Malgré les embrassades et les démonstrations d’unité, une course au sein d’un parti politique laisse toujours des séquelles.

L’élection d’Émilise Lessard-Therrien au poste de porte-parole féminine de Québec solidaire avait été saluée par des cris de joie au congrès de Gatineau. Après la grande déception de la dernière élection, on a voulu y voir le prélude à une percée « historique » en région.

On peut tirer une autre conclusion de sa victoire. D’anciens militants d’Option nationale, qui avaient refusé la fusion avec QS en 2017, invitent maintenant ceux qui l’avaient acceptée à « converger vers un véhicule qui ne craint pas de faire de l’indépendance sa priorité », c’est-à-dire vers le PQ.

Dans une lettre ouverte publiée sur les plateformes numériques du Devoir sous le titre « La fin du mirage », ils expliquent avoir eux-mêmes tourné le dos au PQ en 2012, lui reprochant d’avoir caché le projet indépendantiste dans un placard, et ils constatent que « l’histoire se répète à Québec solidaire ».

Depuis la fusion, l’ancien chef d’Option nationale, Sol Zanetti, a été élu et réélu député de Jean-Lesage sous la bannière solidaire, mais une entente prévoyait qu’ON demeurerait un collectif distinct au sein de QS et jouerait à ce titre un rôle de premier plan dans la promotion du projet indépendantiste.

Or, ce collectif, y compris M. Zanetti, avait donné son appui à Ruba Ghazal dans la course au poste de porte-parole féminine, précisément en raison de son « insistance » sur l’indépendance durant sa campagne.

Il est vrai que la députée de Mercier était de loin celle des trois candidates qui semblait la plus convaincue quand elle en parlait. Christine Labrie a reconnu que ce n’était pas sa priorité, tandis qu’Émilise Lessard-Therrien mettait surtout l’accent sur la ruralité, au point d’évoquer la « souveraineté des régions ».

Ce n’est pas d’hier que les prétentions indépendantistes de QS sont contestées. La lettre ouverte du collectif ne fait pas explicitement allusion à la défaite de Mme Ghazal, mais cela n’a pu que renforcer son sentiment que QS « met cet enjeu fondamental dans le caniveau de sa liste de priorités », alors que « le Parti québécois de PSPP aura réussi, en peu de temps et avec peu de moyens, à faire avancer concrètement l’indépendance du Québec ».

Il faut aussi constater que l’actuel chef du PQ projette une image plus rassurante aux yeux des militants solidaires que son prédécesseur, Jean-François Lisée, qui avait littéralement été diabolisé lors du congrès de mai 2017 afin de justifier le rejet de toute forme d’alliance avec le PQ. Sur le fond des reproches qu’on lui adressait, qu’il s’agisse de langue, d’immigration ou de laïcité, on ne peut pourtant pas dire que le PQ ait adouci ses positions.

Il est vrai que le collectif des anciens d’ON, qui compte environ 800 membres (sur un total de 20 000), peut apparaître comme « un groupuscule dans un parti à majorité fédéraliste ». Les chiffres du dernier sondage Léger sont clairs : 80 % des péquistes voteraient oui à un référendum sur la souveraineté, mais seulement 35 % des solidaires.

Peut-être avaient-ils mal jugé la véritable nature de QS, quand ils ont décidé de fusionner. La question cependant est de savoir s’ils serviraient mieux la cause indépendantiste en migrant vers le PQ ou en restant à QS.

Il ne faut pas se faire d’illusion. Une commune aversion pour le gouvernement Legault, même pour des motifs différents, peut favoriser une certaine complicité à l’Assemblée nationale, mais on est encore très loin d’un rapprochement.

Après la dure lutte qui les a opposés à Montréal pendant des années, les nouvelles ambitions de QS en région pourraient maintenant être compromises par le retour en force du PQ.

Le processus d’accession à la souveraineté demeure un obstacle de taille. Aux yeux du PQ, le projet d’assemblée constituante tel qu’il est présenté dans le programme de QS ne peut tout simplement pas déboucher sur l’indépendance, s’il ne vise pas carrément à l’empêcher.

La nécessité est la mère de l’invention, dit-on. Une nouvelle réalité politique peut aussi favoriser des compromis inimaginables dans d’autres circonstances. Les récents sondages laissent entrevoir la possibilité de l’élection d’un gouvernement péquiste minoritaire, qui serait incapable de tenir un référendum sans l’appui d’un autre parti.

À moins que la mauvaise conscience d’anciens souverainistes élus sous les couleurs de la CAQ ne les pousse à faire défection, il faudrait réactiver d’urgence les discussions sur la « convergence » brutalement interrompues en 2017.

Il va de soi qu’un tel scénario provoquerait de vives discussions au sein de QS, où certains ne manqueraient pas de multiplier les objections. Si les souverainistes qui y militent encore s’en vont au PQ, qui se chargera de leur donner la réplique ?

Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

QOSHE - Les migrations souverainistes - Michel David
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Les migrations souverainistes

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05.12.2023

Malgré les embrassades et les démonstrations d’unité, une course au sein d’un parti politique laisse toujours des séquelles.

L’élection d’Émilise Lessard-Therrien au poste de porte-parole féminine de Québec solidaire avait été saluée par des cris de joie au congrès de Gatineau. Après la grande déception de la dernière élection, on a voulu y voir le prélude à une percée « historique » en région.

On peut tirer une autre conclusion de sa victoire. D’anciens militants d’Option nationale, qui avaient refusé la fusion avec QS en 2017, invitent maintenant ceux qui l’avaient acceptée à « converger vers un véhicule qui ne craint pas de faire de l’indépendance sa priorité », c’est-à-dire vers le PQ.

Dans une lettre ouverte publiée sur les plateformes numériques du Devoir sous le titre « La fin du mirage », ils expliquent avoir eux-mêmes tourné le dos au PQ en 2012, lui reprochant d’avoir caché le projet indépendantiste dans un placard, et ils constatent que « l’histoire se répète à Québec solidaire ».

Depuis la fusion, l’ancien chef d’Option nationale, Sol Zanetti, a été élu et réélu député de Jean-Lesage sous la bannière solidaire, mais une entente prévoyait qu’ON demeurerait un collectif distinct au sein de QS et jouerait à........

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