle rareté, on aurait peut-être pu observer ce phénomène à la fin des années 1960. En 1966, l’Union nationale avait réussi à former un gouvernement majoritaire avec sept points de moins que le Parti libéral du Québec (PLQ). Cela n’avait rien à voir avec le « mandat fort » obtenu par la Coalition avenir Québec (CAQ) en octobre 2022. L’euphorie de l’Expo n’avait pas empêché le taux de chômage de doubler, et la crise linguistique de Saint-Léonard avait sérieusement ébranlé le gouvernement de Daniel Johnson.

Mardi matin, les libéraux devaient se pincer pour s’assurer qu’ils ne rêvaient pas en voyant que Pallas Data leur accordait la deuxième place, devant la CAQ, avec 23 % des intentions de vote. Ils devaient quand même s’étonner de ce chiffre, comme le PLQ recueillait seulement 10 % des voix francophones, mais surtout se demander ce qu’ils avaient bien pu faire pour mériter une telle ascension. Pour le moment, on ne s’intéresse à eux que pour se demander s’ils réussiront à empêcher Denis Coderre de faire main basse sur la chefferie.

Quelques heures plus tard, un sondage Léger réalisé au même moment les a ramenés sur terre. L’heure du PLQ viendra peut-être, mais il est prématuré de conclure que la perspective d’un autre référendum et l’arrivée d’un nouveau chef vont nécessairement lui donner des ailes et en refaire le champion de l’unité canadienne.

Avoir enfin touché le plancher serait assurément une bonne nouvelle pour la CAQ. Il est difficile d’imaginer comment le gouvernement Legault pourrait être plus inconstant qu’au cours de la dernière année, mais qui sait ? Rien n’est impossible en politique. Il serait inquiétant que le léger regain de popularité du premier ministre lui-même soit dû à sa plus grande discrétion. On ne pourra pas le museler durant la campagne électorale, s’il est toujours là.

Comme dirait Justin Trudeau, les électeurs « s’en foutent » de savoir qui est responsable de la décrépitude des réseaux de la santé et de l’éducation, mais ils ont généralement le réflexe de punir celui qui est au pouvoir et dont les promesses de redressement ne semblent jamais se réaliser. Même ce « gouvernement de comptables » semble avoir perdu la maîtrise des finances publiques.

Le plancher est un concept relatif en politique. On le voit parfois s’effondrer sous les pieds de ceux qui le croyaient solide. Les caquistes ont maintenant bon espoir de remonter la pente. En 1970, les survivants de l’Union nationale pensaient sans doute aussi qu’après avoir perdu plus des deux tiers de ses sièges, elle ne pourrait que rebondir. Trois ans plus tard, elle avait complètement disparu de l’Assemblée nationale.

De leur côté, les péquistes ont été soulagés de constater que les propos tenus par Paul St-Pierre Plamondon au conseil national de Drummondville, qui ont été présentés comme une campagne de peur, n’ont pas eu d’effet négatif sur les intentions de vote de son parti, même si seulement 33 % des personnes interrogées par Léger partagent sa vision noire de l’histoire du Québec.

Même si le Parti québécois (PQ) a atteint un plafond, il existe manifestement un noyau dur qui, inquiet pour la survie du français, pourrait suffire à faire élire un gouvernement du PQ malgré sa promesse de tenir un référendum dans un premier mandat, mais il lui faudra de toute évidence élaborer un argumentaire plus positif pour avoir une chance de faire triompher le Oui.

*****

Québec solidaire (QS) est le grand perdant de ce duo de sondages. Le congrès de novembre dernier avait été perçu comme un nouveau départ, particulièrement en région. Certes, Rome ne s’est pas faite en un jour. On ne pouvait pas s’attendre à une percée spectaculaire en l’espace de quelques mois, mais quand même pas à un recul.

Il serait sans doute injuste d’en tenir Gabriel Nadeau-Dubois pour responsable, mais force est de constater qu’il ne fait plus figure de principal interlocuteur du premier ministre. À l’Assemblée nationale, il demeure égal à lui-même, mais il a été éclipsé par Paul St-Pierre Plamondon, qui bénéficie pourtant d’un temps de parole moindre.

Il n’y a pas si longtemps, le moindre écart de langage du co-porte-parole de QS faisait la nouvelle. On s’intéresse maintenant aux sautes d’humeur du chef péquiste et à ses accrochages avec M. Legault.

Mais si la CAQ se trouve au plancher, pendant que le PQ est au plafond et que le PLQ fait du surplace, où diable vont se cacher les votes solidaires ?

Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

QOSHE - Du plancher au plafond - Michel David
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Du plancher au plafond

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25.04.2024

Il serait tout à fait exceptionnel qu’un parti formant un gouvernement majoritaire se retrouve en troisième place dans les intentions de vote moins de deux ans après avoir été élu.

Si les sondages n’avaient pas été d’une telle rareté, on aurait peut-être pu observer ce phénomène à la fin des années 1960. En 1966, l’Union nationale avait réussi à former un gouvernement majoritaire avec sept points de moins que le Parti libéral du Québec (PLQ). Cela n’avait rien à voir avec le « mandat fort » obtenu par la Coalition avenir Québec (CAQ) en octobre 2022. L’euphorie de l’Expo n’avait pas empêché le taux de chômage de doubler, et la crise linguistique de Saint-Léonard avait sérieusement ébranlé le gouvernement de Daniel Johnson.

Mardi matin, les libéraux devaient se pincer pour s’assurer qu’ils ne rêvaient pas en voyant que Pallas Data leur accordait la deuxième place, devant la CAQ, avec 23 % des intentions de vote. Ils devaient quand même s’étonner de ce chiffre, comme le PLQ recueillait seulement 10 % des voix francophones, mais surtout se demander ce qu’ils avaient bien pu faire pour mériter une telle ascension. Pour le moment, on ne s’intéresse à eux que pour se demander s’ils réussiront à........

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